Washington sanctionne des entreprises turques pour avoir «contribué à l'effort de guerre russe»

Un immeuble abritant les bureaux de la société de commerce de microélectronique Azu International, Istanbul, Turquie, 15 novembre 2022 (Photo, Reuters).
Un immeuble abritant les bureaux de la société de commerce de microélectronique Azu International, Istanbul, Turquie, 15 novembre 2022 (Photo, Reuters).
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Publié le Vendredi 14 avril 2023

Washington sanctionne des entreprises turques pour avoir «contribué à l'effort de guerre russe»

  • Selon un analyste, Biden cherche à remporter une victoire en matière de politique étrangère à l'approche des élections
  • L'Amérique reste «prudente quant à la possibilité d'affecter la stabilité d'un allié de l’Otan»

ANKARA: L'annonce récente par les États-Unis d’imposer des contrôles à l'exportation à plusieurs entreprises turques accusées de travailler avec la Russie a suscité un débat sur l'efficacité de ces sanctions et sur la question de savoir si Ankara, à l'approche des élections, devrait réagir d'une manière ou d'une autre pour protéger ses relations commerciales croissantes avec Moscou.

C'est la première fois que Washington impose des sanctions à l’encontre des entreprises turques pour avoir prétendument aidé la Russie à échapper aux sanctions. L'année dernière, la branche turque d'une société russe, appelée MMK, qui possédait deux installations sidérurgiques, a été sanctionnée par les États-Unis.

Le ministère américain du Commerce a déclaré mercredi qu'il avait imposé de nouveaux contrôles à l'exportation à 28 sociétés basées en Chine, en Turquie et dans d'autres pays pour avoir fourni aux industries militaires et de défense russes des articles d'origine américaine, en violation, selon lui, du régime de sanctions américain.

Parmi les entreprises sanctionnées figure Azu International, une société d'électronique basée en Turquie qui a été créée en mars 2022, peu après l'invasion de l'Ukraine, et qui aurait expédié à la Russie des technologies électroniques d'origine étrangère, notamment des puces électroniques.

Dexias Turkiye, une société basée en Turquie et dirigée par Alim Khazishmelovich Firov, figure également sur la liste des entreprises concernée par la décision américaine. Cette société aurait acheté des composants électroniques d'origine américaine en tant qu'intermédiaire pour Radioavtomatika, une société russe d'approvisionnement en matériel de défense.

Depuis février 2022, plus de 400 entités ont été ajoutées à la liste qui vise à restreindre «la capacité de la Russie à entretenir, réparer et réapprovisionner son armement», a indiqué le ministère américain du Commerce en février.

«Alors que le Kremlin cherche à contourner les sanctions multilatérales étendues et les contrôles à l'exportation imposés à la Russie pour sa guerre contre l'Ukraine, les États-Unis et leurs alliés et partenaires continueront à démanteler les systèmes d'évasion qui soutiennent Poutine sur le champ de bataille», a averti Brian E. Nelson, sous-secrétaire d'État au Trésor chargé du terrorisme et du renseignement financier.

«Les mesures d'aujourd'hui soulignent notre détermination à mettre en œuvre l'engagement du G7 d'imposer des coûts sévères aux acteurs des pays tiers qui soutiennent la guerre de la Russie», a-t-il ajouté.

Cette décision coïncide également avec la dernière déclaration de James O'Brien, chef du bureau de coordination des sanctions du département d'État américain, qui a averti que la Turquie s'était engagée à interdire la réexportation de marchandises occidentales sanctionnées pour contribuer aux efforts de guerre de la Russie.

Soner Cagaptay, directeur du programme de recherche sur la Turquie à l'Institut de Washington pour la politique du Proche-Orient, croit que ce n'est qu'un début et que des mesures américaines plus sévères à l'encontre des entreprises turques pourraient suivre.

«Dans la période à venir, les sanctions américaines cibleront encore plus durement plusieurs entreprises qui font des affaires avec la Russie», a-t-il affirmé à Arab News.

«Il s'agit de la politique de l'administration Biden avant les élections américaines, qui vise à obtenir une victoire en matière de politique étrangère et qui exige que ces sanctions soient réellement efficaces», a-t-il signalé.

«Jusqu'à présent, le gouvernement américain a suivi la voie de la conformité en passant par les entreprises. Peut-être que cette dernière mesure vient doubler ces efforts», a ajouté Cagaptay.

Conformément à cet avertissement, le gouvernement turc a récemment fourni aux entreprises locales du secteur des métaux ferreux et non ferreux une liste de marchandises étrangères qu'il est interdit d'envoyer en Russie. En outre, Ankara a également donné des garanties verbales à la Commission européenne que les marchandises sanctionnées ne transiteraient pas vers la Russie à partir du 1er mars, afin de se conformer aux sanctions occidentales.

Toutefois, des experts ont mis en garde contre l'impact négatif de ces sanctions sur la Turquie, membre de l'Otan, et ses répercussions sur la communauté internationale.

Selon Cagaptay, le gouvernement américain agit également avec prudence et ne souhaite pas interférer avec la stabilité économique et la politique de la Turquie en cette période critique.

«Mais ce n'est que la partie visible de l'iceberg. Après les élections, Washington exigera des entreprises turques de ne pas faire de commerce avec la Russie, ce qui aura certainement un impact sur le volume des échanges commerciaux entre la Turquie et la Russie», a-t-il expliqué.

La Russie reste l'un des principaux partenaires de la Turquie. Les échanges commerciaux entre les deux pays ont augmenté l'année dernière, alors que la Turquie avait désespérément besoin de recettes en devises à cause de la crise monétaire.

Le commerce entre la Turquie et la Russie a augmenté depuis l'invasion de l'Ukraine malgré les sanctions occidentales, des centaines d'entreprises russes ayant ouvert des succursales en Turquie – un paradis financier pour les Russes – afin de contourner les sanctions.

Le volume des échanges entre les deux pays a atteint 68,2 milliards de dollars (1 dollar = 0,91 euro) l'année dernière. En mars, les exportations de la Turquie vers la Russie ont augmenté de 285% pour atteindre 1,1 milliard de dollars.

Sinan Ulgen, directeur du groupe de réflexion Edam à Istanbul, estime que les sanctions américaines récemment annoncées à l'encontre de ces entreprises turques montrent que le régime de sanctions adopté par Washington peut également avoir des conséquences pour un allié de l'Otan comme la Turquie.

«Mais nous devons essentiellement mettre cette mesure dans son contexte. Toutes les exportations turques vers la Russie ne seront pas affectées par cette mesure», a-t-il souligné à Arab News.

«Les entités sanctionnées ont été reconnues en violation des sanctions américaines pour une série de produits technologiques critiques. Il s'agit en effet d'un sujet de préoccupation pour les responsables politiques américains, étant donné que ces produits sont considérés comme contribuant à l'effort de guerre russe», a-t-il précisé.

Mais en même temps, cette mesure démontre que la réexportation de certains produits technologiques critiques suscite effectivement des inquiétudes, a ajouté Ulgen.

«C'est sur cette question que la pression sur la Turquie sera probablement maintenue, seulement pour cette gamme spécifique de produits», a-t-il clarifié.

Selon Ulgen, il y a jusqu'à présent eu un modus vivendi entre les autorités turques et américaines sur la mise en œuvre des sanctions.

«La Turquie s'est montrée très prudente en ne franchissant pas certaines lignes rouges critiques fixées par le régime des sanctions», a-t-il jugé.

«Dans le passé, par exemple, lorsque des plaintes claires ont émergé concernant le système de paiement russe Mir, un système bancaire turc acceptant des transactions via des cartes de crédit russes, la Turquie s'est finalement retirée de ce système», a-t-il déclaré.

«Il existe une bonne collaboration entre les autorités turques et américaines en ce qui concerne les sanctions et cette collaboration se poursuivra», a ajouté Ulgen.

«Je suis convaincu que les deux parties ne souhaitent pas se retrouver dans un environnement plus conflictuel qui nuirait aux relations politiques et aux intérêts économiques de la Turquie», a soutenu Ulgen.

 

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com

 


Dans Gaza affamée, des Palestiniens se rabattent sur la viande de tortue

(Photo AFP)
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  • Faute de mieux, c'est la troisième fois que cette Palestinienne de 61 ans prépare un repas à base de tortue pour sa famille déplacée, qui vit aujourd'hui sous une tente à Khan Younès, dans le sud de la bande de Gaza.
  • « La famine n'est pas seulement un risque, mais elle semble se développer rapidement dans presque toutes les régions de Gaza », a averti un collectif d'ONG internationales cette semaine.

KHAN YOUNES, TERROIRES PALESTINIENS : Dans une bande de Gaza où les protéines sont rares, certains se résignent à manger des tortues marines.

« Les enfants étaient réticents, on leur a dit que c'était aussi délicieux que du veau », explique Majida Qanan, qui surveille les morceaux de viande rouge mijotant sur un feu de bois.

« Certains en ont mangé, d'autres pas. »

Faute de mieux, c'est la troisième fois que cette Palestinienne de 61 ans prépare un repas à base de tortue pour sa famille déplacée, qui vit aujourd'hui sous une tente à Khan Younès, dans le sud de la bande de Gaza.

Depuis 18 mois de guerre dévastatrice entre Israël et le mouvement islamiste Hamas, le territoire et ses 2,4 millions d'habitants se trouvent dans une situation humanitaire critique.

« La famine n'est pas seulement un risque, mais elle semble se développer rapidement dans presque toutes les régions de Gaza », a averti un collectif d'ONG internationales cette semaine.

Depuis le 2 mars, Israël bloque toute livraison humanitaire, accusant le Hamas de détourner l'aide. Le mouvement palestinien dément ces accusations et accuse en retour Israël d'utiliser « la famine comme arme de guerre ».

Selon le Bureau des affaires humanitaires de l'ONU (OCHA), la bande de Gaza est aujourd'hui probablement plongée dans « la pire » situation humanitaire depuis le début de la guerre déclenchée le 7 octobre 2023 par une attaque sans précédent du Hamas contre Israël.

En juin dernier, les acteurs du secteur humanitaire avaient évoqué des Palestiniens si démunis qu'ils en étaient parfois réduits à se nourrir d'aliments pour animaux ou d'herbe, et à boire l'eau des égouts.

Entretemps, une trêve, entrée en vigueur le 19 janvier, a permis d'augmenter les livraisons humanitaires, jusqu'au nouveau blocage israélien du 18 mars, suivi de la reprise de ses opérations militaires.

Les tortues, elles, sont tuées selon les rites halal, c'est-à-dire conformément aux préceptes de la religion musulmane, affirme Abdul Halim Qanan.

« S'il n'y avait pas de famine, on n'en mangerait pas, mais il faut bien compenser le manque de protéines avec quelque chose ».


Le président syrien reçoit un membre républicain du Congrès américain

Le président Al-Sharaa rencontre Cory Mills, membre du Congrès américain, à Damas. (Courtesy : SANA)
Le président Al-Sharaa rencontre Cory Mills, membre du Congrès américain, à Damas. (Courtesy : SANA)
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  • En janvier, les États-Unis ont annoncé un allègement temporaire des sanctions pour « ne pas entraver » la fourniture de services essentiels à la population syrienne. Ils ont cependant précisé qu'ils n'envisageraient pas d'assouplir davantage les sanctions
  • C'est la première visite du genre pour un élu américain depuis la chute de Bachar al-Assad en décembre.

DAMAS : Le président syrien par intérim, Ahmad al-Chareh, s'est entretenu à Damas avec un membre du Congrès américain, a indiqué samedi la présidence syrienne, ce qui constitue la première visite du genre pour un élu américain depuis la chute de Bachar al-Assad en décembre.

Cory Mills, membre du parti républicain, est arrivé vendredi en Syrie, accompagné de Marlin Stutzman, également membre du parti de Donald Trump.

Le nouveau président a rencontré M. Mills au palais présidentiel à Damas en présence de son ministre des Affaires étrangères, Assaad al-Chaibani, a indiqué la présidence dans un communiqué.

Le président syrien par intérim, Ahmad al-Chareh, s'est entretenu à Damas avec un membre du Congrès américain, a indiqué samedi la présidence syrienne, ce qui constitue la première visite du genre pour un élu américain depuis la chute de Bachar al-Assad en décembre.

Cory Mills, membre du parti républicain, est arrivé vendredi en Syrie, accompagné de Marlin Stutzman, également membre du parti de Donald Trump.

Le nouveau président a rencontré M. Mills au palais présidentiel à Damas en présence de son ministre des Affaires étrangères, Assaad al-Chaibani, a indiqué la présidence dans un communiqué.

Peu après l'arrivée d'Ahmed Chareh, Washington avait annoncé ne plus proposer de récompense pour son arrestation, après avoir reçu des « messages positifs » lors de la première visite officielle de diplomates américains à Damas après l'éviction de M. Assad.

Le nouveau gouvernement syrien cherche à obtenir une levée des sanctions internationales imposées à l'époque de Bachar al-Assad afin de relancer l'économie du pays, exsangue après 14 années de guerre civile.

Toutefois, certains pays souhaitent attendre de voir si les nouvelles autorités vont respecter les droits humains. 

En janvier, les États-Unis ont annoncé un allègement temporaire des sanctions pour « ne pas entraver » la fourniture de services essentiels à la population syrienne. Ils ont cependant précisé qu'ils n'envisageraient pas d'assouplir davantage les sanctions tant que des progrès sur des priorités telles que la lutte contre le « terrorisme » n'auront pas été constatés.

Les sanctions économiques ont un impact lourd sur le pays, où 90 % des Syriens vivent sous le seuil de pauvreté, selon l'ONU.

Une délégation ministérielle syrienne et le gouverneur de la Banque centrale doivent participer à des réunions avec le Fonds monétaire international et la Banque mondiale à Washington la semaine prochaine, ont récemment indiqué deux sources proches des participants.

La visite des deux élus américains intervient alors que les États-Unis ont annoncé le retrait prochain d'environ un millier de soldats américains déployés en Syrie pour lutter contre les jihadistes.

Washington a également mis en garde le même jour contre le risque d'attaques « imminentes » en Syrie, selon un message diffusé sur le site de l'ambassade américaine, fermée depuis 2012.


Les États-Unis annoncent réduire de moitié leurs effectifs militaires en Syrie

Les États-Unis ont commencé à retirer des centaines de soldats du nord-est de la Syrie, a rapporté le New York Times jeudi. (AFP/File)
Les États-Unis ont commencé à retirer des centaines de soldats du nord-est de la Syrie, a rapporté le New York Times jeudi. (AFP/File)
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  • Cette décision intervient près de trois mois après l'arrivée au pouvoir de Donald Trump, qui est défavorable depuis longtemps à la présence américaine sur place et prône un retour à une politique isolationniste des États-Unis.
  • La présence américaine en Syrie va être ramenée « à moins d'un millier de soldats dans les mois prochains », sur environ 2 000 actuellement, a déclaré Sean Parnell, le porte-parole du Pentagone, dans un communiqué.

WASHINGTON : Les États-Unis ont annoncé vendredi qu'ils allaient réduire de moitié leur présence militaire en Syrie, estimant avoir lutté avec « succès » contre le groupe État islamique (EI), même si des groupes djihadistes demeurent actifs dans un pays encore fragile.

Cette décision intervient près de trois mois après l'arrivée au pouvoir de Donald Trump, qui est défavorable depuis longtemps à la présence américaine sur place et prône un retour à une politique isolationniste des États-Unis.

Les États-Unis sont présents sur le sol syrien depuis des années, notamment dans le cadre de la coalition internationale contre l'EI.

La présence américaine en Syrie va être ramenée « à moins d'un millier de soldats dans les mois prochains », sur environ 2 000 actuellement, a déclaré Sean Parnell, le porte-parole du Pentagone, dans un communiqué.

« Cette consolidation démontre les progrès considérables réalisés pour réduire l'attrait et les capacités opérationnelles du groupe Etat islamique, tant dans la région que dans le monde », a-t-il dit, évoquant plus globalement « le succès des États-Unis contre l'EI ».

Arrivé au pouvoir à Washington le 20 janvier, Donald Trump est depuis longtemps sceptique sur la présence militaire en Syrie. Et la chute fin décembre de Bachar al-Assad, remplacé à la tête du pays par une coalition menée par des islamistes, n'a pas changé la donne.

La prise de contrôle de pans entiers de la Syrie et de l'Irak par l'EI à partir de 2014 a déclenché l'intervention d'une coalition internationale menée par les États-Unis, dont l'objectif principal était de soutenir les unités de l'armée irakienne et les Kurdes qui combattaient l'EI au sol par les airs.

Mais Washington a alors aussi déployé des milliers de ses soldats pour soutenir ces troupes locales et mener ses propres opérations militaires.
« L'armée américaine va rester prête à mener des frappes contre ce qu'il reste de l'EI en Syrie », a déclaré vendredi le porte-parole du Pentagone, qui dit maintenir « des capacités importantes dans la région ».

Les États-Unis disposent actuellement d'environ 2 500 soldats en Irak, un chiffre appelé à diminuer.

La sécurité en Syrie reste précaire depuis la chute de Bachar al-Assad, après près de 14 ans d'une guerre déclenchée par la répression violente de manifestations antigouvernementales en 2011.

À la tête de forces de sécurité dominées par d'anciens rebelles islamistes, les autorités syriennes de transition ont la lourde tâche de maintenir la sécurité dans un pays multiethnique et multiconfessionnel où de nombreux groupes armés, parmi lesquels des djihadistes, sont encore présents.