PARIS: "Trimestre anti-inflation" prolongé, convocation à Bercy: le ministre de l’Économie Bruno Le Maire entend maintenir la pression sur les supermarchés comme sur l'industrie agroalimentaire, espérant "casser la spirale" inflationniste; mais les principaux intéressés avertissent qu'il y a loin de la coupe aux lèvres.
Bruno Le Maire veut "casser la spirale des prix inflationnistes sur les prix alimentaires à l'automne prochain", a-t-il dit sur France Info mercredi.
Il espère pouvoir infléchir l'inflation du prix des produits de grande consommation, qui a atteint en mars près de 16% sur un an, selon l'Insee.
Pour ce faire, il a d'une part annoncé que le "trimestre anti-inflation", opération commerciale dans le cadre de laquelle les supermarchés s'engagent à vendre une sélection de produits au "prix le plus bas possible", allait être prolongé au-delà du 15 juin.
Cette opération "marche", a-t-il affirmé, et un certain nombre de produits ont vu leur prix baisser de 5 a 7%. A l'en croire, les supermarchés sont "d'accord pour prolonger les opérations au-delà du 15 juin" même s'il reste à "déterminer précisément ensemble la forme".
L'une des enseignes concernées, qui a tenu à rester anonyme, a réagi auprès de l'AFP en disant que la demande nécessitait d'être "regardée dans le détail car il s'agissait quand même d'un dispositif onéreux" pour les supermarchés, qui doivent rogner sur leurs marges.
Opération purement marketing
Cette opération commerciale est critiquée par des associations de consommateurs - UFC-Que Choisir, Familles Rurales et Consommation Logement Cadre de Vie (CLCV) - pour qui le gouvernement ne fait que "s'en remettre à la bonne volonté de la grande distribution pour qu'elle limite ses marges (ou prétende le faire à travers des opérations purement marketing)".
L'autre levier du gouvernement est d'encourager industriels et supermarchés à se remettre autour de la table des négociations, pour que les premiers "répercutent sur les prix à la consommation la baisse des prix de gros", a répété Bruno Le Maire mercredi.
Chaque année, les supermarchés négocient avec leurs fournisseurs industriels les nouvelles conditions auxquelles ils leur achèteront leurs produits. Les négociations pour 2023, achevées le 1er mars, ont abouti à une hausse moyenne d'environ 10% des prix payés par les supermarchés aux industriels.
Ces derniers réclamaient depuis des mois des hausses de tarifs pour tenir compte de l'augmentation de leurs coûts de production (énergie, transports, matières premières, emballages...) mais depuis, les coûts de nombreuses matières premières agricoles ou de l'énergie ont eu tendance à se stabiliser, voire à baisser.
Dans un courrier adressé au ministre, l'Ilec, organisation patronale des industriels des grandes marques nationales (Coca-Cola, Danone, L'Oréal ou Nestlé), a affirmé prudemment que "chaque entreprise dont la santé et les perspectives financières le permettraient saisirait toute opportunité de restituer du pouvoir d'achat à ses consommateurs".
Coûts toujours élevés
Mais elle avertit que les renégociations de prix devraient se faire dans le cadre des clauses de révision prévues par les contrats déjà signées.
Or, a affirmé mercredi matin sur BFM Business le PDG de Système U Dominique Schelcher, "il y a plein de contrats qui ne comportent pas de clauses de renégociations parce que nous n'avons pas réussi à nous mettre d'accord".
"A chaque fois que les cours mondiaux seront en baisse, on en prendra acte", a assuré lors de ce même débat Jean-Philippe André, président de la principale organisation des industriels de l'agroalimentaire (Ania). Il est toutefois resté prudent quant à une baisse généralisée des prix.
"On a bien entendu l'appel de Bruno Le Maire et des distributeurs" a assuré le patron de la Fédération des industriels du lait (Fnil), François-Xavier Huard, interrogé plus tard sur France Info.
Cependant, il n'est pas "souhaitable de rouvrir les négociations commerciales sur les produits laitiers" à ce stade, a-t-il estimé, notamment car les coûts de production et de transformation (emballage, énergie, etc.) sont toujours élevés.
La ministre déléguée, notamment au Commerce Olivia Grégoire, avait précédemment indiqué que, "si les industriels ne jouaient pas le jeu", le gouvernement "prendrait" ses "responsabilités", évoquant l'hypothèse d'une "taxation sur les industriels agroalimentaires".