MALINDI: Huit nouveaux corps ont été exhumés mercredi dans la forêt de Shakahola, dans l'est du Kenya, portant à 98 le nombre de morts au sein d'une secte qui prônait un jeûne extrême pour "rencontrer Jésus".
Après avoir annoncé mardi soir une pause dans les recherches de fosses communes pour mener des autopsies et désengorger les morgues, les autorités ont repris les fouilles mercredi matin.
"Nous avons eu beaucoup de difficultés aujourd'hui avec la pluie mais au final, nous avons eu huit corps sortis", a déclaré une source policière, ajoutant: "Nous continuerons les opérations demain" jeudi.
Les recherches ont permis de retrouver jusqu'à présent 39 personnes vivantes dans la vaste zone de "bush" de 325 hectares quadrillée par les enquêteurs, a précisé plus tôt dans la journée la préfète de la région Rhoda Onyancha.
Un total de 22 personnes ont été placés en détention, a-t-elle ajouté.
Paul Mackenzie Nthenge, le "pasteur" autoproclamé de ce groupe appelé Eglise Internationale de la Bonne Nouvelle (Good News International Church), est en prison après s'être rendu à la police le 14 avril, lors des premières opérations policières dans la forêt. Il doit comparaître devant un tribunal le 2 mai.
La révélation de ce qui est désormais appelé "le massacre de la forêt de Shakahola" a suscité la stupeur au Kenya et suscité de nombreux appels à la répression vis-à-vis des sectes dans ce pays à majorité chrétienne.
Proches dans l'attente
Les familles de membres de la secte ont afflué à la morgue de l'hôpital de la ville de Malindi pour connaître le sort de leurs proches.
Parmi eux, Issa Ali attend, sans grand espoir, de savoir si sa mère se trouve parmi les corps découverts. Adepte de la secte, elle l'avait emmené dans la forêt de Shakahola en 2020, avant que son père ne le sorte l'an dernier.
"La dernière fois que j'ai vu ma mère c'était en février. Elle était tellement faible", explique le jeune homme de 16 ans.
Hassan Musa, un responsable de la Croix-Rouge kényane, a indiqué que 311 personnes, "dont 150 mineurs", ont été déclarés disparues auprès de l'organisation à Malindi.
"Il s'agit de personnes principalement originaires du Kenya, mais aussi de Tanzanie et du Nigeria. Certaines sont portées disparues depuis des années", a-t-il détaillé.
Fin du monde
Les enquêteurs découvrent chaque jour avec horreur l'ampleur de ce "massacre", dans lequel figurent une majorité d'enfants, ont confié trois sources proches de l'enquête.
Selon Hussein Khalid, directeur de l'ONG Haki Africa qui a alerté la police sur les activités de Paul Mackenzie Nthenge, le "pasteur" avait préconisé d'affamer les enfants en premier, puis les femmes et enfin les hommes avant la fin du monde qui devait venir en juin.
Selon lui, entre 50 et 60% des corps retrouvés sont des enfants, retrouvés enveloppés dans des tissus de coton dans des fosses peu profondes.
"Nous ne savons pas combien de fosses communes, combien de corps, nous pourrons trouver", a déclaré mardi le ministre de l'Intérieur Kithure Kindiki, ajoutant que les crimes commis étaient suffisamment graves pour justifier des poursuites pour terrorisme contre Paul Mackenzie Nthenge.
Arrestations
Le président kényan William Ruto a promis de prendre des mesures contre les pasteurs autoproclamés tels que M. Nthenge "qui veulent utiliser la religion pour promouvoir des idéologies louches et inacceptables".
Cette affaire suscite également de nombreuses interrogations sur des failles des autorités policières et judiciaires, qui connaissaient le "pasteur" depuis plusieurs années.
Il avait été arrêté une première fois en 2017, accusé de "radicalisation" parce qu'il prônait de ne pas scolariser les enfants, affirmant que l'éducation n'était pas reconnue dans la Bible.
Il avait de nouveau été arrêté le mois dernier, après la mort de deux enfants affamés par leurs parents liés à la secte. Il avait rejeté les accusations et avait été libéré contre une caution de 100 000 shillings kényans (environ 670 euros).