NICE, France : «On est tous fous !»: c'est sous ce titre que Benjamin Vautier, alias Ben, expose pour un an à Nice, dans une ambiance joyeusement foutraque, plus de 500 pièces, les siennes mais aussi de nombreuses issues de sa collection personnelle, signées Combas ou de parfaits inconnus.
Depuis le 5 mai et jusqu'au 6 mai 2024, cette exposition rassemble au total 550 œuvres, au musée international d'art naïf Anatole Jakovsky. Le tout déborde jusque dans le jardin, avec des sculptures ou des installations, comme ce ring appelé à accueillir des débats.
Connu pour ses fameux slogans rédigés en lettres manuscrites blanches sur fond noir, «Je ne sais pas quoi dire», «Fais moi cygne» ou «Comment savoir si c'est de l'art ou pas ?», qui ont donné lieu à de nombreux produits dérivés, Ben est aussi un des représentants les plus connus du courant d'avant-garde Fluxus depuis sa rencontre à Londres, au début des années 1960, avec le principal fondateur de ce mouvement, George Maciunas.
«C'est une expo ratée, j'ai mis tous mes souvenirs de famille au lieu de mettre des chefs-d’œuvre», a-t-il expliqué vendredi lors du vernissage: «J'ai raclé mes fonds de tiroir, j'ai trouvé des amis, j'ai trouvé des souvenirs, et je les ai mis dans ce magasin de souvenirs», a ajouté l'artiste, aujourd'hui âgé de 87 ans.
«Chacun d'entre eux a quelque chose à dire, chacun apporte quelque chose, c'est ça qui m'intéresse, le copieur pur, je l'élimine», a-t-il précisé à propos de cette sélection qui présente notamment le travail des plasticiens Bernar Venet ou Patrick Moya.
Ces œuvres acquises par Ben côtoient les siennes, plus de 300 au total, dont plusieurs créées spécialement pour l'occasion. Un brin déroutante, cette exposition est complétée par des œuvres de la collection permanente du musée, celles du Douanier Rousseau notamment.
- «Tout est art devient grenouille « -
Dans un cocktail détonant, Ben a choisi de faire cohabiter des artistes comme cet assistant de Buren, qui s'était installé place du Tertre à Montmartre pour gagner sa vie en racontant «qu'être nul, c'est être en avance sur les autres», avec de parfaits inconnus, dont un, bipolaire, qui venait chaque semaine vendre à Ben un tableau, ou au contraire avec des stars hyper cotées comme Robert Combas. «Un des artistes que je préfère», a témoigné l'octogénaire, qui avait acquis plusieurs de ses toiles dans les années 80.
«Après une première expo avec lui dans un autre lieu de Nice il y a trois ans, j'ai voulu qu'il refasse ça ici, dans ce musée d'art naïf, et ce pour une durée d'un an, ce qui est rare aujourd'hui», a expliqué Robert Roux, adjoint au maire de Nice chargé de la Culture. «Ben, c'est celui qui parle le plus d'ego mais c'est aussi celui qui en a le moins, car c'est lui qui met le plus en valeur les autres en les exposant», a estimé l'élu.
Invité lors du vernissage à réaliser une performance, l'épluchage d'un sac de 10 kilos de pommes de terre, Jean Mas, autre figure de l'école de Nice, a parlé de Ben comme d'un artiste «incontournable». «On ne peut pas ignorer tout ce qu'il a fait, même si certains disent que c'est le bordel dans l'art, mais ce n'est pas grave, tout est art, et tout est art (NDLR: «tout têtard») devient grenouille», a lancé cet artiste entre deux coups d'épluche-légumes et une tirade en hurlant à réveiller un mort.
Durant cette année d'exposition se tiendront de la sorte différents événements, happenings ou débats, dans la plus pure tradition du mouvement Fluxus où musique, poésie et performances tiennent un rôle central.