BRUXELLES: Le secrétaire général de l'Otan, Jens Stoltenberg, est impatient de hisser le drapeau de la Finlande au siège de l'Alliance après la ratification de son adhésion par la Turquie, et espère pouvoir accueillir la Suède "dès que possible".
Les deux pays nordiques ont demandé ensemble à adhérer à l'Otan après l'invasion de l'Ukraine par la Russie, mais la Turquie et la Hongrie bloquent encore l'entrée de la Suède.
"J'ai hâte de hisser le drapeau de la Finlande au siège de l'Otan dans les jours qui viennent", a tweeté vendredi Jens Stoltenberg avant la réunion des ministres des Affaires étrangères de l'Alliance prévue à Bruxelles les 4 et 5 avril.
"J'espère accueillir dès que possible la Suède en tant que membre à part entière de la famille de l'Otan", a-t-il ajouté.
Otan : ce qu'il faut savoir sur les candidatures de la Finlande et de la Suède
Après des décennies à l'écart des alliances militaires, la Finlande et la Suède ont annoncé leur candidature historique à l'Otan en mai dernier, du fait de leur inquiétude vis-à-vis de la Russie après l'invasion de l'Ukraine.
Jeudi, le Parlement turc a ratifié la candidature finlandaise, qui a ainsi le feu vert des 30 membres de l'Alliance atlantique et va pouvoir adhérer dans les prochains jours. La Suède, quant à elle, attend toujours les deux dernières ratifications d'Ankara et de Budapest, qui virent au chemin de croix diplomatique.
Un tournant historique
L'invasion de l'Ukraine le 24 février 2022 a marqué un tournant dans les opinions de ces deux pays nordiques, en particulier pour la Finlande qui partage avec la Russie une frontière de près de 1.300 kilomètres de long et un passé douloureux.
Alors que le soutien à une entrée dans l'Otan a été de 20 à 30% pendant près de deux décennies, 82% des Finlandais y sont désormais favorables, selon un sondage de février, tout comme plus de 60% de Suédois.
Turquie et Hongrie freinent l'adhésion
Malgré les "bras ouverts" du secrétaire général de l'Otan Jens Stoltenberg pour les accueillir, la voie vers une adhésion à l'Otan s'avère bien plus compliquée que prévu.
Dès mai dernier, le président turc Recep Tayyip Erdogan prévient que son pays ne prévoit pas d'y donner son feu vert, accusant ces deux Etats, et notamment la Suède, de servir de havre à des "terroristes" kurdes.
Un accord préliminaire est obtenu au sommet de l'Otan à Madrid en juin 2022 mais le veto turc revient vite.
Déjà compliquée par des extraditions que la justice suédoise refuse, la situation dégénère en crise diplomatique en janvier quand un extrémiste brûle un Coran près de l'ambassade de Turquie à Stockholm.
Après une suspension des négociations, le président Erdogan annonce mi-mars que la Turquie ne ratifiera que l'adhésion de la Finlande.
Parmi les 29 autres pays membres de l'Otan - qui doivent chacun impérativement apporter leur soutien -, un autre tarde à donner son accord : la Hongrie du Premier ministre nationaliste Viktor Orban.
Après des mois passés à décaler la date du vote, son parlement n'a ratifié que lundi l'entrée de la Finlande, la Suède devant suivre "plus tard".
La ratification turque obtenue jeudi, la Finlande n'a plus pour devenir membre de l'Otan qu'à attendre une invitation officielle du secrétaire général Jens Stoltenberg puis à envoyer ses "instruments de ratification" à Washington, où le traité constitutif de l'Alliance est conservé. Probablement la semaine prochaine, selon Helsinki.
Neutralité et non-alignement
Cédée par la Suède à la Russie en 1809 à la suite d'une lourde défaite militaire, la Finlande profite des troubles de la révolution bolchévique de 1917 pour proclamer son indépendance.
Envahie par l'Union soviétique en 1939, ce pays résiste vaillamment pendant les trois mois de la Guerre d'Hiver. Mais après la reprise du conflit en 1941 et l'opération Barbarossa, la Finlande, dans le camp des vaincus, est contrainte à un armistice en 1944.
Aux termes d'un traité "d'amitié" signé en 1948 sous la pression de Moscou, Helsinki accepte de demeurer en dehors de la coopération militaire occidentale, dans une forme de neutralité forcée restée sous le nom de "finlandisation".
Après la chute de l'Union soviétique, la Finlande et la Suède adhèrent à l'Union européenne (1995) et au Partenariat pour la paix de l'Otan mais continuent d'être officiellement non-alignées en matière de défense.
Si elle a participé à des missions militaires en Afghanistan ou au Mali, la Suède n'a pas été en guerre depuis un conflit en 1814 avec la Norvège.
Des budgets militaires à la relance
Pendant la Guerre froide, Suède et Finlande consacrent d'importants moyens (4 à 5% de leur PIB) à leurs armées, conséquence de leur absence d'alliés.
Avec la disparition de la menace soviétique, toutes deux réduisent leurs crédits mais la Finlande maintient un recours massif aux réservistes.
Avec ses 5,5 millions d'habitants, ce pays peut ainsi compter sur une armée en temps de guerre de 280.000 soldats aptes au combat, une force exceptionnelle pour une nation européenne.
La Suède a, quant à elle, davantage désinvesti, ses dépenses militaires passant de 2,6% du PIB en 1990 à 1,2% en 2020. Mais ce royaume a inversé la tendance depuis l'annexion de la Crimée par la Russie en 2014.
Le service militaire obligatoire, supprimé en 2010, a été en partie réintroduit en 2017.
Les deux pays ont annoncé d'importants investissements militaires depuis le début de la guerre en Ukraine et sont considérés par l'Otan comme un renfort massif pour son flanc nord-est.
Le président turc Recep Tayyip Erdogan doit encore promulguer l'accord donné jeudi par le Parlement turc à l'adhésion de Finlande, mais tout est prêt au siège de l'Alliance pour hisser les couleurs de la Finlande aux côtés de celles des 30 autres membres de l'Otan.
"La Finlande rejoindra officiellement notre Alliance dans les prochains jours. Son adhésion rendra la Finlande plus sûre et l’Otan plus forte", a déclaré Jens Stoltenberg.
"La Finlande dispose de forces très compétentes, de capacités avancées et d'institutions démocratiques fortes. Elle apportera donc beaucoup à notre Alliance", a-t-il ajouté.
La Finlande et la Suède ont annoncé d'importants investissements militaires depuis le début de la guerre en Ukraine et sont considérés par l'Otan comme un renfort massif pour son flanc nord-est.