Entre Paris et Rome, la brouille devrait s'estomper

Le président français Emmanuel Macron (à gauche) et le Premier ministre italien Mario Draghi se serrent la main lors d'une conférence de presse conjointe après la signature du traité du Quirinal entre l'Italie et la France, qui vise à fournir un cadre stable et formalisé pour la coopération dans les relations entre les deux pays, à la Villa Madama à Rome, le 26 novembre 2021. (Photo Domenico Stinellis / POOL / AFP)
Le président français Emmanuel Macron (à gauche) et le Premier ministre italien Mario Draghi se serrent la main lors d'une conférence de presse conjointe après la signature du traité du Quirinal entre l'Italie et la France, qui vise à fournir un cadre stable et formalisé pour la coopération dans les relations entre les deux pays, à la Villa Madama à Rome, le 26 novembre 2021. (Photo Domenico Stinellis / POOL / AFP)
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Publié le Samedi 06 mai 2023

Entre Paris et Rome, la brouille devrait s'estomper

  • L'immigration empoisonne depuis des années les relations franco-italiennes
  • Les propos de Gérald Darmanin affirmant que Giorgia Meloni était «incapable de régler les problèmes migratoires sur lesquels elle a été élue» ont mis le feu au poudre

PARIS : Le ministre français de l'Intérieur a suscité la colère de l'Italie en critiquant la première ministre italienne d'extrême droite sur sa politique migratoire mais Rome et Paris, liés par nombre d'intérêts communs, devraient reprendre langue sans trop tarder, estiment les experts.

L'immigration empoisonne depuis des années les relations franco-italiennes. Mais jeudi ce sont les propos de Gérald Darmanin affirmant que Giorgia Meloni était «incapable de régler les problèmes migratoires sur lesquels elle a été élue» qui ont mis le feu au poudre.

Le chef de la diplomatie italienne Antonio Tajani, qui était attendu jeudi soir à Paris pour une rencontre avec son homologue Catherine Colonna, a annulé sa venue et exigé des excuses, en vain.

La visite de Giorgia Meloni, envisagée pour juin, semble renvoyée à un horizon plus lointain tandis que les diplomates de part et d'autre des Alpes se désolent de voir leurs longs mois de travail réduits à néant en quelques minutes.

«Tout le monde va rapidement rentrer dans le rang», estime néanmoins Giuseppe Bettoni, professeur de géopolitique à l'université Tor Vergata de Rome.

Côté italien, Giorgia Meloni n'a aucun intérêt à faire monter la pression au moment où elle a fort à faire sur le plan de politique intérieure pour gérer l'inflation et l'allocation des fonds du plan de relance européen. De plus, elle s'efforce d'apaiser les tensions au sein de sa propre majorité autour de la nomination de personnalités à la tête d'agences et d'entreprises publiques.

- «Dialogue apaisé» -

Le président français Emmanuel Macron n'a, lui, aucun intérêt non plus à cette polémique, estime Giuseppe Bettoni. «C'est une affaire uniquement due à (Gérald) Darmanin qui est dans une situation très difficile», opine le professeur, citant les semaines de manifestations contre la réforme des retraites et les violences qui les ont émaillées.

Contrairement à la crise survenue en novembre lorsque le gouvernement Meloni, à peine au pouvoir, avait refusé de laisser accoster un navire humanitaire de l'ONG SOS Méditerranée qui avait finalement été accueilli par la France, les membres du gouvernement français ont immédiatement joué la carte de l'apaisement avec Rome.

Vendredi, c'est la Première ministre française, Elisabeth Borne, qui a elle-même tenté d'éteindre le feu en plaidant pour «un dialogue apaisé» et louant en l'Italie, «un partenaire essentiel de la France».

«C'est un message fort», commente Marc Lazar, professeur d'histoire et de sociologie politique à Sciences Po. «C'est la cheffe de gouvernement, qui constatant la tension extrême, invite à retrouver une saine relation», dit-il.

Ce spécialiste de l'Italie s'attend à ce que les tensions restent vives «dans les mois et années à venir».

Mais les deux pays savent qu'ils doivent agir ensemble sur de multiples sujets tels que la renégociation des critères économiques du pacte de stabilité européen, dit-il. «Etant donné leur niveau d'endettement considérable, ils ont besoin de faire front commun par rapport à l'Allemagne et aux pays dits frugaux», observe-t-il.

- Ne pas ménager l'extrême droite -

«Ce n'est pas la première, ni la dernière crise», note également Matthieu Tardis, co-directeur de Synergies migrations, un centre de recherche-action. Toutefois, les deux pays sont conscients de la «nécessité» de reprendre rapidement le dialogue face aux «enjeux européens très importants».

«Les discussions au niveau européen doivent aboutir avant la fin de l'année sur un pacte européen sur l'immigration», relève-t-il. «Sur la forme, c'est un enjeu pour les gouvernements européens et l'Union européenne en général que de démontrer à l'opinion publique que l'UE peut prendre des mesures et trouver un accord» même si c'est «a minima» et sauver les apparences avant les élections européennes de 2024 où une forte montée des partis d'extrême droite est redoutée.

Reste que les gouvernements français et italien sont écartelés entre leurs efforts pour surmonter leurs divergences sur l'immigration et leur volonté de satisfaire leur électorat.

S'ajoute pour le gouvernement français la volonté de ne pas ménager une Première ministre d'extrême droite au moment où Marine Le Pen, la cheffe du Rassemblement national, fait la course en tête dans les sondages en France.

Alors que les membres du gouvernements français s'efforçaient d'éteindre la polémique vendredi, Stéphane Séjourné, le chef du parti présidentiel en France et proche d'Emmanuel Macron, estimait que Gérald Darmanin avait «eu raison de dénoncer l'incompétence et l'impuissance de l'extrême droite européenne face à l'immigration clandestine».

«Nous savions que leur approche n'était ni juste ni humaine : on constate aujourd'hui qu'elle est aussi inefficace», a-t-il opiné sur Twitter.


Plusieurs centaines de personnes ont manifesté lors d'un rassemblement antifasciste à Paris

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  • Plusieurs centaines de personnes étaient rassemblées samedi après-midi à Paris contre le fascisme, après l'agression d'un homme à l'arme blanche devant une association culturelle turque la semaine passée.
  • « Nous sommes là car nous avons été attaqués. Nous sommes là pour montrer que Paris n'est pas à eux. Nous continuerons la lutte antifasciste et révolutionnaire », a lancé au micro un leader de Young Struggle.

PARIS : Plusieurs centaines de personnes étaient rassemblées samedi après-midi à Paris contre le fascisme, après l'agression d'un homme à l'arme blanche devant une association culturelle turque la semaine passée, pour laquelle six membres de l'ultradroite ont été inculpés, a constaté un journaliste de l'AFP.

« Paris, Paris, Antifa ! », « Pas de quartier pour les fachos, pas de fachos dans nos quartiers », « Nous sommes tous antifascistes », ont scandé les manifestants réunis place de la République. Un drapeau rouge « No pasaran » a été accroché sur un flanc de la statue, au centre de la place emblématique.

Ce rassemblement se tient six jours après l'agression à l'arme blanche d'un homme membre du collectif Young Struggle, qui se présente comme une « organisation de jeunesse socialiste » et adhérent au syndicat CGT. Il avait dû être hospitalisé quelques heures.

Dimanche dernier, « une vingtaine de personnes » appartenant à la mouvance d'ultradroite, « cagoulées et munies de tessons de bouteille » selon la préfecture de police, avaient pénétré dans la cour d'un immeuble où se situe une association culturelle de travailleurs immigrés de Turquie et agressé une personne avant de prendre la fuite.

Six jeunes hommes ont été inculpés pour violences volontaires aggravées. L'un d'eux, qui avait du sang sur ses vêtements et qui a reconnu sa participation, a été incarcéré.

« Nous sommes là car nous avons été attaqués. Nous sommes là pour montrer que Paris n'est pas à eux. Nous continuerons la lutte antifasciste et révolutionnaire », a lancé au micro un leader de Young Struggle, avant de faire siffler le nom de Bruno Retailleau, ministre français de l'Intérieur et connu pour ses positions très conservatrices.

« Partout, l'extrême droite se répand, encouragée par les saluts nazis de Elon Musk et Steve Bannon », a déclaré à sa suite Mathilde Panot, cheffe des députés du parti de gauche radicale LFI (La France Insoumise).

Steve Bannon, ancien conseiller de Donald Trump, a récemment été sous le feu des projecteurs pour un geste qualifié de salut nazi lors de la convention CPAC, la grand-messe des conservateurs américains près de Washington.

Il a brièvement tendu sa main en l'air après avoir déclaré devant les supporters de Donald Trump : « Nous n'allons pas reculer, nous n'allons pas capituler, nous n'allons pas abandonner. Luttez, luttez, luttez ! »

En janvier, le milliardaire Elon Musk, conseiller de Donald Trump, avait lui-même été épinglé pour un geste ambigu analogue.


Macron dira à Trump qu'entre alliés on ne peut pas "faire souffrir l'autre" avec des droits de douane

Le président français Emmanuel Macron (C) et la ministre française de l'Agriculture et de la Souveraineté alimentaire Annie Genevard (D) écoutent des artisans du cuir lors de la journée d'ouverture et de l'inauguration par le président français du 61e Salon international de l'agriculture au parc des expositions de la Porte de Versailles à Paris, le 22 février 2025. (AFP)
Le président français Emmanuel Macron (C) et la ministre française de l'Agriculture et de la Souveraineté alimentaire Annie Genevard (D) écoutent des artisans du cuir lors de la journée d'ouverture et de l'inauguration par le président français du 61e Salon international de l'agriculture au parc des expositions de la Porte de Versailles à Paris, le 22 février 2025. (AFP)
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  • "Entre alliés, on ne peut pas faire souffrir l'autre avec des tarifs" douaniers, a déclaré Emmanuel Macron samedi au premier jour de l'ouverture du Salon de l'agriculture à Paris
  • Depuis son retour à la Maison-Blanche, Donald Trump a annoncé la mise en place de droits de douane réciproques

PARIS: "Entre alliés, on ne peut pas faire souffrir l'autre avec des tarifs" douaniers, a déclaré Emmanuel Macron samedi au premier jour de l'ouverture du Salon de l'agriculture à Paris alors que Donald Trump menace d'imposer des droits de douane sur de multiples produits européens.

"Je vais (lui) en parler parce qu'on a besoin d'apaiser tout ça", a relevé le président français qui doit rencontrer son homologue américain lundi à Washington.

"La filière agricole et agroalimentaire (française), c'est une grande filière d'exportation, donc il faut la défendre pour la rendre encore plus compétitive", a-t-il ajouté.

Depuis son retour à la Maison-Blanche, Donald Trump a annoncé la mise en place de droits de douane réciproques, c'est-à-dire que les États-Unis appliqueront le même niveau de droits de douane sur les produits en provenance d'un pays que le niveau appliqué dans ce pays aux produits américains.

Il a également annoncé le retour de droits de douane sur l'acier et l'aluminium. Et, s'il a déjà visé le Canada, le Mexique et la Chine, il a régulièrement assuré que les pays européens étaient également menacés.

En France, les viticulteurs sont particulièrement inquiets d'un retour des droits de douane américains sur le cognac et le vin, qu'ils exportent en masse vers les États-Unis, d'autant que le cognac souffre déjà d'un différend commercial entre l'UE et la Chine, son premier marché en valeur.

"Je suis déterminé sur tous les sujets pour avoir un échange" avec Donald Trump, a encore dit Emmanuel Macron. "On partagera nos accords, nos désaccords et j'espère surtout qu'on trouvera des solutions sur la question de l'Ukraine".

Le président américain est reparti à la charge vendredi contre son homologue ukrainien. Tout en estimant que Volodymyr Zelensky et Vladimir Poutine allaient "devoir se parler", pour "mettre fin au massacre de millions de personnes", il a jugé que la présence de l'Ukrainien n'était "pas importante" dans des négociations avec la Russie.

Il a ciblé par ailleurs Emmanuel Macron, et Keir Starmer, qui n'ont selon lui "rien fait" pour mettre un terme à la guerre. Le Premier ministre britannique est attendu jeudi à Washington.


Au Salon de l'agriculture, Macron attendu au tournant

Une femme marche devant une affiche sur laquelle on peut lire "Fiers et unis avec nos agriculteurs" à la veille de l'ouverture du 61e Salon international de l'agriculture (SIA), au parc des expositions de la Porte de Versailles, à Paris, le 21 février 2025. (AFP)
Une femme marche devant une affiche sur laquelle on peut lire "Fiers et unis avec nos agriculteurs" à la veille de l'ouverture du 61e Salon international de l'agriculture (SIA), au parc des expositions de la Porte de Versailles, à Paris, le 21 février 2025. (AFP)
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  • Le 61e Salon de l'agriculture est inauguré samedi à Paris par Emmanuel Macron, attendu au tournant par des agriculteurs toujours remontés et par des organisateurs aux aguets après sa visite chaotique de l'an dernier
  • Plus de 600.000 visiteurs sont attendus sur les neuf jours du Salon

PARIS: Visites politiques encadrées et les vaches seront bien gardées? Le 61e Salon de l'agriculture est inauguré samedi à Paris par Emmanuel Macron, attendu au tournant par des agriculteurs toujours remontés et par des organisateurs aux aguets après sa visite chaotique de l'an dernier.

Pas d'incitation à chahuter cette année, mais des appels au calme ambivalents de la part des principaux syndicats agricoles, qui doivent être reçus l'un après l'autre en début de matinée avant la traditionnelle coupe de ruban et la déambulation présidentielle.

Plus de 600.000 visiteurs sont attendus sur les neuf jours du Salon, qui ouvre ses portes au public à 09H00. En 2024, des milliers de personnes avaient été bloquées à l'extérieur pendant plusieurs heures en raison de heurts entre manifestants et CRS en marge de la venue d'Emmanuel Macron, entre huées, insultes, bousculades et violences.

Sécurité renforcée, commissariat mobile, chartes pour encadrer les visites politiques... Les organisateurs sont sur les dents pour ne pas voir se répéter le scénario catastrophe de l'an dernier.

L'entourage d'Emmanuel Macron lui a conseillé d'éviter une visite marathon, à l'image des 13 heures de déambulation de 2024 parmi les plus de 1.400 exposants et 4.000 animaux accueillis chaque année.

"Le président sera très probablement pris à parti", a averti Arnaud Rousseau, président de la FNSEA, syndicat historique, qui l'attend sur les dossiers internationaux.

Cet automne, c'est l'opposition à l'accord de libre-échange UE-Mercosur qui a servi de cri de ralliement pour relancer les manifestations d'agriculteurs, qui dénoncent aussi les taxes douanières chinoises et craignent des mesures similaires de la nouvelle administration américaine.

"Je souhaite qu'il en parle à Donald Trump (...): arrêter les importations massives qui ne respectent pas nos normes, lever les contraintes qui nous empêchent d'être compétitifs", renchérit Pierrick Horel des Jeunes Agriculteurs, alliés de la FNSEA.

Pour Patrick Legras, porte-parole de la Coordination rurale, forte de sa percée aux élections professionnelles de janvier, "ça va être tendu". Selon lui, Emmanuel Macron va aussi avoir du mal à "expliquer qu'on négocie encore un accord pour importer du sucre ou du poulet d'Ukraine" — l'accord d'association UE-Ukraine, en cours de révision — évoquant des produits érigés en symboles d'une "concurrence déloyale".

Coutumière des actions coup de poing, la Coordination rurale a toutefois passé à ses sympathisants un message d'apaisement, dans l'espoir qu'Emmanuel Macron "aura vraiment quelque chose" à leur dire, selon sa président Véronique Le Floc'h.

- "Où sont les promesses?" -

Plus d'un an après la mobilisation qui avait bloqué routes et autoroutes, l'heure est au bilan des mesures obtenues par les agriculteurs qui réclament un revenu "décent", plus de considération et moins d'injonctions.

Pour le gouvernement, ses engagements ont été "honorés": "500 millions d'euros d'allégement de charges fiscales prévus dans le budget", "soutien à la trésorerie pour les agriculteurs en difficulté", "indemnisations à hauteur de 75 millions d'euros aux propriétaires du cheptel touché par les épizooties" ou encore "la mise en place du contrôle administratif unique en octobre dernier".

Surtout, deux jours avant le Salon, le Parlement a adopté la loi d'orientation agricole, attendue depuis trois ans par la profession. Ce texte érige l'agriculture au rang "d'intérêt général majeur", facilite les installations, la construction de bâtiments d'élevage et le stockage de l'eau, tout en dépénalisant certaines infractions environnementales.

"Un an après, où sont passés les prix plancher et ses promesses? Au Salon 2024, nous demandions des prix minimum garantis pour les producteurs: non seulement on n'a pas du tout avancé, mais la situation est pire aujourd'hui", s'indigne Laurence Marandola, porte-parole de la Confédération paysanne, troisième syndicat.

Elle estime que les demandes de l'alliance FNSEA-JA et de la CR ont été privilégiées, au détriment d'une "réelle transition agroécologique". Un argument repris par la gauche à propos de la loi d'orientation agricole.

Les personnalités politiques de tous bords devraient se succéder auprès de la vache limousine Oupette, égérie de l'édition 2025. Le Premier ministre François Bayrou est attendu lundi.

Malgré la volonté des organisateurs de limiter les visites à une journée pour chaque parti, Jordan Bardella (RN) a prévu de s'y rendre dimanche et lundi avec une délégation, comme en 2024, où les demandes de "selfies" avec le chef du parti d'extrême droite avaient contrasté avec la visite présidentielle.

En novembre, à la veille de nouvelles mobilisations paysannes, il s'était affiché dans le Lot-et-Garonne avec des cadres de la Coordination rurale, qui faisait campagne de son côté pour "dégager la FNSEA" des chambres d'agriculture.