PARIS: Des grands-parents d'enfants revenus de Syrie et la Ligue des droits de l'homme (LDH) contestent en justice la création d'un fichier regroupant les données personnelles de ces mineurs, selon une requête déposée mardi devant le Conseil d'Etat et consultée par l'AFP.
Ce "traitement automatisé de données à caractère personnel relatif à la prise en charge des mineurs de retour de zones d'opérations de groupements terroristes (MRZOGT)" a été autorisé par un décret interministériel publié début avril.
Il doit, selon le texte de ce décret, permettre une "meilleure coordination des services compétents en matière de prise en charge administrative, judiciaire, médicale et socio-éducative" de ces enfants, "en vue d'assurer leur protection et de prévenir leur engagement dans un processus de délinquance ou de radicalisation".
Ces données sont "sensibles" et accessibles "à une grande variété d'acteurs", dénonce la requête, qui estime que le fichier affecte de façon "injustifiée et disproportionnée" les droits de ces mineurs.
"Ce fichier est inacceptable en ce qu'il présume que de simples enfants sont de potentiels radicalisés sur lesquels devrait peser un soupçon permanent", a commenté auprès de l'AFP Me Patrice Spinosi, à l'origine du recours demandant l'annulation du décret.
Le fichier comprendra notamment les noms, prénoms, dates et lieu de naissance, adresses, langues parlées de l'enfant, ainsi que des informations sur ses parents ("décès présumé" ou incarcération, date de sortie de prison prévue).
Seront aussi regroupées les données concernant le retour en France de l'enfant, l'évolution de sa prise en charge sur place, l'existence d'éventuels bilans médicaux, son "adaptation au parcours scolaire" ou encore toute "information préoccupante transmise par l'établissement de scolarisation".
Selon le décret, les données seront supprimées une fois l'enfant devenu majeur.
C'est "une nouvelle façon de stigmatiser ces enfants et de refuser de les traiter comme des victimes, alors qu'ils ne sont que des victimes, des choix de leurs parents et d'un pays qui les abandonne", a réagi Me Marie Dosé, avocate des grands-parents de quatre enfants âgés de quatre à sept ans, qui ont déjà leur garde, ou devraient l'obtenir rapidement.
Après des années de rapatriements au cas par cas et sous pression d'organisations internationales et des familles, la France a procédé entre juillet 2022 et janvier dernier à trois retours d'ampleur de femmes et d'enfants, proches de djihadistes de l'organisation de l'Etat islamique (EI), et détenus dans des camps de prisonniers du nord-est de la Syrie.
Quelque 300 enfants français sont rentrés en France, dont 77 par rapatriement, avait indiqué début octobre le ministre de la Justice Éric Dupond-Moretti.