PARIS: La gauche anti-LFI se sent pousser des ailes et organise la contre-offensive pour offrir une "alternative de gauche", redynamisée par la victoire d'une dissidente socialiste en Ariège, et les propos du communiste Fabien Roussel sur une Nupes "dépassée".
Depuis quelques semaines, l'ex-Premier ministre socialiste Bernard Cazeneuve, la présidente d'Occitanie Carole Delga ou le premier secrétaire délégué du PS Nicolas Mayer-Rossignol, multiplient, chacun de leur côté, les initiatives pour porter une "gauche de gouvernement", à l'opposé d'une alliance de gauche Nupes "soumise à LFI et Jean-Luc Mélenchon".
Un dîner, en mars, a rassemblé plusieurs ténors de cette gauche "de responsabilité": outre Bernard Cazeneuve et Nicolas Mayer-Rossignol, étaient présents l'ex-président François Hollande et le président du Parti radical de gauche Guillaume Lacroix. Carole Delga était représentée par un proche.
"Si on veut gagner, il faut se parler", explique Nicolas Mayer-Rossignol, qui dit avoir participé "par sens de l'écoute".
Leur point commun: leur opposition à la stratégie du premier secrétaire du PS Olivier Faure de s'allier avec "le bruit et la fureur" de La France insoumise.
"J'ai cette vertu, je leur permets de dîner ensemble", ironise Olivier Faure, qui défend l'accord Nupes qui a permis à la gauche d'avoir 151 députés à l'Assemblée.
Tous ses opposants affirment qu'il existe un espace "entre Macron et Mélenchon", et en veulent pour preuve la victoire de la socialiste dissidente Martine Froger contre une députée sortante LFI-Nupes, dans la législative partielle de l'Ariège.
"L’Ariège a envoyé un signal en interne beaucoup plus puissant que ce qu’on peut imaginer", juge l'élue parisienne Lamia El Aaraje, proche de Nicolas Mayer-Rossignol.
Mais pour l'entourage d'Olivier Faure, "l'Ariège est une des deux meilleures circonscriptions de France pour la gauche. Déduire de ce cas particulier une règle nationale, c'est un défi à l'intelligence".
Ce n'est pas l'avis de Carole Delga, soutien de Mme Froger, qui multiplie les interviews et tribunes, appelant à la création d'un "projet de gouvernement" avec tous ceux à gauche qui "veulent gouverner" et non rester dans une posture "contestataire".
«Comportements sécessionnistes»
Opposante à la Nupes depuis sa création, Mme Delga poursuit ses "Rencontres de la gauche" qu'elle avait lancées dans l'Aude en septembre.
Mais si elle critique toujours Jean-Luc Mélenchon, elle admet désormais qu'il est possible de travailler avec "des militants, des élus de LFI", tant qu'ils ne dominent pas.
Tous ces anti-Nupes se sont sentis ragaillardis par le leader communiste Fabien Roussel, qui a jugé cette alliance "dépassée" et a appelé à "rassembler bien au-delà", notamment avec Bernard Cazeneuve.
Pour peser davantage au sein du PS, le courant Refondations, minoritaire, s'est structuré: fort de 5 700 signataires, dont 10% non socialistes, il compte désormais une co-présidence - Nicolas Mayer-Rossignol et Lamia El Aaraje -, un bureau national et un parlement, des pôles de travail, et organise ses propres journées d'été, fin août, juste avant celles du PS.
"Ils font tout en dehors du Parti, c'est problématique", note un proche d'Olivier Faure, qui y voit "des comportements sécessionnistes".
Déjà à l'extérieur du PS, Bernard Cazeneuve continue, lui, son tour de France et étoffe son mouvement "La Convention", lancé début mars, qui compte "plus de 5 500 adhérents".
Des groupes de travail s'affairent déjà sur la question du travail, du logement, des familles monoparentales ou de l'Europe de l'énergie, énumère l'ex-secrétaire d'Etat Clotilde Valter. En point de mire, un grand rassemblement le 10 juin à Créteil, qui permettra de compter les troupes.
Arriveront-ils à converger? En coulisse, chacun semble accuser les autres d'"ambitions présidentielles". "Cazeneuve, je ne sais pas ce qu'il porte, à part sa candidature", assène un membre de Refondations.
"Tous ces gens sont en train de se marquer à la culotte", ironise un proche d'Olivier Faure.
"Tout dépend de la façon dont la Nupes va évoluer", poursuit-il, soulignant que le camp Faure souhaite aussi "reprendre une place centrale dans l'alliance" afin que le futur candidat commun à la présidentielle ne soit "pas forcément Mélenchon ni LFI".