MOSCOU: La Russie a accusé jeudi les Etats-Unis d'avoir commandité l'attaque présumée de drones ukrainiens contre le Kremlin qu'elle affirme avoir déjouée la veille, "un mensonge" selon Washington.
Au milieu des échanges d'accusations, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a réclamé de La Haye, où il était en visite surprise à la Cour pénale internationale (CPI), la création d'un tribunal international spécial pour juger le "crime d'agression" que Moscou a selon lui commis contre son pays.
Sur le terrain, les frappes russes redoublent d'intensité depuis plusieurs jours, le département d'Etat américain déclarant en avoir recensé 145 depuis le 1er mai.
L'Ukraine, qui affirme achever ses préparatifs en vue d'une grande offensive, a dit avoir abattu jeudi une trentaine de drones explosifs envoyés par la Russie.
Dans la soirée à Kiev, victime d'une vague d'attaques la nuit précédente, des déflagrations ont à nouveau été entendues par des journalistes de l'AFP, le maire de la capitale, Vitali Klitschko, signalant "des explosions et des incendies".
Toutefois, dans une mise au point quelques heures plus tard, l'armée de l'air ukrainienne a reconnu avoir dû détruire un de ses propres drones, un Bayraktar TB2 (de fabrication turque), "au cours d'un vol régulier dans la région de Kiev".
"La présence incontrôlée du drone dans le ciel de la capitale" aurait en effet "pu avoir des conséquences indésirables", a-t-elle expliqué avant d'ajouter que personne n'avait été blessé.
"C'est dommage, mais c'est la technologie et ces choses-là arrivent", a-t-elle ajouté, en évoquant un "dysfonctionnement technique".
Les Etats-Unis accusés
Mais ce sont d'autres drones qui avaient auparavant marqué les esprits: mercredi, Moscou a affirmé avoir intercepté deux de ces appareils ukrainiens qui visaient le Kremlin, dénonçant une tentative d'assassiner le président Vladimir Poutine.
Un jour après, un grand flou entoure toujours cette tentative de frappe supposée, la plus spectaculaire imputée à l'Ukraine depuis le début de l'offensive russe en février 2022.
Les autorités russes n'ont rendu publique aucune preuve et il est impossible d'authentifier les vidéos diffusées par certains médias russes sur lesquelles on peut voir un petit drone s'approcher du Kremlin puis exploser dans une gerbe de flammes.
L'Ukraine a en tout cas fermement démenti tout lien avec cette affaire, accusant même la Russie de l'avoir "mise en scène" pour justifier une possible escalade à venir du conflit, là aussi sans apporter d'éléments probants.
"Les efforts de Kiev et de Washington pour nier toute responsabilité sont totalement ridicules. Les décisions concernant de telles attaques ne sont pas prises à Kiev mais à Washington", a déclaré jeudi le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, sans toutefois étayer ses accusations.
Les Etats-Unis "n'ont rien à voir dans cette affaire", a rétorqué John Kirby, le porte-parole du Conseil de sécurité nationale de la Maison Blanche.
Le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell, a quant à lui exhorté Moscou à ne pas utiliser cette supposée attaque ukrainienne "comme une excuse pour poursuivre l'escalade" dans le conflit.
Sécurité «renforcée»
La capitale russe est située à quelque 500 kilomètres de la frontière ukrainienne et le siège du pouvoir se trouve dans un quartier ultrasécurisé. Dans ce contexte, les allégations sur une incursion de drones ukrainiens ont surpris nombre d'analystes.
La télévision publique russe a diffusé jeudi des images montrant, selon elle, M. Poutine au cours d'une réunion de travail dans l'enceinte du Kremlin, sa première apparition publique depuis l'annonce de l'attaque supposée.
Les mesures de sécurité vont être "renforcées", a assuré M. Peskov, tandis que se profilent les célébrations du 9 mai marquant la victoire sur l'Allemagne nazie en 1945.
A Moscou, le grand défilé militaire prévu sur la place Rouge est maintenu et M. Poutine y prononcera un discours, selon son porte-parole.
Le ministère russe des Affaires étrangères a estimé jeudi que "les activités terroristes et de sabotage des forces armées ukrainiennes" prenaient "une ampleur sans précédent".
Les attaques se sont en effet multipliées ces derniers jours, avec en particulier plusieurs incursions de drones et de gros sabotages ferroviaires.
Jeudi, des drones ont ainsi frappé deux raffineries de pétrole dans le sud-ouest de la Russie, près de l'Ukraine. Dans la soirée, un autre a été abattu près d'une base aérienne russe à Sébastopol, en Crimée annexée.
Si Kiev n'a revendiqué aucune de ces actions, comme à son habitude, leur intensification intervient à un moment où l'Ukraine affirme avoir terminé ses préparatifs en vue d'une vaste offensive de printemps annoncée depuis des semaines.
Les rumeurs vont bon train parmi les analystes sur la date de cet assaut et sur ses cibles, avec en tout cas le but affiché de reconquérir les territoires occupés dans l'est et le sud.
Pendant son déplacement à La Haye, où siège la Cour pénale internationale (CPI), M. Zelensky a appelé à créer un tribunal spécial pour punir le "crime d'agression" russe, "le début du mal".
Il a aussi dit que l'Ukraine, "réaliste", ne s'attendait pas à entrer dans l'Otan tant que le conflit continuerait à faire rage, tout en pressant ses alliés occidentaux de poursuivre "le plus rapidement possible" les livraisons d'armes.