PEKIN: "Aucun autre pays n'a plus d'influence sur la Russie que la Chine", a estimé vendredi la ministre allemande des Affaires étrangères Annalena Baerbock, exhortant Pékin à demander "à l'agresseur russe d'arrêter la guerre" en Ukraine.
"Je dois dire ouvertement que je me demande pourquoi la position chinoise n'inclut pas jusqu'à présent une demande à l'agresseur russe d'arrêter la guerre", a-t-elle déclaré à Pékin lors d'une conférence de presse au côté de son homologue chinois Qin Gang.
La récente visite du président chinois Xi Jinping à Moscou a montré, selon Mme Baerbock, "qu'aucun autre pays n'a plus d'influence sur la Russie que la Chine et la décision d'utiliser cette influence touche directement les intérêts essentiels de l'Europe".
Sa visite intervient une semaine après celle du président français Emmanuel Macron et de la cheffe de la Commission européenne Ursula von der Leyen qui avaient également appelé Pékin, proche de Moscou, à jouer un rôle pour la paix en Ukraine.
Ces dernières semaines, la pression internationale s'est accrue pour pousser la Chine à intervenir auprès de la Russie et l'amener à la table des négociations.
«Oeuvrer pour la paix»
Depuis le début du conflit, Pékin se dit officiellement neutre, sans jamais condamner l'invasion russe.
"La Chine a toujours pensé que la seule façon de résoudre la crise ukrainienne était de promouvoir la paix et les pourparlers", a déclaré vendredi Qin Gang.
"La Chine est prête à continuer à oeuvrer pour la paix et espère que toutes les parties impliquées dans la crise resteront objectives et calmes, et qu'elles feront ensemble des efforts constructifs pour résoudre la crise par le biais de négociations", a-t-il ajouté.
La ministre allemande s'est également montrée très ferme sur la question de Taïwan où la Chine vient à nouveau de lancer des manoeuvres militaires d'ampleur.
"Une escalade militaire dans le détroit de Taïwan, où transite chaque jour 50% du commerce mondial, serait un scénario catastrophe pour le monde entier", a-t-elle affirmé.
"Taïwan appartient à la Chine", a rétorqué Qin Gang. Et "personne n'espère plus que les compatriotes des deux côtés du détroit de Taïwan le maintien de la paix et de la stabilité dans le détroit de Taïwan et la réalisation de la réunification pacifique de la patrie", a-t-il ajouté.
Emmanuel Macron a suscité à son retour de Chine une vague d'incompréhension aux Etats-Unis et en Europe en appelant l'Union européenne à ne pas être "suiviste" de Washington ou Pékin sur la question de Taïwan, des propos parfois interprétés comme un désintérêt de la France sur ce sujet.
Une déstabilisation du détroit "aurait des conséquences dramatiques pour tous les pays du monde et donc pour l'ensemble de l'économie mondiale", a affirmé Mme Baerbock, appelant les parties à "empêcher toute escalade".
«Droits de l'homme restreints»
Jeudi, la ministre avait assuré que les Européens étaient unis dans leur politique vis-à-vis de Pékin.
"Il n'y a pas d'autre partenaire avec lequel nous nous coordonnons aussi étroitement dans l'Union européenne qu'avec nos amis français", avait-elle affirmé.
Vendredi, elle s'est également dite préoccupée "par le fait que le champ d'action de la société civile en Chine continue de se réduire et que les droits de l'homme sont restreints".
Elle a cité la situation de la communauté ouïghoure au Xinjiang, qui a été "documenté(e) noir sur blanc dans le rapport du Haut Commissaire aux droits de l'homme".
Publié en septembre, ce rapport - mélange d'entretiens réalisés par ses services et d'informations de première ou de seconde main - évoque la possibilité de "crimes contre l'Humanité" dans la région.
"Chaque pays a une situation nationale différente, une histoire et une culture différentes, les droits de l'homme n'ont pas de norme universellement applicable", a rétorqué Qin Gang.
"Aujourd'hui, le Xinjiang est socialement stable, économiquement prospère, ethniquement uni, religieusement harmonieux et ses habitants vivent et travaillent dans la paix et le bonheur", a-t-il affirmé.