PARIS: En attendant le "D-Day" du 6 juin et une 14e journée de manifestations contre la réforme des retraites, les syndicats reprendront langue cette semaine avec la Première ministre, occasion pour eux de faire avancer les sujets qu'ils estiment prioritaires.
Les cinq syndicats représentatifs - CFDT, CGT, FO, CFE-CGC, CFTC - seront reçus à Matignon dans le cadre de réunions bilatérales mardi et mercredi. Les organisations patronales le seront la semaine suivante.
"Même après ces mois agités, je reste convaincue qu'il faut donner plus de place à la négociation et au dialogue social", assure Elisabeth Borne dimanche dans une interview au JDD, se disant "à l'écoute des priorités" des organisations syndicales et patronales.
Mme Borne avait lancé ces invitations sans "ordre du jour précis" le 5 mai, après avoir présenté la feuille de route des "cent jours" décrétés par Emmanuel Macron pour relancer l'exécutif après la réforme des retraites.
Une réforme qui a été adoptée par le Parlement et promulguée par le président de la République le 14 avril, sans que cela ne convainque les syndicats de rendre les armes.
Après un 1er mai placé sous le signe de la bataille contre le report de l'âge légal à 64 ans, ils ont annoncé une 14e journée de grève et de manifestations le 6 juin, deux jours avant l'examen à l'Assemblée d'une proposition de loi du groupe Liot visant à abroger la réforme.
"Le match n'est pas totalement fini" et "cette proposition de loi nous offre un temps additionnel", a souligné dans L'Obs le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger.
Lundi, l'intersyndicale prévoit de publier un communiqué reformulant son opposition déterminée à la réforme. Elle a adressé le 5 mai aux parlementaires un courrier leur enjoignant de voter le projet de loi Liot.
"Le 6 juin, c'est une date importante de l'histoire de France, c'est le D-Day, le jour J du débarquement, on appelle à débarquer cette réforme qui est dangereuse pour le pays, dangereuse pour les salariés", a affirmé mercredi à Mediapart la secrétaire générale de la CGT, Sophie Binet.
La méthode en question
Si les syndicats avaient écourté leur précédent rendez-vous avec la Première ministre, le 5 avril, ils entendent bien cette fois aborder les sujets qu'ils jugent prioritaires.
"Il y a des sujets sur lesquels on devrait pouvoir discuter parce que ce sont des améliorations concrètes pour les travailleurs", indique-t-on dans l'entourage de la Première ministre, citant notamment la pénibilité.
"Nous refuserons toute discussion sur des sujets régressifs" en termes de droits sociaux, a mis en garde dimanche Sophie Binet, invitée du Grand jury RTL-LCI-Le Figaro, estimant qu'il fallait parler salaires. Mais au préalable, "ce que je vais dire à la Première ministre, c'est qu'il n'y aura pas de retour à la normale si cette réforme (des retraites) n'est pas abandonnée", a-t-elle insisté.
"On va continuer à dire que la page n'est pas tournée" sur les retraites, mais "on ne peut pas ne pas parler de l'inflation, du pouvoir d'achat", explique à l'AFP le président de la CFTC, Cyril Chabanier, estimant que les syndicats sont "en position de force grâce au mouvement social".
Parmi les sujets que les syndicats souhaitent évoquer: l'emploi des seniors et la pénibilité, les salaires dans le privé et le public, l'organisation du travail (semaine de quatre jours, télétravail), la réforme du RSA, la conditionnalité des aides publiques accordées aux entreprises, la révision des ordonnances travail...
Ils élaborent des "revendications communes" qui seront finalisées "dans les prochaines semaines", selon Mme Binet. "On n'est pas prêt", a reconnu vendredi auprès de l'AFP la numéro deux de la CFDT, Marylise Léon.
La CFDT viendra avec un épais "cahier revendicatif", mais aussi des exigences en termes de méthode. "On retourne discuter mais pas à n'importe quelles conditions", prévient Mme Léon. "Si des choses ne sont pas étudiées parce que tout est décidé à l'avance, ça ne nous convient pas".
La dirigeante, appelée à succéder à Laurent Berger le 21 juin, se montre cependant prudente. "Je ne suis pas sûre qu'ils aient une autre méthode à nous proposer", glisse-t-elle.
"La défiance restera extrêmement profonde", a jugé de son côté Sophie Binet dimanche.