PARIS : Européen convaincu, Valéry Giscard d'Estaing, décédé mercredi, a oeuvré pour la construction européenne durant son septennat, avant de revenir sur le devant de la scène 20 ans plus tard, à la tête de la convention chargée d'élaborer un projet de constitution de l'Union européenne.
Le « non » des Français à ce texte lors du référendum de mai 2005 fut pour lui une immense déception, et il préféra l'imputer à un rejet de la politique intérieure française plutôt qu'au projet lui-même.
Pour relancer l'Union européenne après le vote au Royaume-Uni en faveur du Brexit, en juin 2016, il plaide pour une Europe plus concentrée autour des « pays fondateurs » et de leurs « voisins qui partagent les mêmes idées ».
Dans ses mémoires, « Le Pouvoir et la vie », Valéry Giscard d'Estaing affirme que les deux personnages de la vie politique nationale et internationale qui lui ont fait la plus grande impression sont Charles de Gaulle et Jean Monnet, l'un des pères fondateurs de l'Europe.
Il affirma son engagement européen avant son élection à la présidence de la République en 1974, dès la fin des années 60, souligne l'historienne Elisabeth du Réau dans « Les années Giscard », ouvrage qui rassemble les actes d'une journée d'études sur le sujet en janvier 2004.
Pendant la campagne présidentielle, VGE prône une relance de la construction européenne, proposant l'élection du Parlement de Strasbourg au suffrage universel, qui se concrétisera sous son impulsion en 1979.
« Un sujet de satisfaction intense est pour moi de contribuer à la construction de l'Europe politique », écrit l'ancien président français dans ses mémoires.
Instauration en 1974 de « conseils européens » réguliers, qui prennent le relais des sommets de chefs d'Etat et de gouvernement, création en 1979 du Système monétaire européen (SME) qui donnera 20 ans plus tard naissance à l'euro, et premières élections européennes au suffrage universel constituent les grandes réalisations européennes dont il a pris l'initiative durant son septennat.
« Couple franco-allemand »
Il coopéra étroitement avec le chancelier allemand Helmut Schmidt. La période 1974-81 « reste comme une période particulièrement fructueuse des relations » entre la France et l'Allemagne, selon l'historien Georges-Henri Soutou. C'est de cette époque que date l'apparition de l'expression « couple franco-allemand ».
Il était en revanche contesté au sein de la majorité de droite, notamment par Jacques Chirac qui lança le fameux « appel de Cochin » en 1978 qualifiant l'UDF, trop pro-européenne à ses yeux, de « parti de l'étranger ».
VGE soutient l'adhésion de la Grèce, dont l'acte officiel sera signé en 1979 sous présidence française de l'Europe, et commence à préparer celles de l'Espagne et du Portugal qui seront finalisées après son septennat. Mais il manifestera en 2002 une forte opposition à une entrée éventuelle de la Turquie.
Député européen de 1989 à 1993, l'ancien chef de l'Etat français est nommé fin 2001, à 76 ans, président de la Convention sur l'avenir de l'Europe.
Ce retour sur le devant de la scène européenne suscite des grincements de dents de la part de petits pays, qui ont toujours vu d'un mauvais oeil la prépondérance du couple franco-allemand. D'autant que son arrivée est marquée par une polémique sur ses exigences financières supposées.
En juin 2003, après 16 mois de travaux, il remet aux dirigeants européens un texte de compromis, ayant surmonté bien des oppositions, notamment celle du président de la Commission européenne Romano Prodi.
Ce projet sera cependant rejeté par référendum en France et aux Pays-Bas en 2005, bloquant le processus de ratification dans l'UE.