PARIS: Il y a trente ans, l’ancien Premier ministre français, Pierre Bérégovoy, se donnait la mort à Nevers, après l’échec aux élections législatives des socialistes, dont il est alors le chef de file.
Son épouse Gilberte parle d’«assassinat», mais aucune preuve ne va en ce sens. L’homme politique s’est donné la mort, selon les résultats de l’enquête, avec «l’arme de service subtilisée à son garde du corps» de l’époque. M. Bérégovoy se tire une balle dans la tête sur les berges du canal latéral à la Loire, le 1er mai 1993, en fin d’après-midi.
Les origines ukrainiennes de Pierre Bérégovoy
Pierre-Eugène Bérégovoy, né le 23 décembre 1925 à Déville-lès-Rouen, est le fils d'Adrien Bérégovoy, né Adrian Beregovy (en ukrainien: Адріан Береговий) ou Beregovoï (en russe: Адриан Береговой signifiant littéralement «de la berge»), un Ukrainien né en 1893 à Izioum, dans la région de Kharkiv, et d'Irène Baudelin.
Capitaine russe blanc et menchevik (membre du parti ouvrier social-démocrate russe hostile à Lénine), Adrian Beregovy émigre en 1920 après la révolution d'Octobre, vit un an en Pologne, puis deux ans en Allemagne, avant de s'installer en 1923 en France. Il devient ouvrier métallurgiste à Déville-lès-Rouen quand il y épouse, le 11 avril 1925, Irène Baudelin, puis il tient un café-épicerie. Il obtient sa naturalisation française en 1930.
À l'âge de cinq ans, Pierre Bérégovoy est pris en charge par sa grand-mère maternelle.
En 1958, il participe à la fondation du Parti socialiste autonome (1958) puis du Parti socialiste unifié (1960). Après l'élection de François Mitterrand en 1981, il est nommé secrétaire général de la présidence de la république. Il participe au choix d’une réduction du temps de travail de quarante à trente-neuf heures sans perte de salaire.
En 1983, il est élu maire de Nevers.
Dans le gouvernement de Laurent Fabius, il occupe les fonctions de ministre de l'Économie, des Finances et du Budget de juillet 1984 à mars 1986.
Il est élu député de la Nièvre aux élections législatives de mars 1986, François Mitterrand lui léguant ainsi son fief.
Un Européen convaincu
Pierre Bérégovoy est un Européen convaincu et il ne manque aucune occasion de le rappeler.
«Le monde a changé de dimension: la solitude des nations n’est que le vertige de l’impuissance; c’est dans la solidarité des ensembles que s’exprime l’autorité sur la scène internationale. L’Histoire nous l’enseigne, la France, ce n’est pas seulement un sol. C’est aussi, c’est surtout, pour ceux qui y sont nés et pour ceux qui l’ont choisie, un esprit, capable de persister dans un espace plus vaste. Notre patriotisme ne se réfugie pas dans le passé. Il voit plus loin. Ce n'est pas un patriotisme de position, mais un patriotisme de mouvement, non pas un patriotisme de repli, mais un patriotisme d'ouverture. J'allais dire: non pas un patriotisme nostalgique, mais un patriotisme prophétique. Que devons-nous faire? Susciter, nous aussi, un espace à la dimension du monde nouveau. Cet espace, c’est l’Union européenne. Le président de la république l'a dit: “La France est notre patrie, l'Europe est son avenir.”»
Directeur de campagne de François Mitterrand à l’élection présidentielle de mai 1988, il devient, après la victoire de ce dernier, ministre d'État, ministre de l'Économie, des Finances et du Budget dans le gouvernement Rocard. Dans le gouvernement d’Édith Cresson, il conserve le même portefeuille.
À la suite des élections cantonales et régionales de 1992, il est nommé Premier ministre en avril. Il doit quitter cette fonction un an plus tard après la lourde défaite de la gauche aux élections législatives de mars 1993. En février 1993, Le Canard enchaîné dévoile l’affaire Roger-Patrice Pelat. L’hebdomadaire satirique explique comment le Premier ministre s’est vu accorder un prêt sans intérêt d’un million de francs par un proche du président. La polémique est trop forte. Accablé par ces soupçons de corruption, il se suicide.
Lors de ses obsèques, François Mitterrand déclare: «Toutes les explications du monde ne justifieront pas qu’on ait pu livrer aux chiens l’honneur d’un homme et finalement sa vie.»