PARIS : Le tribunal correctionnel de Paris a commencé mardi à examiner le fond de l'affaire dite des «écoutes», qui vaut à l'ancien président Nicolas Sarkozy un procès pour corruption et trafic d'influence, au lendemain de rugueux débats procéduraux.
Saisi d'une demande d'annulation de toute la procédure, le tribunal a «joint l'ensemble des exceptions et incidents au fond» et statuera donc sur ces questions de procédure en rendant son jugement, a expliqué la présidente Christine Mée.
Le tribunal a débuté l'examen du fond du dossier et va entendre dans l'après-midi un premier témoin, le magistrat Patrick Sassoust.
Dans l'affaire des «écoutes», Nicolas Sarkozy, 65 ans, est soupçonné d'avoir, avec son avocat Thierry Herzog, tenté de corrompre l'ex-haut magistrat Gilbert Azibert, alors en poste à la Cour de cassation.
Selon l'accusation, Nicolas Sarkozy cherchait à obtenir des informations couvertes par le secret, voire à peser sur une procédure engagée devant la haute juridiction liée à l'affaire Bettencourt dans laquelle il avait obtenu un non-lieu fin 2013.
En contrepartie, il est accusé d'avoir promis un «coup de pouce» à Gilbert Azibert pour un poste de prestige convoité par ce dernier à Monaco, mais qu'il n'a jamais obtenu.
Les trois hommes, qui encourent dix ans d'emprisonnement et un million d'euros d'amende, contestent toute infraction.
L'affaire est née d'écoutes téléphoniques interceptées dans un autre dossier judiciaire visant Nicolas Sarkozy, celui de soupçons de financement libyen de sa campagne présidentielle de 2007.
Partie civile
Dans ces investigations, les juges ont découvert en 2014 l'existence d'une ligne téléphonique officieuse entre l'ancien président et son avocat Thierry Herzog, ouverte sous le nom de «Paul Bismuth».
Lundi, lors du réel démarrage de ce procès sans précédent, la défense a torpillé l'affaire dans l'affaire, une enquête préliminaire du parquet national financier (PNF) qui visait à chercher la taupe ayant pu informer MM. Sarkozy et Herzog que la ligne «Bismuth» était sur écoute.
Lors de cette enquête, classée sans suite près de six ans après son ouverture, les fadettes de nombreux avocats - dont trois se trouvent sur les bancs de la défense au procès de l'ex-président - ont été épluchées.
La défense a accusé le PNF d'avoir délibérément «caché» cette enquête «parallèle» qui a, selon les conseils des prévenus, «entaché toute la procédure». «Aucun texte n'imposait au ministère public de communiquer cette enquête», a rétorqué l'un des procureurs financiers, ironisant sur «l'esprit de complotisme» de la défense.
Avant de faire un rappel des faits à la reprise mardi, la présidente du tribunal a informé des constitutions de deux parties civiles, celles de l'avocat Frédérik-Karel Canoy et d'un de ses clients.
Me Canoy s'était déjà constitué partie civile à l'ouverture du procès le 23 septembre, pour Paul Bismuth, une connaissance de lycée de Me Herzog, et dont l'identité a été empruntée dans cette affaire. M. Bismuth s'était finalement désisté.
«On voit bien que M. Canoy cherche désespérément une partie civile à représenter», a raillé l'un des avocats de Thierry Herzog, Me Paul-Albert Iweins, qualifiant cette constitution de «grotesque».
M. Sarkozy doit être interrogé lundi prochain sur les faits. Le réquisitoire du PNF est lui attendu mardi. Fin du procès prévue le 10 décembre.