PARIS: Un rapport de l'Inspection générale de l'environnement et du développement durable (IGEDD) recommande au gouvernement d'agir "sans tarder" face aux polluants PFAS dits éternels, en vue d'améliorer les connaissances et la surveillance les concernant et de les interdire.
"La réglementation française des émissions industrielles encadre encore trop peu les rejets en PFAS et leur suivi en banque de données est quasi-inexistant", souligne en préambule ce rapport, commandé en février 2022 par Barbara Pompili, alors ministre de la Transition écologique, et publié vendredi. Le texte recommande notamment "d'engager sans tarder les actions de maîtrise du risque les plus urgentes".
Le sigle PFAS (prononcé "pifasse", à l'anglaise) désigne les substances per et polyfluoroalkylés, une famille de composés organofluorés de synthèse (plus de 4 700 molécules), développées depuis les années 1940. Dotées de propriétés anti-adhésives et imperméables, elles sont massivement présentes dans la vie courante: poêles en Teflon, emballages alimentaires, textiles, automobiles...
Quasi-indestructibles, d'où leur surnom, elles sont décrites par certains experts comme "la plus grande menace chimique au 21e siècle" mais jugées en partie incontournables par l'industrie.
«Constat inquiétant»
"Les connaissances sur les risques sanitaires associés aux différents PFAS sont insuffisantes, voire absentes (...) mais des effets nocifs et toxiques sur le métabolisme humain ont été observés pour plusieurs PFAS et leur caractère cancérigène est suspecté", souligne l'IGEDD.
Face à ce "constat inquiétant", sa première recommandation est donc d'"appliquer le principe de précaution" et de demander à l'Etat français "d'oeuvrer pour une restriction Reach (référence à la procédure engagée en début d'année par plusieurs pays européens) conduisant à une interdiction d'usage, de production et d'importation de l'ensemble des PFAS".
L'Agence européenne des produits chimiques (ECHA) a publié le 7 février la proposition de cinq pays européens (Allemagne, Danemark, Pays-Bas, Norvège, Suède) pour bannir dans l'UE les PFAS, qu'elle évaluera avant de soumettre une recommandation à Bruxelles et aux Vingt-Sept, pour une mise en oeuvre après 2026. Cette démarche a été appuyée par plusieurs Etats dont la France.
Le rapport de l'IGEDD préconise aussi la "substitution des PFAS chaque fois que c'est possible par des substances moins nocives", de mieux informer le public concernant les risques et la présence de ces polluants dans les différents produits et d'engager un programme de recherches pour améliorer les connaissances.
«Inaction coupable»
Actuellement, "la France ne réglemente aucun PFAS dans le contrôle des eaux brutes et des eaux destinées à la consommation humaine" et la "réglementation française des émissions industrielles encadre encore trop peu les rejets en PFAS", notent les auteurs du rapport, ajoutant qu'il existe des lacunes similaires quant au contrôle de la contamination aux PFAS dans l'air et dans les sols.
En décembre 2022, le gouvernement a publié un "plan d'action" en vue de mieux "évaluer les effets des PFAS et ainsi les limiter plus strictement" tout en soulignant que les actions doivent être prises au niveau européen.
Le député écologiste Nicolas Thierry, qui estime que ce plan est une "diversion", a déposé jeudi une proposition de loi réclamant une interdiction des PFAS dès 2025 quand il y a une alternative, avant une interdiction totale en 2027.
Le rapport de l'IGEDD, bloqué selon lui et l'ONG Robin des bois depuis des mois par le gouvernement, est "aussi inquiétant qu'on le pressentait", a réagi M. Thierry auprès de l'AFP.
"C'est le début d'un long combat face à un scandale sanitaire d'une ampleur inédite. Le problème est connu depuis 20 ans et l'inaction de l'Etat et des industriels est coupable" alors que "des alternatives aux PFAS existent déjà".