PARIS: "Perroquet" de la "propagande russe": les propos controversés de l'ambassadeur chinois en France qui, questionné sur la province ukrainienne de Crimée, annexée depuis 2014 par Moscou, a nié la souveraineté de ex-républiques soviétiques, ont provoqué une levée de bouclier parmi les États concernés.
"Il est étrange d'entendre une version absurde sur +l'histoire de la Crimée+ de la part d'un représentant d'un pays scrupuleux au sujet de son histoire millénaire", a lâché sur Twitter Mykhaïlo Podoliak, conseiller à la présidence ukrainienne.
"Tous les pays de l'ex-URSS ont un statut souverain clair inscrit dans le droit international", a-t-il poursuivi, avant d'ironiser: "Si vous voulez être un acteur politique majeur, ne répétez pas comme un perroquet la propagande des Russes."
Interrogé vendredi soir sur la chaîne française LCI, l'ambassadeur chinois en France, Lu Shaye, avait indiqué au sujet de la Crimée, occupée par Moscou depuis 2014: "Ça dépend de comment on perçoit ce problème. Il y a l'Histoire. La Crimée était tout au début à la Russie. C'est Khrouchtchev qui a offert la Crimée à l'Ukraine dans l'époque de l'Union soviétique."
Il avait poursuivi son argumentaire, estimant que les pays de l'ex-URSS "n'ont pas le statut effectif dans le droit international parce qu'il n'y a pas d'accord international pour concrétiser leur statut de pays souverain".
«Loup combattant»
Lu Shaye, qui fait partie des "loups combattants", ce nouveau clan de diplomates chinois ne mâchant pas leurs mots face à un Occident perçu comme systématiquement hostile à Pékin, avait également appelé à arrêter de "chicaner" sur la question des frontières post-soviétiques.
"Maintenant, le plus urgent est d'arrêter, de réaliser le cessez-le-feu" entre Russie et Ukraine, avait-il estimé.
Des commentaires qui ne concernent pas que ces deux pays, mais toutes les républiques nées de la dislocation de l'URSS en 1991, soit 14 "États-membres des Nations unies, que cet officiel chinois a littéralement rayé de la carte en une seule affirmation ahurissante", commente Thomas Friang, le fondateur de l’Institut open diplomacy, un think-tank français, pour le Journal du dimanche.
Les Etats baltes, désormais membres de l'Union européenne et de l'Otan, ne masquent pas leur courroux. Le ministre des Affaires étrangères letton, Edgars Rinkevics, a dénoncé des remarques "complètement inacceptables".
Son homologue estonien Margus Tsahkna les a qualifiées de "fausses", relevant d'une "interprétation erronée de l'Histoire". "Selon le droit international, les Etats baltes sont souverains depuis 1918, mais ils ont été occupés pendant 50 ans" par l'URSS, a-t-il poursuivi.
"L'UE ne peut que supposer que ces déclarations ne représentent pas la position officielle de la Chine", a fustigé le chef de sa diplomatie Josep Borrell, critiquant lui aussi des propos "inacceptables"
La France a, elle, déclaré en avoir "pris connaissance avec consternation".
L'Ukraine a été reconnue internationalement "dans des frontières incluant la Crimée en 1991 par la totalité de la communauté internationale, Chine comprise", a insisté Paris, rappelant que l'annexion de la Crimée par la Russie en 2014 est "illégale au regard du droit international".
Embarras
Les déclarations du "loup" Shaye mettent dans l'embarras la diplomatie française, deux semaines à peine après qu'Emmanuel Macron a rendu visite à son homologue chinois Xi Jinping pour l'inciter à "ramener la Russie à la raison" vis-à-vis de l'Ukraine et le presser de ne pas livrer d'armes à Moscou.
Si Pékin se dit officiellement neutre, Xi Jinping n'a jamais condamné l'invasion russe ni même parlé au téléphone, jusqu'ici, avec le président ukrainien Volodymyr Zelensky. A l'inverse, il s'est rendu il y a peu à Moscou pour y réaffirmer son partenariat avec le président russe Vladimir Poutine, aux allures de front anti-occidental.
MM. Macron et Xi avaient ensuite publié une déclaration commune dans laquelle ils s'engageaient à "soutenir tout effort en faveur du retour de la paix en Ukraine".
Le président français avait surtout suscité une vague d'incompréhension en déclarant que l'Europe ne devrait pas automatiquement s'aligner sur les Etats-Unis ou sur Pékin en cas de conflit à propos de Taïwan, quand Washington est le principal soutien militaire de Kiev, loin devant l'UE.
Parmi les détracteurs alors d'Emmanuel Macron, le ministre des Affaires étrangères lituanien Gabrielius Landsbergis s'est fendu d'un nouveau tweet perplexe.
"Si quelqu'un se demande encore pourquoi les Etats baltes ne font pas confiance à la Chine pour +négocier la paix en Ukraine+, a-t-il observé, voici un ambassadeur chinois qui affirme que la Crimée est russe et que les frontières de nos pays n'ont pas de base juridique."