NEW YORK: Les autorités et acteurs du secteur bancaire espéraient que le rachat de First Republic par JPMorgan sonnerait, au moins temporairement, la fin des remous dans le monde de la finance mais les banques régionales étaient de nouveau sous forte pression mardi à Wall Street.
La banque régionale PacWest, suspendue de cotation plusieurs fois pour volatilité, a plongé de 28% tandis que Western Alliance a chuté de 15%.
Zions a fini en baisse de 11%, KeyCorp et East West de 9%.
Les grandes banques n'étaient pas immunisées, JPMorgan Chase perdant 1,6%, Bank of America 3%, Citigroup 2,7% et Wells Fargo 3,8%.
"Il est évident que les inquiétudes renaissent même après l'opération de reprise de First Republic, cela empire", juge Karl Haeling de la banque LBBW.
"Le marché est en train de nous dire qu'il est à la chasse d'autres banques", prévient-il, interrogé par l'AFP.
Les autorités américaines ont pris lundi le contrôle de First Republic et en ont revendu aussitôt la grande majorité à JPMorgan Chase, actant ainsi la troisième faillite d'une banque en quelques semaines, après Silicon Valley Bank et Signature Bank mi-mars.
Cette opération "va aider à stabiliser le système", a répété plusieurs fois Jamie Dimon, le patron de JPMorgan, lundi.
D'autant que les résultats financiers publiés depuis mi-avril par plusieurs banques régionales ont montré qu'après un réel mouvement de panique mi-mars, la fuite des dépôts s'était stabilisée.
Mais les banques les plus affectées en Bourse mardi sont celles dont les dépôts ont le plus fondu et sont en conséquence "les plus vulnérables", souligne Ryan Nash, analyste chez Goldman Sachs, lors d'un point presse sur l'état du secteur bancaire mardi.
Les plus grandes faillites bancaires depuis la crise financière de 2007/2008
La banque américaine First Republic a été saisie lundi par les autorités, avant d'être revendue à JPMorgan. Sa chute représente la deuxième plus grosse faillite bancaire aux Etats-Unis, après les récentes déroutes de Silicon Valley Bank et Signature Bank.
Elle est également la plus importante défaillance d'une banque depuis la crise financière de 2007/08.
Voici les principaux précédents pour des banques de détail, classés par la taille des actifs.
- HBOS (Royaume-Uni), le 17/09/2008 (690 milliards de livres d'actifs soit environ 866 milliards de dollars et 785 milliards d'euros)
- Washington Mutual (Etats-Unis), le 25/09/2008 (307 milliards de dollars, 278 milliards d'euros)
- First Republic Bank (Etats-Unis), le 1/05/2023 (229 milliards de dollars, 208 milliards d'euros)
- Silicon Valley Bank (Etats-Unis), le 10/03/2023 (209 milliards de dollars, 189 milliards d'euros)
- Signature Bank (Etats-Unis), le 12/03/2023 (110 milliards de dollars, 100 milliards d'euros)
- SachsenLB (Allemagne), le 26/08/2007 (67 milliards d'euros, 74 milliards de dollars)
- Bradford & Bingley (Royaume-Uni), le 29/09/2008 (35 milliards de livres soit environ 44 milliards de dollars, 40 milliards d'euros)
- IndyMac (Etats-Unis), le 11/07/2008 (32 milliards de dollars, 29 milliards d'euros)
Ces établissements étaient tous des banques de détail, accessibles à tous les particuliers.
"Pendant la crise financière (de 2007-2009), quand la situation d'une banque était résolue (par une faillite ou un rachat, NDLR), le marché avait tendance à aller chercher le prochain maillon faible", rappelle-t-il. "C'est ce qui se passe actuellement."
«Change la donne»
Par ailleurs, le fait que les autorités n'aient pas invoqué d'exception de risque systémique pour protéger tous les dépôts quand elles ont pris le contrôle de First Republic, comme elles l'avaient fait pour SVB et Signature, "montre que les régulateurs sont prêts à laisser une banque faire faillite ou être rachetée par une banque plus grosse", analyse-t-il.
Or les gros titres sur des phénomènes pouvant peser sur la croissance économique se multiplient, qu'il s'agisse du débat sur le plafond de la dette --qui pourrait être atteint début juin si démocrates et républicains ne parviennent pas à un accord--, de la banque centrale américaine (Fed), qui continue à remonter ses taux pour lutter contre l'inflation, ou des difficultés du secteur de l'immobilier commercial, financé en grande majorité par les petites et moyennes banques.
Dans ces conditions, "le marché se dit que le secteur pourrait avoir à se consolider sur le long terme" et que les autorités ne s'y opposeraient pas, ce qui n'est pas de bon augure pour les banques régionales, avance Ryan Nash.
"La Fed doit considérer" les difficultés des banques régionales en Bourse "comme un événement qui change la donne", affirme pour sa part Karl Haeling de LBBW.
La banque centrale semblait considérer jusqu'à présent que les banques qui ont fait faillite étaient des "exemples isolés de mauvaise gestion", avance-t-il.
"Mais cela va au-delà" et la Fed "ne peut pas continuer à être stricte dans sa communication" mercredi lorsqu'elle annoncera sa décision monétaire et la suite qu'elle compte y donner, estime-t-il.
Pour Alexander Yokum du cabinet CFRA, les trois récentes faillites ont aussi un coût direct pour le secteur bancaire, qui finance par ses cotisations le fonds d'assurance-dépôts géré par l'agence FDIC.
Cette dernière estime que les défaillances de SVB, First Republic et Signature devraient revenir à environ 35,5 milliards de dollars.
Renflouer le fonds devrait affecter les bénéfices du secteur bancaire à hauteur de 14% sur un an, avance Alexander Yokum.
Elle prévoit aussi que JPMorgan verse 10,6 milliards de dollars à la FDIC.