VIGOULET-AUZIL : Avec plus de 80% des suffrages au second tour, la réélection d'Emmanuel Macron n'a pas fait un pli à Vigoulet-Auzil, petit village proche de Toulouse: un "vote d'adhésion" selon le maire, qu'un an plus tard certains habitants remettent en question.
"Je ne sais même plus pour qui je vais voter à la prochaine élection, ni même si je vais voter", confie Olivier Jean-Alphonse, employé communal, qui avait pourtant opté dès le premier tour pour le candidat Macron, en 2017 puis en 2022.
Convaincu que ce dernier pouvait "apporter un nouveau souffle à la politique", cet électeur de 51 ans se dit "déçu" par la réforme des retraites et le recours à l'article 49.3 de la Constitution, pour la faire passer sans vote.
Le chef de l'Etat "reste trop sur ses positions. Il y a un problème de méthode", soutient-il.
Laurence Ramuscello, aide-soignante, également quinquagénaire, fait un constat similaire: "On a l'impression qu'il est déterminé et qu'il ne veut pas s'encombrer avec l'avis des autres. Déjà les gilets jaunes, il les a complètement sous-estimés".
Celle qui se décrit comme "modérée" et votait auparavant pour François Bayrou, ne regrette pas pour autant d'avoir apporté son suffrage au président sortant. "Les autres n'auraient pas fait mieux et aujourd'hui, il n'y a personne en face de crédible", dit-elle.
Macron plébiscité
Le plébiscite d'Emmanuel Macron l'an dernier dans la commune n'a pas été une surprise: en 2017 déjà, il y avait recueilli 84% des suffrages au second tour.
Les habitants ont aussi élu un maire, Jacques Ségéric, qui se dit "Macron compatible", et ont voté à plus de 70% pour une députée de la majorité présidentielle, Dominique Faure, désormais ministre déléguée en charge des Collectivités territoriales et de la Ruralité.
Avec ses grandes villas cachées par des cyprès, qui ont vue sur les Pyrénées ou la Garonne, Vigoulet-Auzil est décrit par ses habitants comme un village "bourgeois", "plutôt à droite", à l'image de beaucoup d'autres communes situées sur ces coteaux au sud de Toulouse. La plupart ont d'ailleurs voté aussi à plus de 70% pour l'actuel président.
Le village, surnommé "cité du cheval", compte trois centres équestres et plus de 150 chevaux pour environ 900 habitants. Mais il ne dispose que de peu de commerces, à l'exception d'un restaurant et d'un atelier d'art.
Selon le maire, il n'y a "pas de pauvres". La plupart des habitants travaillent à Toulouse ou dans les communes alentour et se sont installés ici "pour les paysages et la nature".
«Horreur de l'extrême droite»
Dès le premier tour l'an dernier, Emmanuel Macron a ainsi récolté 43% des votes à Vigoulet-Auzil, bien au-delà des 27% au niveau national. "Est-ce que comme leur maire, les habitants ont aussi horreur de l'extrême droite? Je l'espère", ajoute Jacques Ségéric pour expliquer le résultat du second tour.
Environ 17% des habitants ont tout de même choisi le Rassemblement national (RN), comme Katell Le Noach, 44 ans, arrivée il y a deux ans pour travailler dans un centre équestre.
"J'ai voté écolo au premier tour, puis Le Pen au deuxième. J'ai toujours voté à gauche donc je m'en suis un peu voulu. Mais pour moi, ce que la gauche et l'extrême droite ont en commun, c'est qu'ils sont pour le peuple", assure cette mère célibataire, qui reproche à Emmanuel Macron de ne pas s'intéresser "aux problèmes des gens des cités", ou sa politique sur la vaccination contre le Covid.
Mohamed Manssauri, maçon d'une cinquantaine d'années, qui vit dans une commune voisine, approuve: "J'ai voté Macron deux fois pour éviter Le Pen, parce que je suis Marocain et qu'à chaque élection, on a peur" de sa politique sur l'immigration. "Mais j'en ai marre de cette politique et je crois que Marine Le Pen commence à montrer un autre visage. Alors pour moi, à la prochaine élection, ce sera Mélenchon ou Le Pen."
Ces positions "désolent" le maire, qui dénonce la "démagogie" du RN, mais ne le surprennent pas. "Personnellement, je reste macroniste parce que je ne vois personne capable de faire le job comme il le fait", assure l'élu, qui attend tout de même du président un virage à gauche.