PARIS: « On cherche à cacher les violences policières » : matraqué au sol par un policier lors de son arrestation en 2016, Paco Pompeani n'a jamais réussi à le faire identifier, malgré plusieurs vidéos qui démontrent des « manquements » de plusieurs agents, selon la Défenseure des droits.
Le 17 mai 2016, ce lycéen de Montreuil (Seine-Saint-Denis) participe à une manifestation contre la loi Travail à Paris. Alors âgé de 16 ans, il se retrouve sur la place Denfert-Rochereau, dans le sud de la capitale : des heurts opposent manifestants et policiers, les gaz lacrymogènes pleuvent.
Alors qu'il s'écarte du nuage, l'adolescent est interpellé par quatre policiers en civil. Trois d'entre eux le font tomber pour le maîtriser.
Les vidéos de l'arrestation montrent le quatrième agent, casque de moto intégral sur la tête et pistolet à la ceinture, porter deux coups de matraque sur le jeune homme à terre. Tous se replient ensuite derrière un cordon de CRS, en traînant le manifestant au sol.
Fin novembre, la Défenseure des droits Claire Hédon a adressé un rapport au ministère de l'Intérieur concernant cette arrestation.
Dans ce document, elle dénonce un usage de la matraque « disproportionné », « un manquement » de la part des trois policiers qui n'ont pas protégé le manifestant et « un manquement de l'ensemble de la chaîne hiérarchique » qui gérait cette manifestation car l'auteur des coups n'a jamais été identifié par la préfecture de police de Paris.
« Mon arrestation, c'est un cas d'école des violences policières. J'ai vraiment eu de la chance qu'il y ait plusieurs vidéos », explique Paco Pompeani qui a notamment eu le nez fracturé et l'œil tuméfié. Des blessures qui lui ont valu six jours d'incapacité totale de travail (ITT).
Aujourd'hui âgé de 20 ans, le jeune homme est « très inquiet » face à la loi sécurité globale, dont l'article 24, qui propose d'encadrer l'image des forces de l'ordre, a provoqué une vive polémique et doit désormais être complètement réécrit.
Initialement poursuivi car les policiers l'accusaient d'avoir jeté des projectiles sur les CRS, Paco reste persuadé que les vidéos ont permis sa relaxe par le tribunal pour enfants de Bobigny en 2018. « Les images montrent que les trois policiers mentent sur l'interpellation et donc elles jettent le discrédit sur l'ensemble de leur parole. »
« Effet tunnel »
Paco a obtenu qu'un juge d'instruction enquête sur son arrestation. Devant l'IGPN, la « police des polices »,comme face aux services de la Défenseure des droits, les trois agents « interpellateurs » ont reconnu que les coups de matraque étaient « totalement disproportionnés ». Tous ont également assuré ne pas avoir vu leur auteur à cause de « l'effet tunnel » qui focalisait leur attention sur le manifestant.
Confrontés aux images, ils ont expliqué ne pas le connaître et mis en doute le fait qu'il soit policier. Là où eux portent un brassard orange siglé « police », l'homme n'arbore aucun signe distinctif l'identifiant, ce qui est normalement obligatoire.
Sur d'autres images de la manifestation diffusées par le site Reporterre, le visage du quatrième policier est filmé : la visière de son casque est relevée et l'homme interagit avec le trio qui interpellera Paco quelques instants plus tard.
La Défenseure des droits a transmis une photo du policier, extraite des vidéos, à la préfecture de police, qui n'a « pas été en mesure de l'identifier ». Dans son rapport, Hédon réitère « avec force » la nécessité d'équiper les forces de l'ordre pour « garantir (leur) identification » ou, « a minima », déterminer « à quels services ils appartiennent ».
« Sans ces vidéos, on n'aurait jamais su qu'il y avait un quatrième policier », tonne Emilie Bonvarlet, l'avocate de Paco, « qui n'a rien vu au milieu des gaz et des coups ». Elle dénonce « des policiers qui nient l'évidence et la hiérarchie qui les couvre ».
Depuis ce jour de 2016, « je ne suis pas serein quand je vois un uniforme et je n'ai jamais réussi à retourner dans une manifestation », confie Paco.
Contacté pour savoir si les policiers concernés s'étaient vu rappeler le code déontologique de la profession, comme le recommande la Défenseure des droits, le ministère de l'Intérieur n'était pas en mesure de répondre dans l'immédiat.