PARIS: Le report de la visite d’État du président algérien, Abdelmadjid Tebboune, à Paris, n’est pas une information qui peut passer inaperçue.
Comme tout ce qui touche aux relations franco-algériennes, ce report est sujet à des interrogations et des supputations.
Initialement prévue pour les 2 et 3 mai, la visite aura lieu, selon la présidence algérienne, dans la deuxième quinzaine du mois de juin prochain.
Cette annonce a stoppé net Paris dans ses préparatifs pour accueillir M. Tebboune et l’entourer de tous les honneurs, durant une visite qui devait acter la normalisation d’une relation bilatérale complexe et tendue.
Une annonce qui a aussi certainement suscité une sorte de déception concernant la présidence française qui estimait le chemin balisé pour que la visite se déroule dans les meilleures conditions.
La commission d’historiens français et algériens créée pour travailler sur la colonisation française de l’Algérie a tenu sa première réunion à Paris.
La création de cette instance indépendante de dix membres avait été annoncée lors de la visite d’Emmanuel Macron à Alger en août dernier.
Elle doit à terme régler un des principaux dossiers les plus sensibles entre les deux pays.
La tenue de cette première réunion constitue un symbole clair de la volonté des deux pays d’aller de l’avant vers des relations apaisées.
Par ailleurs, MM. Macron et Tebboune sont parvenus à la fin du mois de mars à tourner la page de la crise diplomatique déclenchée par l’affaire de l’activiste algérienne Amira Bouraoui.
Malgré une interdiction de quitter le territoire algérien, Mme Bouraoui est arrivée à Tunis au début du mois de février, où elle a été interpellée alors qu’elle était sur le point de prendre un avion pour Paris.
Détentrice d’un passeport français, elle parvient quelques jours plus tard à rejoindre la France, malgré une tentative des autorités tunisiennes de l’expulser vers son pays d’origine.
Cet épisode fut qualifié d’«exfiltration illégale», voire d’«acte de barbouzerie» par Alger, qui a rappelé son ambassadeur à Paris pour consultation.
Coup de tonnerre
Six semaines plus tard, Emmanuel Macron et Abdelmadjid Tebboune ont affirmé, à la suite d’un entretien téléphonique, que les incompréhensions liées à cette affaire sont levées.
Levés aussi les obstacles qui pouvaient entraver la visite de M. Tebboune à Paris, mais c’était sans compter avec le coup de tonnerre dans un ciel prétendument limpide.
Selon une source impliquée dans la préparation de la visite et interrogée par Arab news en français, c’est bien la partie algérienne qui a souhaité le report de cette visite en raison de la date du 3 mai, qui est la Journée internationale de la liberté de la presse.
Le report de cette visite a donné libre cours à toutes sortes de suppositions et d’interprétations.
Citant des sources gouvernementales, la presse algérienne a indiqué que ce report est dû au climat social en France et aux éventuels troubles qui pourraient avoir lieu à l’occasion de la manifestation prévue le 1er mai.
Faisant le parallèle avec la visite reportée du roi d’Angleterre Charles III, des médias algériens ont affirmé que la visite d’Abdelmadjid Tebboune a été décalée à la demande de la présidence française.
D’autres médias ont pointé du doigt le manque de préparation des dossiers de cette visite qui s’annonçait historique.
Autre son de cloche à Paris selon une source impliquée dans la préparation de la visite et interrogée par Arab news en français: c’est bien la partie algérienne qui a souhaité le report de la visite en raison de la date du 3 mai, qui est la Journée internationale de la liberté de la presse.
Il est donc préférable que la visite ne soit pas émaillée par des actes de protestation de la part d’une frange de la diaspora algérienne hostile au régime en place.
Certains membres de cette diaspora ont fait savoir qu’ils avaient bien l’intention de perturber la visite pour dénoncer un régime qu’ils qualifient de «dictature» qui brime aussi bien la presse que le peuple algérien.
Après avoir exprimé quelques réticences, Paris a finalement cédé.
La source française souligne que M. Macron parie sur M. Tebboune et il estime que ce dernier n’est pas hostile à la France.
Quand il s’est rendu à Alger en août dernier, il a passé des heures avec le président algérien et il est parvenu à tisser un lien personnel avec lui.
Emmanuel Macron a fait ce pari et il veut à présent aller jusqu’au bout en faisant tout pour que ça réussisse, assure la source.
Toutefois, rien n’est gagné à l’heure qu’il est, avec une situation économique algérienne très compliquée et qui le restera tant qu’il n’y aura pas de consensus au sein de l’État sur les réformes.
Il est important de garder à l’esprit que c’est l’institution militaire qui constitue encore et toujours le cœur du pouvoir algérien, affirme la source, qui poursuit en soulignant que si Abdelmadjid Tebboune est sans doute animé des meilleures intentions du monde, ce n’est pas lui qui tire les ficelles dans les coulisses.