En France, la douleur d'une fille de Harkis face à la tombe enfin retrouvée de sa soeur

Malika Tabti, pour la première fois, se retrouve face au cimetière de fortune d'enfants harkis où sa sœur alors bébé a été inhumée en 1963. (AFP)
Malika Tabti, pour la première fois, se retrouve face au cimetière de fortune d'enfants harkis où sa sœur alors bébé a été inhumée en 1963. (AFP)
Short Url
Publié le Vendredi 07 avril 2023

En France, la douleur d'une fille de Harkis face à la tombe enfin retrouvée de sa soeur

  • La famille Tabti a enfin une réponse sur le lieu d'inhumation de la petite Malika, décédée à un an et deux mois en février 1963
  • L'un des frères de Malika a raconté «les conditions dramatiques», dans la neige. «L'eau montait» alors que la petite tombe était creusée et le bébé déposé dans un linceul blanc

LAUDUN-L'ARDOISE: "Elle est enterrée ici, quelque part...", lâche en larmes Malika Tabti, qui pour la première fois se retrouve face au cimetière de fortune d'enfants harkis où sa sœur alors bébé a été inhumée en 1963, un lieu enfoui dans l'oubli depuis 60 ans et récemment révélé par des fouilles.

Son visage crispé d'une "immense tristesse", Malika, 59 ans, dépose doucement un bouquet de fleurs sur une allée de tombes de plusieurs dizaines de mètres, recouvertes de terre, et délimitées par des piquets où plusieurs peluches ont été accrochées.

Le 20 mars, ce cimetière de fortune de dizaines d'enfants morts dans des camps harkis voisins au début des années 60 est sorti de l'oubli, localisé sur un terrain militaire dans le Gard (sud-est) grâce à des fouilles de l'Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap).

Ces fouilles sans précédent ont été décidées par l'Etat français après la révélation de l'existence de ce cimetière dans une enquête de l'AFP en septembre 2020 et le travail inlassable d'associations locales.

Malika - prénommée comme sa sœur en hommage à sa mémoire - s'est recueillie jeudi au nom de sa famille, le souffle coupé par l'émotion, dans ce cimetière où reposent 31 personnes, dont 30 jeunes enfants.

Comme n'en croyant pas ses yeux, sa silhouette frêle arpente longuement l'allée de tombes de ce terrain vague, dont l'entrée est marquée d'un panneau "terrain militaire".

«Là où est le bouquet»

La famille Tabti a enfin une réponse sur le lieu d'inhumation de la petite Malika, décédée à un an et deux mois en février 1963, vraisemblablement de la rougeole, au camp de harkis de Saint-Maurice l'Ardoise tout proche.

"J'imagine qu'elle est peut-être enterrée là où est le bouquet de fleurs", montre Mme Tabti, secrétaire nationale du Secours populaire, une association humanitaire française.

Français musulmans majoritairement recrutés comme auxiliaires de l'armée française pendant la guerre d'indépendance algérienne (1954-1962), les harkis ont été abandonnés par la France à la fin du conflit.

Des dizaines de milliers d'entre eux et leurs familles, tels les parents de Malika, fuient des massacres de représailles, et sont parqués en France dans des "camps de transit et de reclassement" gérés par l'armée, aux conditions de vie déplorables, marquées par une surmortalité infantile.

Dans plusieurs régions de France, il y a 60 ans, des dizaines de bébés de familles harkies ont été enterrés sans sépulture décente par leurs proches ou des militaires, dans les camps ou à proximité, dans des champs.

Avec le temps, les lieux ont été abandonnés, et les familles relocalisées, après avoir enfoui au plus profond d'elles-mêmes ce passé.

L'un des frères de Malika, qui avait assisté à l'enterrement avec ses parents et "des militaires", lui a raconté "les conditions dramatiques", dans la neige. "L'eau montait" alors que la petite tombe était creusée et le bébé déposé dans un linceul blanc.

"60 ans après, j'ai beaucoup de peine... Je pense à mes parents", confie Mme Tabti.

Ils étaient paysans dans l'Ouest algérien. Durant la guerre, son père, Kouider, est devenu harki surtout par "opportunité économique", pour "avoir un revenu pour élever sa famille", même si il avait aussi "une certaine estime pour de Gaulle".

A la fin du conflit, il subit les représailles du FLN, torturé pendant plusieurs jours, les pieds "brûlés à la cigarette", obligé de marcher "sur des fils barbelés". "Toute sa vie il a souffert des pieds", se rappelle-t-elle. Il sera sauvé d'une mort certaine par un jeune lieutenant de l'armée française.

"La peur faisait partie de la vie de mes parents... ils étaient démunis, traumatisés par l'exil", poursuit-elle. "Ils n'étaient pas en capacité de demander des comptes" sur les conditions d'inhumation de Malika. "C'était inimaginable".

Sa famille a bien tenté dans les années 90 de retrouver le lieu, en vain. Mme Tabti avait demandé à rencontrer le commandant de l'époque de la base militaire, qui lui avait répliqué "qu'il n'y avait rien" à trouver, que "c'était un champ de manœuvre", raconte-t-elle.

Cimetière d'enfants harkis: «Il était temps de retrouver ces tombes, pour les familles»

L'historien Abderahmen Moumen, spécialiste de la guerre d'Algérie, a accueilli avec "une grande satisfaction" la récente découverte en France d'un cimetière de fortune d'enfants morts dans des camps harkis dans les années 60 et tombé dans l'oubli.

 

QUESTION: Vous aviez été missionné en 2015 par l'Office national des combattants et des victimes de guerre (ONaC-VG) pour retrouver le cimetière harki du camp de Rivesaltes, comment avez-vous réagi à la découverte de celui de Saint-Maurice l'Ardoise, 60 ans après ?

REPONSE - J'ai accueilli cette nouvelle avec une grande satisfaction, il était temps que finalement on arrive à trouver ces tombes. C'est salutaire, en premier lieu pour les familles. Elles ont besoin de réponses. Une des violences de la guerre d'Algérie jusqu'à nos jours c'est le fait de ne pas avoir de réponses, d'être toujours dans l'incertitude, ne pas savoir où est enterré tel membre de leur famille...

Il va y avoir du soulagement pour les familles qui ont conservé dans la mémoire familiale l'histoire du décès dans ces circonstances d'un enfant, cela va leur permettre de faire leur deuil. Néanmoins, pour certains dont les parents sont décédés et qui n'ont pas eu connaissance de la disparition d'un frère ou d'une sœur (dans ce camp) cela risque d'être un choc. Cela peut créer du traumatisme qui peut s'ajouter aux traumatismes de cette histoire qui pouvait être pesante et à cette chape de plomb qui existait autour de l'histoire des harkis.

Q - Comment expliquer la surmortalité infantile survenue au camp harki de Saint-Maurice l'Ardoise?

R - Le camp de Saint-Maurice l'Ardoise est, comme celui de Rivesaltes (sud), marqué par un taux de mortalité infantile important. Ouvert en octobre 62 et prévu à l'origine pour 400 personnes, il en accueille rapidement plus de 5.000, dont beaucoup de familles nombreuses, sous des tentes dans un premier temps. Selon mes estimations, 80% des décès étaient des enfants de moins de deux ans entre fin 1962 et la fin de l'hiver de 1963. Ils sont morts de maladie, de mort subite, d'anémie, de faiblesse et plusieurs étaient morts-nés.

Cela traduit le drame de cette arrivée traumatisante, brutale, violente, de ces familles dans les camps de harkis et dans des conditions chaotiques. Il y a une surmortalité infantile manifeste, liée aux conditions de vie dans les camps, au stress, aux séquelles des violences psychologiques qu'ont subies les femmes.

Q - Dans le cas de Saint-Maurice l'Ardoise, huit corps d'enfants ont été exhumés de ce cimetière de fortune en 1979, dans des conditions indéterminées et sans que l'on sache où sont les corps aujourd'hui. Y a-t-il eu des situations similaires dans d'autres camps ?

R - On a en effet des situations effroyables pour les familles. Je pense au cas du camp de Bourg-Lastic (dont le cimetière d'enfants harkis avait été préservé par l'armée, contrairement à d'autres, NDLR) où il y avait 16 enfants décédés, et n'ont été retrouvées que les tombes de 12 enfants. On ne sait pas où sont les autres tombes...

Au camp harki de Rivesaltes (sud) - où la zone du cimetière a été identifiée en 2017, mais pas les tombes, sur un terrain de l'ancien camp militaire, NDLR - il y a eu le déplacement de deux tombes dont on ne sait pas avec certitude où sont les corps... Idem pour le camp de Saint-Maurice l'Ardoise.

Ces situations sont une composante du scandale lié aux conditions d'accueil indignes des familles de harkis en 1962, pour lesquelles le président Macron a demandé pardon aux harkis en 2021, non seulement pour les avoir engagés durant la guerre d'Algérie puis de les avoir abandonnés mais aussi pour ces conditions d'accueil. Ces décès, dans les conditions dramatiques durant lesquelles ils sont survenus, et ce second abandon avec ces tombes laissées en déshérence, relèvent aussi d'un drame humain aux conséquences psychologiques et aux résurgences mémorielles encore très vives.

Symboles de l'abandon 

Mais 25 ans plus tard, en lisant un reportage de l'AFP de 2022 annonçant la décision des fouilles, Mme Tabti a eu un déclic. "Ca a été comme une libération, et le début d'une bataille".

Pour l'historienne et spécialiste de la guerre d'Algérie Fatima Besnaci-Lancou, elle-même fille de harkis, les corps de ces enfants "symbolisent l'abandon et le drame des harkis, et ce symbole touche à l'humanité même".

"Ces familles n'ont jamais oublié leurs enfants morts dans les camps, elles m'en ont toujours parlé", explique à l'AFP l'historienne, présidente du conseil scientifique du Mémorial du camp de Saint-Maurice l'Ardoise. Depuis le 20 mars, "ces enfants rentrent dans l'Histoire", selon elle.

A Saint-Maurice l'Ardoise, la tragédie s'est doublée d'un autre drame: un procès verbal de gendarmerie établi en 1979 - découvert dans des archives locales par Nadia Ghoufria, fille de harkis, et révélé au grand public par l'AFP en 2020 - atteste que les autorités de l'époque connaissaient l'existence de ce cimetière.

Mais elles ont alors délibérément décider de pas informer associations et familles.

"C'est scandaleux ! C'est une faute lourde de l'Etat", s'exclame Mme Tabti, dénonçant une volonté de "cacher" cette surmortalité infantile, alors que "plusieurs localités alentours disposaient de cimetières".

Elle demande désormais la "réhabilitation" de ce lieu, que "les familles puissent venir s'y recueillir". Elle veut "pouvoir identifier la tombe" de sa sœur par des tests ADN, et espère qu'un jour cette dernière "puisse reposer enfin en paix dans la tombe de notre mère" dans le Sud-Ouest.

Une douce lumière gagne le cimetière retrouvé en fin de journée. Malika Tabti confie ressentir "un peu d'apaisement d'avoir identifié le lieu", mais une souffrance l'étreint à l'évocation de sa mère, Fatna, disparue en avril 2018.

"Ma mère nous a toujours parlé du traumatisme de la perte de Malika, mais elle ne saura jamais que le cimetière a été retrouvé", souffle-t-elle.


Plusieurs centaines de personnes ont manifesté lors d'un rassemblement antifasciste à Paris

Short Url
  • Plusieurs centaines de personnes étaient rassemblées samedi après-midi à Paris contre le fascisme, après l'agression d'un homme à l'arme blanche devant une association culturelle turque la semaine passée.
  • « Nous sommes là car nous avons été attaqués. Nous sommes là pour montrer que Paris n'est pas à eux. Nous continuerons la lutte antifasciste et révolutionnaire », a lancé au micro un leader de Young Struggle.

PARIS : Plusieurs centaines de personnes étaient rassemblées samedi après-midi à Paris contre le fascisme, après l'agression d'un homme à l'arme blanche devant une association culturelle turque la semaine passée, pour laquelle six membres de l'ultradroite ont été inculpés, a constaté un journaliste de l'AFP.

« Paris, Paris, Antifa ! », « Pas de quartier pour les fachos, pas de fachos dans nos quartiers », « Nous sommes tous antifascistes », ont scandé les manifestants réunis place de la République. Un drapeau rouge « No pasaran » a été accroché sur un flanc de la statue, au centre de la place emblématique.

Ce rassemblement se tient six jours après l'agression à l'arme blanche d'un homme membre du collectif Young Struggle, qui se présente comme une « organisation de jeunesse socialiste » et adhérent au syndicat CGT. Il avait dû être hospitalisé quelques heures.

Dimanche dernier, « une vingtaine de personnes » appartenant à la mouvance d'ultradroite, « cagoulées et munies de tessons de bouteille » selon la préfecture de police, avaient pénétré dans la cour d'un immeuble où se situe une association culturelle de travailleurs immigrés de Turquie et agressé une personne avant de prendre la fuite.

Six jeunes hommes ont été inculpés pour violences volontaires aggravées. L'un d'eux, qui avait du sang sur ses vêtements et qui a reconnu sa participation, a été incarcéré.

« Nous sommes là car nous avons été attaqués. Nous sommes là pour montrer que Paris n'est pas à eux. Nous continuerons la lutte antifasciste et révolutionnaire », a lancé au micro un leader de Young Struggle, avant de faire siffler le nom de Bruno Retailleau, ministre français de l'Intérieur et connu pour ses positions très conservatrices.

« Partout, l'extrême droite se répand, encouragée par les saluts nazis de Elon Musk et Steve Bannon », a déclaré à sa suite Mathilde Panot, cheffe des députés du parti de gauche radicale LFI (La France Insoumise).

Steve Bannon, ancien conseiller de Donald Trump, a récemment été sous le feu des projecteurs pour un geste qualifié de salut nazi lors de la convention CPAC, la grand-messe des conservateurs américains près de Washington.

Il a brièvement tendu sa main en l'air après avoir déclaré devant les supporters de Donald Trump : « Nous n'allons pas reculer, nous n'allons pas capituler, nous n'allons pas abandonner. Luttez, luttez, luttez ! »

En janvier, le milliardaire Elon Musk, conseiller de Donald Trump, avait lui-même été épinglé pour un geste ambigu analogue.


Macron dira à Trump qu'entre alliés on ne peut pas "faire souffrir l'autre" avec des droits de douane

Le président français Emmanuel Macron (C) et la ministre française de l'Agriculture et de la Souveraineté alimentaire Annie Genevard (D) écoutent des artisans du cuir lors de la journée d'ouverture et de l'inauguration par le président français du 61e Salon international de l'agriculture au parc des expositions de la Porte de Versailles à Paris, le 22 février 2025. (AFP)
Le président français Emmanuel Macron (C) et la ministre française de l'Agriculture et de la Souveraineté alimentaire Annie Genevard (D) écoutent des artisans du cuir lors de la journée d'ouverture et de l'inauguration par le président français du 61e Salon international de l'agriculture au parc des expositions de la Porte de Versailles à Paris, le 22 février 2025. (AFP)
Short Url
  • "Entre alliés, on ne peut pas faire souffrir l'autre avec des tarifs" douaniers, a déclaré Emmanuel Macron samedi au premier jour de l'ouverture du Salon de l'agriculture à Paris
  • Depuis son retour à la Maison-Blanche, Donald Trump a annoncé la mise en place de droits de douane réciproques

PARIS: "Entre alliés, on ne peut pas faire souffrir l'autre avec des tarifs" douaniers, a déclaré Emmanuel Macron samedi au premier jour de l'ouverture du Salon de l'agriculture à Paris alors que Donald Trump menace d'imposer des droits de douane sur de multiples produits européens.

"Je vais (lui) en parler parce qu'on a besoin d'apaiser tout ça", a relevé le président français qui doit rencontrer son homologue américain lundi à Washington.

"La filière agricole et agroalimentaire (française), c'est une grande filière d'exportation, donc il faut la défendre pour la rendre encore plus compétitive", a-t-il ajouté.

Depuis son retour à la Maison-Blanche, Donald Trump a annoncé la mise en place de droits de douane réciproques, c'est-à-dire que les États-Unis appliqueront le même niveau de droits de douane sur les produits en provenance d'un pays que le niveau appliqué dans ce pays aux produits américains.

Il a également annoncé le retour de droits de douane sur l'acier et l'aluminium. Et, s'il a déjà visé le Canada, le Mexique et la Chine, il a régulièrement assuré que les pays européens étaient également menacés.

En France, les viticulteurs sont particulièrement inquiets d'un retour des droits de douane américains sur le cognac et le vin, qu'ils exportent en masse vers les États-Unis, d'autant que le cognac souffre déjà d'un différend commercial entre l'UE et la Chine, son premier marché en valeur.

"Je suis déterminé sur tous les sujets pour avoir un échange" avec Donald Trump, a encore dit Emmanuel Macron. "On partagera nos accords, nos désaccords et j'espère surtout qu'on trouvera des solutions sur la question de l'Ukraine".

Le président américain est reparti à la charge vendredi contre son homologue ukrainien. Tout en estimant que Volodymyr Zelensky et Vladimir Poutine allaient "devoir se parler", pour "mettre fin au massacre de millions de personnes", il a jugé que la présence de l'Ukrainien n'était "pas importante" dans des négociations avec la Russie.

Il a ciblé par ailleurs Emmanuel Macron, et Keir Starmer, qui n'ont selon lui "rien fait" pour mettre un terme à la guerre. Le Premier ministre britannique est attendu jeudi à Washington.


Au Salon de l'agriculture, Macron attendu au tournant

Une femme marche devant une affiche sur laquelle on peut lire "Fiers et unis avec nos agriculteurs" à la veille de l'ouverture du 61e Salon international de l'agriculture (SIA), au parc des expositions de la Porte de Versailles, à Paris, le 21 février 2025. (AFP)
Une femme marche devant une affiche sur laquelle on peut lire "Fiers et unis avec nos agriculteurs" à la veille de l'ouverture du 61e Salon international de l'agriculture (SIA), au parc des expositions de la Porte de Versailles, à Paris, le 21 février 2025. (AFP)
Short Url
  • Le 61e Salon de l'agriculture est inauguré samedi à Paris par Emmanuel Macron, attendu au tournant par des agriculteurs toujours remontés et par des organisateurs aux aguets après sa visite chaotique de l'an dernier
  • Plus de 600.000 visiteurs sont attendus sur les neuf jours du Salon

PARIS: Visites politiques encadrées et les vaches seront bien gardées? Le 61e Salon de l'agriculture est inauguré samedi à Paris par Emmanuel Macron, attendu au tournant par des agriculteurs toujours remontés et par des organisateurs aux aguets après sa visite chaotique de l'an dernier.

Pas d'incitation à chahuter cette année, mais des appels au calme ambivalents de la part des principaux syndicats agricoles, qui doivent être reçus l'un après l'autre en début de matinée avant la traditionnelle coupe de ruban et la déambulation présidentielle.

Plus de 600.000 visiteurs sont attendus sur les neuf jours du Salon, qui ouvre ses portes au public à 09H00. En 2024, des milliers de personnes avaient été bloquées à l'extérieur pendant plusieurs heures en raison de heurts entre manifestants et CRS en marge de la venue d'Emmanuel Macron, entre huées, insultes, bousculades et violences.

Sécurité renforcée, commissariat mobile, chartes pour encadrer les visites politiques... Les organisateurs sont sur les dents pour ne pas voir se répéter le scénario catastrophe de l'an dernier.

L'entourage d'Emmanuel Macron lui a conseillé d'éviter une visite marathon, à l'image des 13 heures de déambulation de 2024 parmi les plus de 1.400 exposants et 4.000 animaux accueillis chaque année.

"Le président sera très probablement pris à parti", a averti Arnaud Rousseau, président de la FNSEA, syndicat historique, qui l'attend sur les dossiers internationaux.

Cet automne, c'est l'opposition à l'accord de libre-échange UE-Mercosur qui a servi de cri de ralliement pour relancer les manifestations d'agriculteurs, qui dénoncent aussi les taxes douanières chinoises et craignent des mesures similaires de la nouvelle administration américaine.

"Je souhaite qu'il en parle à Donald Trump (...): arrêter les importations massives qui ne respectent pas nos normes, lever les contraintes qui nous empêchent d'être compétitifs", renchérit Pierrick Horel des Jeunes Agriculteurs, alliés de la FNSEA.

Pour Patrick Legras, porte-parole de la Coordination rurale, forte de sa percée aux élections professionnelles de janvier, "ça va être tendu". Selon lui, Emmanuel Macron va aussi avoir du mal à "expliquer qu'on négocie encore un accord pour importer du sucre ou du poulet d'Ukraine" — l'accord d'association UE-Ukraine, en cours de révision — évoquant des produits érigés en symboles d'une "concurrence déloyale".

Coutumière des actions coup de poing, la Coordination rurale a toutefois passé à ses sympathisants un message d'apaisement, dans l'espoir qu'Emmanuel Macron "aura vraiment quelque chose" à leur dire, selon sa président Véronique Le Floc'h.

- "Où sont les promesses?" -

Plus d'un an après la mobilisation qui avait bloqué routes et autoroutes, l'heure est au bilan des mesures obtenues par les agriculteurs qui réclament un revenu "décent", plus de considération et moins d'injonctions.

Pour le gouvernement, ses engagements ont été "honorés": "500 millions d'euros d'allégement de charges fiscales prévus dans le budget", "soutien à la trésorerie pour les agriculteurs en difficulté", "indemnisations à hauteur de 75 millions d'euros aux propriétaires du cheptel touché par les épizooties" ou encore "la mise en place du contrôle administratif unique en octobre dernier".

Surtout, deux jours avant le Salon, le Parlement a adopté la loi d'orientation agricole, attendue depuis trois ans par la profession. Ce texte érige l'agriculture au rang "d'intérêt général majeur", facilite les installations, la construction de bâtiments d'élevage et le stockage de l'eau, tout en dépénalisant certaines infractions environnementales.

"Un an après, où sont passés les prix plancher et ses promesses? Au Salon 2024, nous demandions des prix minimum garantis pour les producteurs: non seulement on n'a pas du tout avancé, mais la situation est pire aujourd'hui", s'indigne Laurence Marandola, porte-parole de la Confédération paysanne, troisième syndicat.

Elle estime que les demandes de l'alliance FNSEA-JA et de la CR ont été privilégiées, au détriment d'une "réelle transition agroécologique". Un argument repris par la gauche à propos de la loi d'orientation agricole.

Les personnalités politiques de tous bords devraient se succéder auprès de la vache limousine Oupette, égérie de l'édition 2025. Le Premier ministre François Bayrou est attendu lundi.

Malgré la volonté des organisateurs de limiter les visites à une journée pour chaque parti, Jordan Bardella (RN) a prévu de s'y rendre dimanche et lundi avec une délégation, comme en 2024, où les demandes de "selfies" avec le chef du parti d'extrême droite avaient contrasté avec la visite présidentielle.

En novembre, à la veille de nouvelles mobilisations paysannes, il s'était affiché dans le Lot-et-Garonne avec des cadres de la Coordination rurale, qui faisait campagne de son côté pour "dégager la FNSEA" des chambres d'agriculture.