Kherson: Le patrimoine culturel de l'Ukraine a été victime de la guerre

Un portrait de Vladimir Lénine au musée d'art régional de Kherson (Photo, AN/Mykhaylo Palinchak).
Un portrait de Vladimir Lénine au musée d'art régional de Kherson (Photo, AN/Mykhaylo Palinchak).
Le père Ilya et des civils hissant un lustre tombé à cause des bombardements russes sur la cathédrale Sainte-Catherine de Kherson (Photo, Mykhaylo Palinchak).
Le père Ilya et des civils hissant un lustre tombé à cause des bombardements russes sur la cathédrale Sainte-Catherine de Kherson (Photo, Mykhaylo Palinchak).
Des cadres vidés de peintures des envahisseurs russes sont vus au musée de Kherson (Photo, Mykhaylo Palinchak).
Des cadres vidés de peintures des envahisseurs russes sont vus au musée de Kherson (Photo, Mykhaylo Palinchak).
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Publié le Samedi 08 avril 2023

Kherson: Le patrimoine culturel de l'Ukraine a été victime de la guerre

  • Les Ukrainiens affirment que des œuvres d'art, des sites patrimoniaux et même les ossements d'un chef militaire du XVIIIe siècle ont été pillés
  • Un responsable du musée d'art régional de Kherson accuse les Russes d'avoir volé 80% de la collection pendant l'occupation

KHERSON: Construit au début du XXe siècle, le musée d'art régional de Kherson se dresse fièrement au cœur de cette ville du sud de l'Ukraine. Avec son architecture grandiose et imposante, le bâtiment historique a servi tour à tour de salle du conseil municipal, de tribunal principal et même de banque publique.

En 1977, le bâtiment est devenu une galerie d'art, abritant environ 15 000 œuvres — l'une des plus grandes collections d'art du pays. Aujourd'hui, cependant, ses murs sont parsemés de notes de papier épinglées identifiant les nombreuses œuvres d'art pillées pendant l'occupation russe de la ville.

L'année dernière, les forces russes ont pris le contrôle de Kherson pendant huit mois. En novembre, à la suite d'une contre-offensive ukrainienne massive, elles ont été contraintes d'abandonner le territoire, mais pas sans avoir au préalable emporté des milliers d'objets de la collection du musée.

Selon un rapport de Human Rights Watch de décembre 2022, «pendant cette période d'occupation, et en particulier au cours des trois dernières semaines, les soldats russes et d'autres agents de l'État travaillant avec eux ont pillé le musée d'art régional de Kherson, le musée régional de Kherson, la cathédrale Sainte-Catherine et les archives nationales de la région de Kherson.»

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Igor Rusol, chef adjoint du musée d'art régional de Kherson, montre des parties du musée qui ont été vidées par des pillards d'art russes (Photo, Mykhaylo Palinchak).

Igor Rusol, directeur adjoint du musée d'art régional de Kherson, estime qu'environ 80% du contenu précieux de la collection a été volé par les occupants russes et expédié par camions entiers de l'autre côté de la frontière, en Russie.

«Les soldats russes ont obtenu l'aide de certains civils pour transporter les œuvres d'art», a-t-il révélé à Arab News. «Mais les civils n'avaient pas l'air bien. Ils semblaient drogués et étaient sans abri. Je ne pense pas qu'ils étaient conscients de la gravité de ce qu'ils faisaient.»

Rusol travaille au musée d'art depuis huit ans. «Cet endroit est mon âme», a-t-il indiqué. «Je suis resté pendant l'occupation, mais j'ai vu venir les pillages. Je m'y suis préparé mentalement, mais je reste écœuré par la situation.»

Le coût matériel des objets volés est estimé à des centaines de millions de dollars, mais Rusol a déclaré que c'est la signification culturelle de la perte qui lui importe le plus.

«Non seulement ils ont pillé des objets d’art, mais ils ont aussi volé les disques durs et les livres qui nous servaient d'archives», a-t-il signalé. «Heureusement, nous avions des sauvegardes et nous travaillons actuellement à la finalisation de la liste avec un bureau de la commission spéciale.»

Selon le ministère ukrainien de la Culture, au moins 580 sites culturels ont été endommagés ou détruits dans tout le pays depuis que la Russie a lancé ce qu'elle a appelé une «opération militaire spéciale» le 24 février 2022, destinée à «dénazifier» le gouvernement ukrainien.

Parmi ces sites, figurent 22 trésors archéologiques, 28 cimetières militaires, 42 quartiers historiques, 268 sites architecturaux et 19 œuvres d'art monumentales. Environ 1 322 objets de valeur culturelle ont été endommagés ou détruits.

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Les responsables du musée pensent que certains objets ont été pillés uniquement à des fins financières, tandis que d'autres étaient probablement destinés aux musées russes (Photo, Mykhaylo Palinchak).

Au 22 mars de cette année, l'Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO) avait confirmé que 248 sites ukrainiens avaient été endommagés depuis le début de la guerre, dont 107 sites religieux, 21 musées, 89 bâtiments d'intérêt historique ou artistique, 19 monuments et 12 bibliothèques.

Les collections du musée d'art régional de Kherson sont devenues vulnérables pendant l'occupation russe, lorsque le nombre d'employés en poste dans l'institution a été réduit, a mentionné Rusol. On pense que deux employés ayant des sympathies pro-russes ont collaboré avec les occupants et les ont conseillés sur ce qu'il fallait prendre. L'un des collaborateurs présumés a ensuite déménagé dans la Fédération de Russie et n'est jamais revenu. 

Rusol croit que certains objets ont été pillés dans un but purement financier, tandis que d'autres étaient probablement destinés à des musées russes.

EN BREF

  • La destruction délibérée du patrimoine culturel ainsi que le pillage et la contrebande d'objets sont considérés comme des crimes de guerre en vertu de la Convention de La Haye de 1954, dont la Russie et l'Ukraine sont toutes deux signataires.
  • Depuis le 24 février 2022, l'UNESCO a constaté des dommages sur 248 sites du patrimoine culturel ukrainien, dont 107 sites religieux, 21 musées, 89 bâtiments d'intérêt historique, 19 monuments et 12 bibliothèques.

Les autorités russes pourraient faire valoir que la décision de retirer les œuvres d'art et les objets anciens avait pour but de les protéger. En effet, lorsque les forces russes ont déclaré la loi martiale dans les territoires annexés de Kherson, Zaporizhzhia, Donetsk et Luhansk en septembre, les autorités ont été autorisées à «évacuer» les objets ayant une importance économique, sociale et culturelle. En octobre, l'agence de presse publique russe Ria Novosti a rapporté que deux statues de commandants historiques de la marine russe avaient été retirées de Kherson «parce qu'elles risquaient d'être endommagées par les bombardements ou les attaques terroristes des Ukronazis».

Alors qu'il faisait visiter le musée d'art à Arab News, Rusol a montré deux portraits de Vladimir Lénine, le leader révolutionnaire russe et fondateur de l'Union soviétique.

«N'est-il pas ironique qu'ils aient laissé ses portraits ici?», s’est- il demandé.

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Les pillards russes n'étaient pas intéressés par les portraits de Vladimir Lénine, fondateur de l'Union soviétique (Photo, Mykhaylo Palinchak).

Le musée d'art faisait l'objet de travaux de restauration avant l'invasion mais, comme on pouvait s'y attendre, le processus a été suspendu. Rusol pense qu'il faudra beaucoup de temps avant qu'ils ne reprennent.

«Tout d'abord, l'Ukraine doit gagner la guerre», a-t-il souligné. «Je ne crois pas que la restauration aura lieu de mon vivant. Des gens ont perdu leur maison, des villes entières ont été rasées.»

Il est persuadé que la guerre n'est pas près de se terminer.

«Les Russes sont imprévisibles et têtus», a estimé Rusol. «Ils continuent d'affirmer qu'il n'y a pas de guerre. Comment raisonner avec de telles personnes?»

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Un buste de Vladimir Lénine, fondateur de l'Union soviétique, figurait parmi ceux ignorés par les pillards (Photo, Mykhaylo Palinchak).

Il n'y a pas que les œuvres d'art précieuses qui ont été pillées à Kherson. À la cathédrale Sainte-Catherine, la tombe du célèbre homme d'État et commandant militaire russe du XVIIIe siècle, Grigori Potemkine, a été pillée et sa dépouille a été déplacée de l'autre côté de la rivière Dnipro, en territoire russe, avec une statue à son effigie.

Pour atteindre son lieu de repos et retirer sa dépouille, les occupants ont dû ouvrir une trappe au milieu du sol de l'église et descendre un petit escalier. Il semble que l'on n'ait guère essayé de dissimuler le vol.

«Cette église n'a pas été bien entretenue pendant l'ère soviétique», a déclaré le père Ilya, prêtre de la cathédrale, à Arab News.  «Nous l'avons restaurée après notre indépendance. Nous avons gardé la dépouille de Potemkine et maintenant ils l'ont profanée.»

Debout à côté de la tombe pillée de Potemkine, le père Ilya a ajouté: «Que l'on soit un prince ou un homme ordinaire, il ne faut pas déranger un cadavre. Nous avons pris soin de sa dépouille, nous avons mieux pris soin de l'histoire que les Russes.»

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Père Ilya debout près de la tombe de Potemkine dans la cathédrale Sainte-Catherine de Kherson (Photo, Mykhaylo Palinchak).

Conseiller de l'impératrice Catherine la Grande, Potemkine a joué un rôle essentiel dans l'annexion de la Crimée aux Ottomans en 1783. C'est pourquoi il est glorifié par les nationalistes russes. Le président Vladimir Poutine a même cité l'héritage de Potemkine pour justifier l'annexion de la Crimée par la Russie en 2014.

Lors d'un discours prononcé en septembre dernier à l'occasion de l'annexion de plusieurs autres territoires de l'est de l'Ukraine, Poutine a de nouveau mentionné Potemkine comme l'un des fondateurs de nombreuses villes de la région et il s’est référé à la région de Novorossiya, ou «Nouvelle Russie».

En 2021, avant l'invasion, Poutine a écrit un essai intitulé «Sur l'unité historique des Russes et des Ukrainiens» dans lequel il exprime sa conviction que les Russes et les Ukrainiens forment un seul peuple artificiellement divisé par les frontières et les étrangers.

La Russie est accusée de chercher, sur la base de cette notion contestée, à démanteler l'identité nationale ukrainienne, à réquisitionner ses objets culturels, à réécrire son histoire, à effacer les traditions locales et à incorporer son territoire dans la Fédération de Russie.

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Artefacts emballés dans la salle de stockage du musée d'art régional de Kherson (Photo, Mykhaylo Palinchak).

Anastasia Bondar, vice-ministre ukrainienne de la culture et de l'information, a qualifié la destruction et le pillage du patrimoine culturel de son pays, de crime de guerre.

«Nous allons porter l'affaire devant les tribunaux», a-t-elle affirmé à Arab News.

Il sera difficile d'identifier et de retrouver toutes les œuvres d'art et les objets disparus depuis l'invasion, a-t-elle admis, ajoutant: «Nous ne renoncerons pas à notre histoire et nous reprendrons ce qui nous appartient de droit.»

«Mais il y a plus que les objets d’art pillées. Les envahisseurs détruisent délibérément nos infrastructures et nos sites culturels; ils brûlent même nos livres», a-t-elle ajouté.

Interrogée sur la possibilité de protéger davantage les sites patrimoniaux et les collections avant l'arrivée des troupes russes, Bondar a indiqué qu'il n'y avait tout simplement pas assez de temps pour retirer tous les objets en toute sécurité.

«Nous n'avons pas été en mesure d'évacuer nos musées correctement car ce genre de processus prend du temps», a-t-elle déclaré. «Il existe des méthodes spéciales pour retirer adéquatement un objet ancien sans l'endommager.»

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Des cadres vidés de peintures Des pillards russes sont vus au musée de Kherson (Photo, Mykhaylo Palinchak).

L'Ukraine fait maintenant pression pour qu'un tribunal spécial soit créé afin de tenir la Russie responsable de son agression et de ses conséquences, notamment la destruction présumée du patrimoine culturel.

La destruction délibérée du patrimoine culturel ainsi que le pillage et la contrebande d'objets culturels sont considérés comme des crimes de guerre en vertu de la convention de La Haye de 1954, dont la Russie et l'Ukraine sont toutes deux signataires.

De retour au musée d'art régional de Kherson, où des cadres vides sont suspendus de manière poignante sur des murs en grande partie nus, Rusol reste déterminé, persuadé que la Russie ne parviendra pas à étouffer le sentiment d'identité nationale de l'Ukraine.

«Ils sont venus ici pour nous détruire, nous et notre culture», a-t-il soutenu. «Mais ils n'y parviendront jamais.»

 

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com

 


Cyberattaques : Berlin a rappelé «pour consultations» son ambassadeur en Russie

L'ambassadeur allemand en Russie, Alexander Graf Lambsdorff  (Photo, AFP).
L'ambassadeur allemand en Russie, Alexander Graf Lambsdorff (Photo, AFP).
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  • Une cyberattaque a notamment ciblé des adresses email de responsables du SPD, le parti social-démocrate du chancelier Olaf Scholz
  • Les pays occidentaux sont depuis le début de l'invasion russe en Ukraine, en février 2022, en alerte maximum contre le risque d'attaques informatiques massives

BERLIN: Berlin a indiqué lundi avoir rappelé pour consultations son ambassadeur en Russie, Alexander Graf Lambsdorff, après avoir accusé vendredi un groupe de hackeurs russes contrôlé par Moscou d'une récente campagne de cyberattaques.

L'ambassadeur "restera une semaine à Berlin puis retournera à Moscou", a indiqué lors d'un point presse régulier la porte-parole du ministère allemand des Affaires étrangères, Kathrin Deschauer, ajoutant que le gouvernement prenait "très au sérieux" cet "acte contre (notre) démocratie".

Les gouvernements allemand et tchèque ont accusé vendredi le groupe APT28, dirigé par les services de renseignement de la Russie, d'une récente campagne de cyberattaques dans leur pays respectif. Des accusations jugées "infondées" par la Russie.

Attaques ciblées 

Une cyberattaque a notamment ciblé des adresses email de responsables du SPD, le parti social-démocrate du chancelier Olaf Scholz, selon le gouvernement.

Berlin a annoncé vendredi la convocation du chargé d'affaires de l'ambassade de Russie, "pour faire comprendre au gouvernement russe que nous n'acceptons pas ces actions".

Les pays occidentaux sont depuis le début de l'invasion russe en Ukraine, en février 2022, en alerte maximum contre le risque d'attaques informatiques massives et d'opérations de désinformation orchestrées par la Russie.


Exercice américano-philippin contre une «invasion» en mer de Chine

Le président philippin Ferdinand Marcos Jr. a quant à lui assuré lundi que son pays n'entendait pas "faire monter la tension" en mer de Chine méridionale (Photo, Fournie).
Le président philippin Ferdinand Marcos Jr. a quant à lui assuré lundi que son pays n'entendait pas "faire monter la tension" en mer de Chine méridionale (Photo, Fournie).
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  • Ces incidents font craindre un conflit plus large qui pourrait impliquer les Etats-Unis, allié des Philippines
  • La semaine dernière, les forces américaines participant à Balikatan avaient tiré des roquettes de précision Himars depuis l'île occidentale de Palawan

LAOAG: Les troupes américaines et philippines ont tiré lundi des obus et des missiles sur une force d'"invasion" imaginaire pendant des exercices en mer de Chine méridionale, dans le nord des Philippines où les deux pays ont récemment accusé la Chine de "conduite dangereuse et déstabilisante".

Plus de 16.700 soldats américains et philippins participent à ces manoeuvres annuelles navales, terrestres et aériennes organisées jusqu'au 10 mai dans une zone où les incidents à répétition entre embarcations chinoises et philippines font craindre un conflit plus large.

Les soldats américains massés sur les dunes de la côte nord-ouest des Philippines, près de la ville de Laoag, à 400 kilomètres au sud de Taïwan, ont tiré plus de 50 obus de 155 millimètres sur des cibles flottantes à environ cinq kilomètres de la côte, ont constaté des journalistes de l'AFP.

Les troupes philippines ont enchaîné avec des tirs de roquettes vers les attaquants factices, avant que les deux forces ne finissent l'exercice avec des mitrailleuses, des missiles Javelin et d'autres salves d'artillerie.

Cet exercice à munitions réelles, baptisé "Balikatan" ("Epaule contre épaule" en tagalog, la langue philippine), vise à "se préparer au pire", a déclaré aux journalistes le commandant de la Première force expéditionnaire des Marines des Etats-Unis, Michael Cederholm.

"Il est conçu pour repousser une invasion", a-t-il ajouté sur le site de l'exercice, débuté le 22 avril dans plusieurs endroits des Philippines. "Notre flan nord-ouest est plus exposé", a détaillé à l'AFP le général philippin Marvin Licudine, dirigeant l'exercice pour la partie philippine. "A cause des problèmes régionaux, nous devons dès maintenant nous entraîner sur notre propre sol".

Pékin revendique la quasi-totalité de la mer de Chine méridionale, une importante route commerciale. Elle ignore un arbitrage international qui lui a donné tort en 2016, et y fait patrouiller des centaines de navires des garde-côtes et de la marine.

La semaine dernière, Manille a accusé les garde-côtes chinois d'avoir endommagé un bateau des garde-côtes philippins et un autre du bureau des pêches en tirant dessus au canon à eau près du récif de Scarborough, contrôlé par la Chine mais revendiqué par les Philippines.

Des exercices en forme de dissuasion 

Ces incidents font craindre un conflit plus large qui pourrait impliquer les Etats-Unis, allié des Philippines, et d'autres pays de la région, dans une période où la Chine renforce sa pression diplomatique et militaire autour de Taïwan.

La semaine dernière, les ministres de la Défense des Philippines, des Etats-Unis, du Japon et de l'Australie ont, à l'issue d'une réunion dans l'archipel américain d'Hawaï, publié un communiqué conjoint dénonçant la "conduite dangereuse et déstabilisante" de Pékin en mer de Chine méridionale.

"Les actions de la Chine dans les mers de Chine orientale et méridionale sont légitimes, légales et irréprochables", avait auparavant affirmé le 12 avril le ministère chinois des Affaires étrangères.

La semaine dernière, les forces américaines participant à Balikatan avaient tiré des roquettes de précision Himars depuis l'île occidentale de Palawan, face aux îles Spratleys également disputées.

Selon l'armée américaine, il s'agissait d'une répétition du déploiement rapide du système Himars sur les côtes philippines bordées par la mer de Chine méridionale afin de "sécuriser et de protéger le territoire, les eaux territoriales et les intérêts de la zone économique exclusive des Philippines".

"Les exercices militaires sont une forme de dissuasion", a déclaré le ministre philippin des Affaires étrangères, Enrique Manalo, dans un discours prononcé en son nom par un assistant lors d'un atelier public vendredi. "Plus nous simulons, moins nous agissons."

Le président philippin Ferdinand Marcos Jr. a quant à lui assuré lundi que son pays n'entendait pas "faire monter la tension" en mer de Chine méridionale.

"Nous ne suivrons pas les garde-côtes chinois et les navires chinois dans cette voie", a-t-il dit. "Nous n'avons pas l'intention d'attaquer qui que ce soit avec des canons à eau ou tout autre équipement offensif", a-t-il poursuivi, ajoutant que Manille continuera à utiliser exclusivement la voie diplomatique pour régler les différends avec Pékin.


La mésaventure d'un proviseur américain, cas d'école des dangers de l'IA

Les mots « Intelligence artificielle IA », miniature d’un robot et d’une main jouet sont représentés sur cette illustration prise le 14 décembre 2023 (Photo, Reuters).
Les mots « Intelligence artificielle IA », miniature d’un robot et d’une main jouet sont représentés sur cette illustration prise le 14 décembre 2023 (Photo, Reuters).
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  • Eric Eiswert, proviseur à Pikesville dans le Maryland, près de Washington, s'est retrouvé au coeur d'une violente polémique avec un enregistrement vocal
  • L'affaire, qui survient en pleine année électorale aux Etats-Unis, met en lumière la facilité avec laquelle les outils d'IA générative peuvent être employés pour nuire à tout un chacun

WASHINGTON: Après l'indignation provoquée dans un lycée américain par la diffusion de propos racistes attribués au proviseur, le vertige de découvrir que la bande sonore a été montée de toutes pièces. Cet épisode illustre les dangers d'une intelligence artificielle devenue accessible à tous.

Eric Eiswert, proviseur à Pikesville dans le Maryland, près de Washington, s'est retrouvé au coeur d'une violente polémique avec un enregistrement vocal -- qui se révélera un faux -- lui faisant prononcer des commentaires choquants contre des élèves juifs et des "enfants noirs ingrats".

L'affaire, qui survient en pleine année électorale aux Etats-Unis, met en lumière la facilité avec laquelle les outils d'IA générative peuvent être employés pour nuire à tout un chacun, et les difficultés auxquelles font face les autorités pour lutter contre de telles pratiques.

"Désormais, tout le monde est vulnérable", et non plus seulement les célébrités, alerte Hany Farid, professeur à l'Université de Californie à Berkeley (ouest).

"Il suffit d'une image pour ajouter une personne dans une vidéo, et 30 secondes d'audio pour cloner la voix de quelqu'un", poursuit le spécialiste en détection d'images et d'enregistrements manipulés numériquement, consulté par la police dans cette affaire.

Quand l'enregistrement fuite sur les réseaux sociaux en janvier, il devient rapidement viral. Une publication recueille des milliers de commentaires sur Instagram, et propulse l'école au coeur d'une polémique nationale.

Le militant des droits civiques DeRay McKesson réclame la démission du proviseur sur son compte X, suivi par près d'un million d'internautes. Il admettra s'être fait abuser.

Les messages haineux pleuvent sur les réseaux sociaux et les coups de fil menaçants se multiplient dans l'établissement. Le "monde serait meilleur si vous étiez sous terre", écrit ainsi un internaute au proviseur.

Ce dernier est placé en congés, son domicile mis sous protection. Contacté par l'AFP, il n'a pas répondu.

Vengeance 

"Je continue de m'inquiéter des dégâts provoqués par cette affaire", confie Billy Burke, directeur du syndicat représentant le proviseur.

Fin avril, Dazhon Darien, 31 ans, responsable sportif du lycée, a été arrêté par les autorités, accusé d'être à l'origine du faux. Les enquêteurs sont remontés jusqu'à lui grâce à l'adresse électronique qui a initialement partagé le fichier.

Il aurait agi pour se venger d'une enquête ouverte à son encontre par le proviseur sur des paiements suspects.

Le prévenu a mené des recherches sur des outils d'IA depuis le réseau informatique du lycée, selon l'acte d'accusation.

La bande sonore, selon l'analyse d'un expert consulté par la police, "contient des traces de contenu généré par l'IA, avec un montage humain a posteriori".

Cette affaire démontre la nécessité "d'adapter la loi aux avancées technologiques", a estimé le procureur local, Scott Shellenberger.

Les montages audio sont particulièrement difficiles à déceler. En janvier, un message diffusé par appels téléphoniques automatisés usurpant la voix du président Joe Biden incitait les électeurs démocrates de l'Etat du New Hampshire (nord-est) à s'abstenir lors des primaires pour du parti.

A Pikeville, l'affaire a secoué les habitants, "très proches les uns des autres", raconte Parker Bratton, l'entraîneur de golf du lycée.

"Il y a un seul président, mais il y a un million de proviseurs!", s'inquiète-t-il, "les gens se demandent +Que va-t-il m'arriver si quelqu'un décide tout simplement de détruire ma carrière?+".