ISTANBUL: Aux prises avec un virus intestinal, le président turc Recep Tayyip Erdogan est réapparu jeudi en direct à la télévision, deux jours après avoir dû interrompre une interview télévisée.
Le chef de l'Etat, contraint d'annuler ses déplacements mercredi et jeudi, à 17 jours d'élections présidentielle et législatives périlleuses, s'est exprimé par visioconférence depuis le palais présidentiel à Ankara pour l'inauguration de la première centrale nucléaire de Turquie.
"Notre pays s'est hissé dans la ligue des pays dotés de l'énergie nucléaire", s'est félicité M. Erdogan, assis à son bureau, les traits tirés, dissipant toutefois les rumeurs les plus alarmistes sur son état de santé.
La présidence turque n'a pas indiqué quand le chef de l'Etat reprendrait sa campagne.
L'inauguration de la centrale d'Akkuyu (Sud), construite par le géant russe Rosatom, devait être un des moments forts de la semaine pour le président turc.
M. Erdogan, qui devait initialement se rendre sur place, avait même escompté la visite de Vladimir Poutine, qui s'est également exprimé par visioconférence avant lui.
Le président russe en a profité pour faire l'éloge de Recep Tayyip Erdogan, un dirigeant aux "objectifs ambitieux".
"Rumeurs infondées"
L'épisode a démarré mardi soir: le chef de l'Etat turc devait donner une longue interview à deux chaînes de télévision, après avoir effectué trois apparitions publiques dans trois villes différentes plus tôt dans la journée.
L'émission, retardée sans explications d'une heure trente, a été interrompue subitement dès la dixième minute, au milieu d'une question d'un journaliste.
"Oh wow", a dit une voix non identifiée derrière la caméra avant que l'émission ne soit coupée, tandis que l'intervieweur se levait de sa chaise.
M. Erdogan, teint pâle, est réapparu à l'antenne un quart d'heure plus tard avant d'écourter l'entretien, expliquant avoir "attrapé une grippe intestinale".
Dans un tweet, le président turc, à la démarche parfois ralentie ces dernières années, avait annoncé mercredi matin se "reposer à la maison aujourd'hui sur conseil des médecins", annulant trois déplacements prévus en Anatolie centrale.
Mercredi soir, le directeur de la communication de la présidence turque, Fahrettin Altun, avait voulu faire taire les rumeurs déferlant sur les réseaux sociaux après l'annonce de l'annulation des deux déplacements du chef de l'Etat prévus jeudi.
"Nous rejetons catégoriquement de telles affirmations infondées concernant la santé du président @RTErdogan", a tweeté M. Altun, partageant des captures d'écran de tweets très relayés affirmant que le président turc avait été victime d'une crise cardiaque.
"Il va bien"
"Il va bien. Les effets de sa gastro-entérite ont diminué. Il veut reprendre son programme au plus vite", a affirmé jeudi après-midi le ministre turc de la Santé, Fahrettin Koca.
Ce problème de santé tombe toutefois très mal pour le chef de l'Etat, alors que les 3,4 millions de Turcs de l'étranger inscrits sur les listes électorales ont commencé à voter jeudi.
Au pouvoir depuis 2003, d'abord comme Premier ministre puis comme président, M. Erdogan fait face à une opposition avançant en front uni.
Son principal opposant, Kemal Kiliçdaroglu, à la tête d'une alliance réunissant six partis de l'opposition, a enchaîné deux meetings jeudi, à Balikesir et Tekirdag (Nord-Ouest).
Donné en bonne posture par la plupart des enquêtes d'opinion, M. Kiliçdaroglu a reçu le soutien tacite du parti prokurde HDP, considéré comme le faiseur de rois du scrutin présidentiel.
Pour déjouer les sondages, le chef de l'Etat comptait aligner deux à trois meetings quotidiens dans la dernière ligne droite avant les élections, après avoir partagé pendant le mois du ramadan le repas de rupture du jeûne dans une localité différente chaque soir.
La santé du dirigeant turc, dont aucun rapport médical n'est rendu public, avait alimenté les spéculations après une opération du gros intestin fin 2011, suivie d'une nouvelle intervention chirurgicale l'année suivante.
M. Erdogan, alors Premier ministre, avait démenti publiquement souffrir d'un cancer du côlon, expliquant que les opérations visaient à lui enlever des polypes.