WASHINGTON: "Pas de commentaire": Joe Biden veut rester à bonne distance des ennuis judiciaires de Donald Trump, conscient qu'il lui faudra manoeuvrer avec délicatesse s'il veut profiter politiquement de l'inculpation de son potentiel rival en 2024.
Le président américain, qui n'a pas officiellement lancé sa campagne, sait que tout commentaire pourrait nourrir l'argumentaire d'une instrumentalisation de la justice martelé par le milliardaire républicain.
Le démocrate de 80 ans veille aussi par son silence à ne pas brouiller l'image qu'il s'efforce de renvoyer: celle d'un chef d'Etat concentré sur sa tâche, qui est par exemple allé vendredi réconforter les habitants d'une ville dévastée par une tornade.
Avant son départ, Joe Biden s'était arrêté pour répondre aux journalistes qui l'attendaient sur les pelouses de la Maison Blanche.
Il aurait pu, comme souvent, grimper directement dans son hélicoptère. Mais il tenait à dire très clairement ... qu'il ne dirait rien.
"Je n'ai pas de commentaire", puis "je ne vais pas parler de l'inculpation de Trump", "je n'ai aucun commentaire à faire", et "je n'ai pas de commentaire sur Trump", a-t-il déclaré.
Pour la première fois de l'histoire, un ancien président américain va comparaître devant la justice, inculpé dans une affaire d'achat du silence d'une star du porno.
Split screen
Face à cette inculpation historique, la Maison Blanche "ne veut pas alimenter le débat politique", a analysé jeudi l'ancienne porte-parole du président démocrate, Jen Psaki, sur la chaîne MSNBC.
Joe Biden sait que tout commentaire de sa part donnerait du grain à moudre à Donald Trump, qui se dit victime de "persécution politique" de la part d'une justice instrumentalisée.
Le président américain, avec cette posture détachée, compte aussi sur un effet cinématographique de "split screen" (écran divisé).
Vendredi, l'ancien président républicain dénonçait une "chasse aux sorcières" depuis sa luxueuse résidence de Mar-a-Lago en Floride.
Joe Biden, lui, lunettes de soleil sur le nez et casquette marquée du sceau présidentiel sur la tête, a déambulé entre les maisons effondrées et les arbres dénudés à Rolling Fork (Mississippi, sud), ville dévastée par une tornade meurtrière.
Dans cette localité modeste et majoritairement afro-américaine, le président, endossant un rôle qu'il affectionne, a prodigué mots de réconfort et promesses d'aide à la reconstruction.
"Vous avez construit vos vies ici. Nous allons nous assurer que vous pourrez rester" a dit Joe Biden.
Lundi, le président américain se rendra dans le Minnesota (centre-nord), pour vanter ses succès économiques.
Pendant ce temps, les journalistes commenceront à affluer à New York pour commenter la comparution, attendue mardi, de Donald Trump avec prise d'empreintes et photographie à la clé - le "mugshot", cliché rarement flatteur imposé aux suspects aux Etats-Unis.
Indécis
L'inculpation de Donald Trump - qui ne lui interdit en rien de faire campagne ou de se présenter - peut avoir un effet de mobilisation dans son propre camp.
Or une victoire facile de l'ancien homme d'affaires à la primaire républicaine ne serait pas pour déplaire à Joe Biden.
Le démocrate de 80 ans se dit qu'il l'a battu une fois et qu'il peut donc le refaire. Il espère aussi que face à Donald Trump, 76 ans, la question de son âge soit moins handicapante.
"A la prochaine élection, je serais très chanceux si je me trouvais face au même homme", glissait le président démocrate il y a un an.
Un sondage récent de la faculté de droit de l'université Marquette donnait Joe Biden au coude à coude avec l'ancien président dans les intentions de vote, à 38% chacun.
Reste donc à savoir où iront les indépendants et les indécis.
Pour eux, Joe Biden a depuis des semaines déjà rodé un argumentaire sur le coût de la vie, sur la défense des systèmes d'assurance-santé et de minimum vieillesse - que les républicains veulent, selon lui, démanteler.
Une enquête de l'université Quinnipiac parue jeudi indique que 68% des Américains s'inquiètent pour leur niveau de vie après la retraite.