DUBAÏ: Le festival de Cannes reste l’événement le plus prisé dans le monde du cinéma. Les célébrités affluent chaque année au mois de mai vers le sud de la France. Ici, on célèbre les grands noms du cinéma et les grandes voix qui façonneront l’avenir de cet art sont sélectionnées parmi les participants. L’Arabie saoudite joue cette année un rôle essentiel dans cet événement, grâce à Mohammed al-Turki, producteur de films et directeur général de la fondation du Red Sea International Film Festival (RSIFF).
M. Al-Turki a pris ses fonctions il y a un an. Il est devenu depuis un véritable ambassadeur du cinéma saoudien et arabe dans le monde. Il s’efforce de promouvoir le premier festival qui se tient chaque année à Djeddah, mais aussi d’aider les jeunes talents de la région à se hisser vers de nouveaux sommets. Le Red Sea Fund («Fonds de la mer Rouge»), qui fait partie de la RSIFF Foundation, a soutenu cette année cinq films ainsi que le film d’ouverture du festival, Jeanne du Barry, avec Johnny Depp.
«Le festival de Cannes s’impose comme un événement incontournable pour le cinéma mondial. Il incarne la splendeur de tous les festivals. Grâce à notre participation à ce festival, nous parviendrons à promouvoir les talents et les films que nous soutenons», déclare Mohammed al-Turki à Arab News.
«C'est un point de rencontre pour le cinéma international, ce qui nous permet de tisser des liens à travers le monde. L’industrie cinématographique constitue en outre un secteur d’exportation important. Pour l’exploiter, il est indispensable d’avoir accès au marché international. C’est ainsi que nous défendons les œuvres réalisées par des artistes arabes, africains et indiens», poursuit-il.
Bien des choses ont changé pour M. Al-Turki depuis notre dernier entretien en 2021. Il s’intéressait à l’époque à la production de films en Arabie saoudite. Il avait produit pendant dix ans des films hollywoodiens avec des stars telles que Richard Gere, Gary Oldman et Andrew Garfield. Il espérait mettre en lumière certains Saoudiens qui avaient été jusqu’à présent ignorés. Il s’est attaqué à cette mission projet après projet. Aujourd’hui, il peut atteindre des objectifs bien plus ambitieux grâce au RSIFF, une organisation puissante. Il est toutefois conscient du chemin qui reste encore à parcourir.
«Mon poste m’a permis de mieux comprendre les défis et les obstacles qui continuent d’entraver le parcours des personnes qui n’appartiennent pas à Hollywood», explique-t-il. «Ces artistes ont heureusement suffisamment de talent et de ténacité pour réussir.»
Le financement des projets de talents expérimentés n’est pas le seul moyen de surmonter ces obstacles. Il convient également d’identifier et d’aider les talents au début de leur carrière, dans tous les aspects de la réalisation de films. Cette année, Red Sea Labs et le RSIFF s’associent au Marché du Film de Cannes. L’objectif est de mettre en place le premier programme consacré au soutien des talents: le Cannes Makers program («Programme de développement des talents de Cannes»). Trois jeunes Saoudiens y participeront: Shahad Abonomai, Raghad Bajbaa et Marwan Elshafie.
«Notre objectif est de soutenir les personnes motivées et visionnaires qui ont besoin de mieux se positionner dans l’industrie. Nous avons décelé un grand potentiel chez ces trois jeunes artistes», se félicite Mohammed al-Turki.
M. Al-Turki collabore aujourd’hui avec des spécialistes bien plus qu’il ne le faisait auparavant. Il s’est rendu compte d’une chose: ce qui fait la force d’un leader, ce sont les personnes dont il s’entoure.
«Il s’agit d’abord et avant tout d’un effort collectif, j’en suis conscient. Je suis fier de pouvoir représenter ce mouvement visant à enrichir l’écosystème du cinéma saoudien et à conférer au cinéma arabe une place sur la scène internationale. Notre équipe, notre réseau de partenaires et, plus important encore, notre cohorte de talents prometteurs sont formidables. Ils méritent d’être encouragés et soutenus», précise-t-il.
Son équipe – ainsi que l’industrie cinématographique d’Arabie saoudite dans son ensemble – a réalisé à ce jour des progrès étonnants. «On a tellement de choses à offrir. Les résultats que nous avons enregistrés sont impressionnants pour une industrie aussi jeune que la nôtre», déclare-t-il. «Le RSIFF s’apprête à lancer sa 3e édition et il s’impose d’ores et déjà comme un véritable acteur au sein des événements cinématographiques mondiaux.»
Ce qui confère à un festival toute sa valeur, ce sont les films qu’il promeut. Les films financés par le fonds font la fierté du RSIFF et de Mohammed al-Turki: Four Daughters de Kaouther ben Hania et Banel & Adama de Ramata-Toulaye Sy (qui concourent pour la Palme d’or, le prix le plus prestigieux du festival) ainsi qu’un film soudanais, le premier à être présenté au festival.
«Participer à ces moments décisifs est une grande leçon d'humilité et me donne beaucoup d'espoir pour l'avenir du cinéma de notre région», déclare le directeur général du RSIFF.
Mais le voyage ne fait que commencer. Certes, la fondation comme l’industrie cinématographique en Arabie saoudite en sont encore à leurs débuts; elles ont vu le jour il y a quelques années seulement. Pourtant, le Royaume est en passe de devenir le principal pôle de l’industrie cinématographique dans le monde arabe et dans la région.
«Je pense que l’Arabie saoudite contribuera de manière décisive à façonner l’avenir du cinéma dans la région, notamment grâce aux efforts consentis par la fondation de la mer Rouge. Le pays constitue également une destination remarquable pour les tournages et il compte de nombreux talents émergents», précise M. Al-Turki.
Il continue de produire des films – il est producteur exécutif du prochain film de Michael Mann, Ferrari avec Adam Driver. Mais son héritage, c’est l’Arabie saoudite. C’est sa patrie, le pays où ce jeune garçon de Khobar, dans la province orientale du Royaume, est tombé amoureux du cinéma.
Mohammed al-Turki se souvient de sa riche collection de films à Khobar. Il louait ses cassettes VHS et ses disques laser aux autres étudiants qui l’attendaient à l’entrée du parking. Il voulait partager avec eux sa plus grande passion et transmettre la joie qui l’envahissait en regardant chaque copie usée. C'est cette même impulsion qui le guide aujourd'hui. Cependant, il ne se contente plus de partager avec les autres la magie des films, il contribue à la créer et il l’adresse à un public bien plus large.
«Je souhaite apporter une contribution concrète en plaçant l’Arabie saoudite sur la scène mondiale du cinéma», soutient-il.
On ne trouvait pas de salles de cinéma en Arabie saoudite cinq ans auparavant. L’industrie a connu depuis un essor fulgurant, tant sur le plan créatif que commercial. Il est fier d’avoir contribué à cet essor. «J’espère que le RSIFF continuera à prospérer dans les années à venir et qu’il restera un lieu privilégié pour les cinéastes où ils pourront se découvrir et faire carrière. J’espère également qu’il perdurera longtemps après nous.»
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com.