Affaire des écoutes: Nicolas Sarkozy condamné en appel à trois ans de prison dont un an ferme

L'ancien président français Nicolas Sarkozy arrive au palais de justice pour l'audience d'appel d'un procès pour corruption au palais de justice de Paris le 17 mai 2023 (Photo, AFP).
L'ancien président français Nicolas Sarkozy arrive au palais de justice pour l'audience d'appel d'un procès pour corruption au palais de justice de Paris le 17 mai 2023 (Photo, AFP).
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Publié le Mercredi 17 mai 2023

Affaire des écoutes: Nicolas Sarkozy condamné en appel à trois ans de prison dont un an ferme

  • Dans un jugement sans précédent pour un ancien président de la Ve République, M. Sarkozy avait été condamné en première instance, le 1er mars 2021, à trois ans d'emprisonnement, dont un an ferme, pour corruption et trafic d'influence
  • Trois ans de prison totalement assortis du sursis ont été requis contre l'ex-chef de l'Etat et ses deux coprévenus

PARIS: L'ancien chef de l'Etat Nicolas Sarkozy a été condamné mercredi en appel à Paris à trois ans d'emprisonnement dont un an ferme pour corruption et trafic d'influence dans l'affaire des écoutes, une sanction inédite pour un ancien président.

Son avocat historique Thierry Herzog et l'ancien haut magistrat Gilbert Azibert ont été condamnés aux mêmes peines. La cour d'appel a en outre prononcé une interdiction des droits civiques de trois ans pour M. Sarkozy, ce qui le rend inéligible, ainsi qu'une interdiction d'exercer de trois ans pour Me Herzog.

Dans un jugement sans précédent pour un ancien président de la Ve République, M. Sarkozy avait été condamné en première instance, le 1er mars 2021, à trois ans d'emprisonnement, dont un an ferme, pour corruption et trafic d'influence.

Celui qui n'a eu de cesse de clamer son innocence avait immédiatement fait appel.

Au premier jour de ce nouveau procès, le 5 décembre 2022, il a affirmé être venu "défendre son honneur bafoué" et assuré n'avoir "jamais corrompu qui que ce soit".

A l'issue des débats, le parquet général a fustigé une "affaire d'une gravité sans précédent au cours de la Ve République", mais n'a pas demandé de prison ferme contre l'ancien locataire de l'Elysée, 68 ans aujourd'hui.

Trois ans de prison totalement assortis du sursis ont été requis contre l'ex-chef de l'Etat et ses deux coprévenus.

Le ministère public a en outre réclamé une interdiction des droits civiques de cinq ans pour M. Sarkozy et M. Azibert, 76 ans, ainsi qu'une interdiction d'exercer la profession d'avocat pendant la même période pour Me Herzog, 67 ans.

Cette décision est attendue alors que l'ex-homme fort de la droite est sous la menace d'un autre retentissant procès: le parquet national financier (PNF) a requis jeudi son renvoi en correctionnelle dans l'affaire des soupçons de financement libyen de sa campagne présidentielle de 2007.

Nicolas Sarkozy condamné en appel dans l'affaire des écoutes: ce que dit la décision

Voici les principaux points de la décision:

Des écoutes téléphoniques légales

Au cœur de ce dossier se trouvent des interceptions téléphoniques entre Nicolas Sarkozy et son avocat Thierry Herzog datant de 2014. Tout au long de l'enquête et du procès, la défense a plaidé l'illégalité de ces écoutes, au nom du secret des échanges entre un avocat et son client.

En première instance, le tribunal avait estimé que ne pouvaient être retenues que les conversations laissant "présumer la participation" de Nicolas Sarkozy à "une infraction". Il avait analysé chacun des échanges et écarté deux conversations.

La cour d'appel a validé toutes les écoutes. Elle juge que leur "légalité" a déjà été "tranchée pendant l'information judiciaire par la Cour de cassation" et qu'elles ont été recueillies "sans qu'aucune hypothèse de déloyauté puisse être retenue".

Un «pacte de corruption» avéré

Pour la cour d'appel, le "pacte de corruption" a été scellé "dès lors que le magistrat" Gilbert Azibert, avocat général à la Cour de cassation, "a accepté de rendre service" en communiquant des "informations privilégiées" sur un pourvoi de Nicolas Sarkozy, "moyennant une contrepartie", à savoir le "coup de pouce" pour un poste à Monaco auquel s'est "engagé" l'ex-président.

"+Moi, je le fais monter+", "+je l'aiderai+", assure ainsi l'ancien chef de l'Etat à Thierry Herzog, dans l'une des écoutes interceptées sur la ligne "Bismuth", le 5 février 2014.

MM. Sarkozy et Herzog étaient tous deux avocats, M. Azibert un "spécialiste de la procédure pénale". "Aucun des trois ne peut se prévaloir d'une méconnaissance du droit pour prétendre ne pas avoir été parfaitement conscient des infractions commises", souligne l'arrêt.

Cette affaire a instillé l'idée selon laquelle des procédures judiciaires "peuvent faire l'objet d'arrangements occultes destinés à satisfaire des intérêts privés", tancent les juges.

Nicolas Sarkozy, une «atteinte à la confiance publique»

La cour souligne que ces délits "sont d'une particulière gravité ayant été commis par un ancien" chef de l'Etat "garant de l'indépendance de l'autorité judiciaire", jugeant aussi que ces faits ont "lourdement porté atteinte à la confiance publique".

Nicolas Sarkozy, 68 ans, "s'est servi de son statut d'ancien président de la République et des relations politiques et diplomatiques qu'il a tissées" pour "promettre une gratification à un magistrat qui a servi son intérêt personnel", poursuit-elle.

Le cour estime ainsi que la peine choisie par le tribunal était "indispensable et proportionnée", "toute autre sanction serait manifestement inadéquate".

La décision lui interdit par ailleurs de voter et de se présenter à une élection pendant trois ans.

Thierry Herzog, «au mépris de la justice»

Ce "célèbre, brillant" avocat pénaliste de 67 ans "a bafoué le secret professionnel auquel il était tenu et a tenté d'influer sur une procédure judiciaire en cours devant la Cour de cassation par l'emploi de procédés illégaux", juge la cour d'appel.

Plutôt que de rappeler Nicolas Sarkozy "à la raison", "il a tout mis en œuvre pour permettre une stratégie de corruption et de trafic d'influence" en "s'affranchissant de ses obligations déontologiques et au mépris de la justice".

L'avocat a été condamné à la même peine que l'ex-président, avec, en sus, trois ans d'interdiction professionnelle.

Gilbert Azibert, un serment «violé»

Comme le tribunal, la cour insiste sur la "particulière gravité" des faits, commis "par un magistrat", qui plus est "éminent spécialiste de la loi". Ces délits sont pour la cour "de nature à jeter le discrédit sur une profession dont la mission est essentielle au bon fonctionnement de la démocratie".

Gilbert Azibert, 76 ans, "a violé la loi et son serment de magistrat pour rentrer au service d'une logique de clan", assène la décision.

Il se voit infliger la même peine que ses coprévenus, avec une interdiction de droits civiques et civils de trois ans.

« Coup de pouce »

Ce dossier judiciaire, qui met également en cause trois anciens ministres de Nicolas Sarkozy, est indirectement à l'origine de l'affaire des "écoutes", aussi appelée "Bismuth".

Fin 2013, les juges d'instruction chargés de l'enquête sur les soupçons de corruption libyenne décident en effet de "brancher" les deux lignes de Nicolas Sarkozy. Ils découvrent alors l'existence d'une troisième ligne, officieuse.

Achetée le 11 janvier 2014 sous l'identité de "Paul Bismuth", elle est dédiée aux échanges entre l'ex-président et son avocat et ami de longue date, Thierry Herzog.

Leurs conversations téléphoniques, diffusées pour la première fois à l'occasion du deuxième procès en décembre, constituent le cœur du dossier et le socle de l'accusation.

Pour le ministère public, se dessinent dans ces écoutes un pacte de corruption noué avec Gilbert Azibert, alors avocat général à la Cour de cassation, accusé d'avoir œuvré en coulisses pour peser sur un pourvoi formé par Nicolas Sarkozy dans l'affaire Bettencourt, en échange d'un "coup de pouce" pour un poste honorifique à Monaco.

Le 7 février, la cour d'appel de Paris a rejeté les deux questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) soulevées par la défense de MM. Sarkozy et Herzog pour contester la régularité des poursuites.

Ricochets 

Ces QPC concernaient en particulier une enquête parallèle vivement contestée par la défense, menée par le PNF. Ouverte en 2014, elle visait à trouver une "taupe" qui aurait informé Nicolas Sarkozy et Thierry Herzog que leur ligne "Bismuth" était sur écoute.

Dans ce cadre, le parquet financier avait examiné les factures détaillées ("fadettes") de neuf avocats et géolocalisé trois d'entre eux, sur une durée de quelques heures. L'enquête a été classée sans suite fin 2019 et transmise à la défense en 2020.

Cette affaire dans l'affaire, dite des "fadettes", a entraîné par ricochets le renvoi devant la Cour de justice de la République (CJR) de l'actuel garde des Sceaux Eric Dupond-Moretti, pour avoir lancé des enquêtes administratives visant trois magistrats financiers.

Le ministre a formé un pourvoi en cassation contre ce renvoi.

Début avril, une autre formation de la cour d'appel de Paris, saisie par le barreau de la capitale, a confirmé que l'Etat n'avait pas commis de "faute lourde" dans ce dossier.

Sous forte pression judiciaire, Nicolas Sarkozy sera rejugé en appel à l'automne dans l'affaire "Bygmalion", qui porte sur les frais de sa campagne présidentielle de 2012. Il avait été condamné à un an de prison ferme en septembre 2021.


Rouen: un homme armé tentant de mettre le feu à une synagogue tué par la police

"A Rouen, les policiers nationaux ont neutralisé tôt ce matin un individu armé souhaitant manifestement mettre le feu à la synagogue de la ville. Je les félicite pour leur réactivité et leur courage", écrit M. Darmanin sur X. (Reuters).
"A Rouen, les policiers nationaux ont neutralisé tôt ce matin un individu armé souhaitant manifestement mettre le feu à la synagogue de la ville. Je les félicite pour leur réactivité et leur courage", écrit M. Darmanin sur X. (Reuters).
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  • Selon une source proche du dossier, l'homme était armé «d'un couteau et d'une barre de fer»
  • «Il aurait menacé un policier d’un couteau et ce dernier a fait usage de son arme et l’individu est décédé», a précisé le procureur

ROUEN: Des policiers ont abattu vendredi matin un homme armé notamment d'un couteau qui tentait de mettre le feu à une synagogue à Rouen et les menaçait, a annoncé le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin.

Vers 6h45, les policiers sont "intervenus sur un signalement de dégagement de fumée près de la synagogue", située rue des Bons enfants dans le centre historique de Rouen, a détaillé une source policière à l'AFP.

"Un individu a mis le feu à la synagogue de Rouen. Il aurait pris à partie les policiers et les pompiers", a pour sa part indiqué à l'AFP le procureur de Rouen, Frédéric Teillet.

Selon une source proche du dossier, l'homme était armé "d'un couteau et d'une barre de fer".

"Ensuite, il aurait menacé un policier d’un couteau et ce dernier a fait usage de son arme et l’individu est décédé", a précisé le procureur.

Une première enquête a été ouverte pour "incendie volontaire" visant un lieu de culte, "violences volontaires sur personnes dépositaires de l’autorité publique confiée à la DGPN, a fait savoir le parquet.

Un autre enquête a été ouverte sur les circonstances du décès de l'individu armé pour "violences volontaires avec armes ayant entrainé la mort sans intention de la donner", confiée à l'Inspection générale de la police nationale (IGPN).

"A Rouen, les policiers nationaux ont neutralisé tôt ce matin un individu armé souhaitant manifestement mettre le feu à la synagogue de la ville. Je les félicite pour leur réactivité et leur courage", a écrit M. Darmanin sur X.

L'homme abattu par les forces de l'ordre n'a pas été immédiatement identifié, a-t-on précisé de source policière.

Sollicité par l'AFP, le Parquet national antiterroriste indique être en train d'évaluer s'il se saisit du dossier.

De nombreux pompiers et policiers étaient déployés sur place vendredi matin, a constaté un journaliste de l'AFP.

«Sous le choc»

Selon le maire de Rouen, Nicolas Mayer-Rossignol, les pompiers maîtrisaient vendredi matin le départ de feu et il n'y aurait "pas d'autres victimes que l'individu armé".

"A travers cette agression et cette tentative d'incendie de la synagogue de Rouen, ce n'est pas seulement la communauté israélite qui est touchée. C'est toute la ville de Rouen qui est meurtrie et sous le choc", a réagi  le maire sur X.

"Tenter de brûler une synagogue, c'est vouloir intimider tous les Juifs. Une nouvelle fois, on veut faire peser un climat de terreur sur les Juifs de notre pays. Combattre l'antisémitisme, c'est défendre la République", a affirmé sur X le président du Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif) Yonathan Arfi.

Gérald Darmanin avait demandé le 14 avril dernier aux préfets de renforcer la sécurité devant les lieux de culte juifs ainsi que devant les écoles confessionnelles, au lendemain de l'attaque menée par l'Iran contre Israël.

Les opérations militaires lancées par l'Etat hébreu contre la bande de Gaza, qui ont causé la mort de plus de 35.000 personnes, en représailles à l'attaque des combattants du Hamas contre Israël le 7 octobre dernier ont provoqué une forte hausse des actes d'antisémitisme en France.

Début mai, le Premier ministre Gabriel Attal avait annoncé que "366 faits antisémites" avaient été enregistrés au premier trimestre 2024, soit "une hausse de 300% par rapport aux trois premiers mois de l'année 2023".

Face à cette hausse, "pas un acte ne doit rester impuni, pas un antisémite ne doit avoir l'âme tranquille", avait affirmé le chef du gouvernement en promettant de "faire preuve d'une fermeté exemplaire à chaque acte".


Des Français musulmans s'exilent à l'étranger, fuyant la « morosité ambiante »

Sur plus de 1.000 personnes répondant à un questionnaire relayé par l'intermédiaire de réseaux militants, 71% ont cité le racisme ou les discriminations pour expliquer ce choix, selon cette enquête, intitulée "La France, tu l'aimes mais tu la quittes". (AFP).
Sur plus de 1.000 personnes répondant à un questionnaire relayé par l'intermédiaire de réseaux militants, 71% ont cité le racisme ou les discriminations pour expliquer ce choix, selon cette enquête, intitulée "La France, tu l'aimes mais tu la quittes". (AFP).
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  • Une étude de sociologie publiée le mois dernier rapporte que des Français de culture musulmane, hautement qualifiés, souvent issus de l'immigration, quittent la France pour un nouveau départ
  • Ses amis, sa famille, la culture française lui manquent, mais il raconte avoir fui "l'islamophobie" et le "racisme systémique" entraînant des contrôles policiers à répétition à son encontre

PARIS: Après avoir échoué à 50 entretiens d'embauche pour un job de consultant, en dépit de ses qualifications et diplômes, Adam, Français de confession musulmane, a fait ses valises pour commencer une nouvelle vie à Dubaï.

"Je me sens beaucoup mieux ici qu'en France", estime désormais ce trentenaire d'origine nord-africaine.

"Ici on est tous égaux. On peut avoir comme patron une personne indienne, une personne arabe, un Français", témoigne-t-il à l'AFP, ajoutant que sa religion est "plus acceptée".

Une étude de sociologie publiée le mois dernier rapporte que des Français de culture musulmane, hautement qualifiés, souvent issus de l'immigration, quittent la France pour un nouveau départ dans des villes telles que Londres, New York, Montréal ou Dubaï.

Sur plus de 1.000 personnes répondant à un questionnaire relayé par l'intermédiaire de réseaux militants, 71% ont cité le racisme ou les discriminations pour expliquer ce choix, selon cette enquête, intitulée "La France, tu l'aimes mais tu la quittes".

En France, "vous devez faire deux fois plus d'efforts quand vous venez de certaines minorités", reprend Adam, qui ne donne pas son nom de famille, comme tous ceux interrogés par l'AFP.

Ses amis, sa famille, la culture française lui manquent, mais il raconte avoir fui "l'islamophobie" et le "racisme systémique" entraînant des contrôles policiers à répétition à son encontre.

'Plafond de verre'

La France, ancienne puissance coloniale et pays d'immigration, compte une importante population d'origine maghrébine et africaine.

Les enfants d'immigrés venus chercher une vie meilleure ou appelés à constituer une main d'oeuvre bon marché dans les années 60 sont Français. Mais nombre d'entre eux se sentent étrangers dans leur propre pays, considérés comme des "citoyens de seconde zone". En particulier depuis les attentats jihadistes de 2015 en France.

"Le climat en France s’est largement dégradé. En tant que musulman on est pointé du doigt", estime sous couvert de l'anonymat un banquier franco-algérien de trente ans, qui s'apprête à quitter son pays en juin, direction Dubaï.

Il évoque notamment certaines chaînes d'info et éditorialistes assimilant tous les musulmans à des extrémistes religieux ou des fauteurs de troubles.

Ce fils d'une femme de ménage algérienne, titulaire de deux masters, estime en outre s'être heurté à un "plafond de verre" dans son parcours professionnel en France.

En France, les statistiques ethniques et religieuses sont interdites. Mais de nombreuses enquêtes documentent depuis des années les discriminations frappant les personnes d'origine immigrée dans la recherche d'emploi, de logement, les contrôles policiers...

Un candidat au nom français a près de 50% de chances supplémentaires d’être rappelé par un employeur par rapport à un candidat au nom maghrébin, rappelle ainsi l'Observatoire des inégalités dans son rapport 2023.

'Morosité'

Le rapport très particulier de la France à la laïcité, les polémiques récurrentes sur le voile musulman, provoquent aussi le malaise chez certains.

"Il y a une vraie spécificité française sur cette question. Dans notre pays, une femme qui porte le voile est reléguée à la marge de la société et il lui est notamment très difficile de trouver un emploi. Des femmes portant le hidjab qui veulent travailler sont donc assez logiquement amenées à quitter la France", explique Olivier Esteves, l'un des auteurs de l'étude, au Monde.

"On étouffe en France", raconte à l'AFP un Français de 33 ans d'origine marocaine, qui s'apprête à émigrer en Asie du sud-est avec sa femme enceinte, "pour vivre dans une société plus apaisée et où les communautés savent vivre ensemble".

Cet employé dans la tech veut fuir "la morosité ambiante" et les "humiliations" du quotidien liées à son patronyme et ses origines.

"On me demande encore aujourd’hui ce que je fais dans ma résidence", où il vit depuis plusieurs années. "Et c’est pareil pour ma mère quand elle me visite. Mais ma femme qui est blanche de peau n’a jamais eu cette question", raconte-t-il.

"Cette humiliation constante est d’autant plus frustrante que je contribue net à cette société en faisant partie des hauts revenus qui paient plein pot", s'insurge-t-il.

Paradoxalement, la société française est pourtant "plus ouverte qu'il y a vingt ans" et "le racisme recule", souligne le dernier rapport annuel de l'Observatoire des inégalités, notant que 60% des Français déclarent n'être "pas du tout racistes", soit deux fois plus qu'il y a 20 ans.

Et la part de ceux qui pensent qu’il y a des "races supérieures à d’autres" a été divisée par trois, de 14% à 5%.


Les députés érigent l'agriculture en « intérêt général majeur »

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  • "La protection, la valorisation et le développement de l'agriculture et de la pêche sont d'intérêt général majeur en tant qu'ils garantissent la souveraineté agricole et alimentaire de la Nation, qui contribue à la défense de ses intérêts fondamentaux"
  • L'engagement avait été pris par Emmanuel Macron au salon de l'Agriculture, alors que la colère des agriculteurs battait son plein

PARIS: Les députés ont approuvé jeudi un article du projet de loi agricole qui prévoit de conférer à l'agriculture un caractère "d'intérêt général majeur", une innovation juridique censée répondre à une demande des agriculteurs, mais dont les oppositions contestent la portée.

"La protection, la valorisation et le développement de l'agriculture et de la pêche sont d'intérêt général majeur en tant qu'ils garantissent la souveraineté agricole et alimentaire de la Nation, qui contribue à la défense de ses intérêts fondamentaux", énonce cet article-clé du projet de loi.

L'engagement avait été pris par Emmanuel Macron au salon de l'Agriculture, alors que la colère des agriculteurs battait son plein. "Sur le plan juridique, ça positionne l'agriculture en équilibre avec l'environnement", avait approuvé Arnaud Rousseau, président de la FNSEA, premier syndicat agricole.

"Cela va venir produire, sur le long terme, des effets dans la manière dont vont pouvoir être pondérés différents objectifs de politiques publiques, et dans la manière dont, sur le terrain, des projets agricoles pourront être évalués, réalisés et développés", a affirmé le ministre de l'Agriculture Marc Fesneau.

Plusieurs députés -- à l'instar de juristes --, doutent cependant de sa portée.

La mesure "crée le fantasme d'une remise en cause de la charte de l'environnement" et "donne l'illusion au monde paysan qu'on a répondu de façon démagogique à toutes ces attentes d'être au-dessus du reste des normes, du droit", a fustigé Dominique Potier (PS).

Nicole Le Peih, rapporteure Renaissance, a admis qu'il s'agissait d'une "innovation juridique" qui ne "modifie pas la hiérarchie des normes".

"Il n'y a pas de remise en cause du principe constitutionnel de la protection de l'environnement" mais "lorsque plusieurs dispositions législatives seront en présence, voire seront contradictoires, l'agriculture fera désormais l'objet d'une attention spécifique", a-t-elle soutenu.

« Intentions »

L'article propose également une longue définition de la souveraineté alimentaire et agricole de la France, reposant notamment sur sa capacité à "produire, transformer et distribuer" les produits nécessaires à "une alimentation suffisante, saine (et) sûre".

Il pose aussi le principe "d'ici au 1er juillet 2025 puis tous les dix ans d'une programmation pluriannuelle de l'agriculture".

Le reste consiste surtout en une longue liste de bonnes pratiques que les politiques publiques sont censées suivre pour assurer cette "souveraineté alimentaire".

L'article a surtout permis à chaque groupe de faire valoir sa vision de l'agriculture, et au camp présidentiel de jouer la carte de la co-construction.

Il a intégré certains objectifs proposés par Les Républicains (justifier et évaluer les surtranspositions avant de les mettre en place, valoriser les agricultrices) ou la gauche (améliorer les conditions de travail des agriculteurs, développer la prévention sanitaire).

Mais l'article "n'a aucune valeur normative" et n'apporte "aucune contrainte", a déploré Sébastien Jumel (PCF). Aurélie Trouvé (LFI), a dénoncé l'absence de mesures pour des "prix planchers".

"C'est caricatural", a rétorqué Henri Alfandari (Horizons), estimant que les agriculteurs demandaient aussi de la clarté sur leurs missions. L'article pose des "intentions qui encouragent", pour Julien Dive (LR).

Les députés RN ont eux fustigé le manque de soutien à leurs amendements.

Les règles de la procédure parlementaire ont aussi donné lieu à une fin de séance kafkaïenne, les députés passant près d'une heure et demie à voter ou rejeter près de 560 amendements, dont certains avaient été débattus de nombreuses heures auparavant.

"C'était complètement dingue", soupirait une députée en sortant, mi-amusée, mi-fatiguée.