A Paris, les touristes partagés entre soutien et critique des manifestants

Des manifestants se rassemblent sur la place de la Bastille pour participer à une manifestation une semaine après que le gouvernement a fait passer une réforme des retraites au parlement sans vote, en utilisant l'article 49.3 de la constitution, à Paris le 23 mars 2023. (Photo par Thomas Samson / AFP)
Des manifestants se rassemblent sur la place de la Bastille pour participer à une manifestation une semaine après que le gouvernement a fait passer une réforme des retraites au parlement sans vote, en utilisant l'article 49.3 de la constitution, à Paris le 23 mars 2023. (Photo par Thomas Samson / AFP)
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Publié le Samedi 25 mars 2023

A Paris, les touristes partagés entre soutien et critique des manifestants

  • Les rassemblements prennent parfois des touristes au dépourvu
  • Près de la cathédrale Notre-Dame, des tas d'immondices s'immiscent dans les photos de vacances, après deux semaines et demi d'une grève des éboueurs

PARIS : Résidus de déchets brûlés, abribus détruits, bris de verre au sol, forces policières omniprésentes... les touristes visitant Paris ne peuvent ignorer la contestation parfois violente agitant la France, qu'ils soutiennent ou non la réforme des retraites voulue par le président Macron.

En bas de Montmartre, colline très fréquentée que surplombe la spectaculaire église du Sacré-Coeur, un alignement de fourgonnettes bleues et de nombreux gendarmes rappelaient vendredi soir combien la situation pouvait se tendre subitement dans un quartier jusqu'ici largement épargné par la mobilisation.

Un moment politique que n'apprécie que modérément Judith Jonker, 67 ans, venue justement en France pour célébrer la fin de sa vie active.

«Nous avons besoin de changement, nous vieillissons et il faut bien que l'on paye les retraites», explique cette Néerlandaise à l'AFP, reprenant les arguments avancés par l'exécutif français. «Je comprends la position de votre gouvernement», poursuit-elle, accompagnée de ses soeurs et de sa mère.

Même son de cloche pour sa compatriote Miranda Palthe, 51 ans, rencontrée sur le pont Alexandre III, bel ouvrage enjambant le fleuve Seine, à la vue saisissante sur la tour Eiffel: «En Hollande, ils ont aussi changé la loi. (...) Nous l'avons simplement accepté», observe-t-elle.

Et cette professeure d'université à Amsterdam de remarquer : «Je prendrai ma retraite à 67 ans et demi», alors que l'impopulaire réforme récemment adoptée en France fait reculer l'âge de départ de 62 à 64 ans.

Mais l'exécutif, qui savait ne pouvoir compter à l'Assemblée nationale sur une majorité, malgré des mois de concertations, s'est finalement dispensé du vote des parlementaires, en utilisant une disposition constitutionnelle vue par beaucoup comme un «déni de démocratie».

Jeudi, plus d'un million de personnes, selon les autorités, 3,5 millions selon le syndicat CGT, ont donc manifesté partout en France contre le coup de force du gouvernement. La colère était palpable parmi les protestataires, avec beaucoup de ressentiment vis-à-vis du chef de l'Etat.

A Paris, ils étaient 119.000 selon les autorités, près de sept fois plus pour la CGT. Longtemps pacifique, l'avant du cortège a connu en fin d'après-midi une éruption de violence, comme dans d'autres villes françaises, avec des pavés, des bouteilles et des feux d'artifice lancés sur les forces de l'ordre.

- 'Paris, soulève-toi' -

Un feu a ensuite été allumé sur la place de la République, lieu traditionnel de rassemblements politiques, au cri de «Paris! Debout! Soulève-toi!». «Les gens n'ont plus peurde rien», indiquait alors Igor, un manifestant de 27 ans, de toutes les marches depuis deux mois, officielles ou spontanées.

Des rassemblements qui prennent parfois des touristes au dépourvu. Tels ces deux adolescents autrichiens en voyage scolaire, interpellés jeudi dernier alors qu'ils tentaient de rejoindre leur famille d'accueil, rapporte le journal français Libération. Ils ont finalement passé la nuit en garde-à-vue avant que leur ambassade n'intervienne.

Rien de tout ceci n'est heureusement arrivé à James Stevens, un consultant britannique de 29 ans, qui qualifie d'«affreuse» l'attitude du gouvernement français.

«Bien sûr qu'il faut bien trouver de l'argent pour payer les pensions», estime-t-il. Mais «le fait que le président ait pris cette décision sans le soutien (...) du peuple est quelque chose d'insensé.»

Près de la cathédrale Notre-Dame, des tas d'immondices s'immiscent dans les photos de vacances, après deux semaines et demi d'une grève des éboueurs. Des milliers de tonnes d'immondices jonchent les rues de la Ville lumière, première destination touristique au monde.

Violetta Lozyuk, une Ukrainienne célébrant son anniversaire à Paris, reste toutefois optimiste : «Ils vont trouver une solution et (...) Paris redeviendra propre et belle comme les gens l'aiment».

Reza Sabouhi, 40 ans, un guide touristique iranien, se dit, lui, «fier des Français», alors que des manifestations sont réprimées dans le sang depuis des mois dans son pays. «Ce mouvement peut motiver des gens dans le monde».

La mobilisation a en tout cas eu raison du plus illustre des visiteurs attendus en France les jours prochains.

Le roi britannique Charles III devait se rendre dans l'Hexagone de dimanche à mercredi. Sa venue a finalement été reportée «compte tenu de l'annonce d'une nouvelle journée d'action nationale contre la réforme des retraites» le 28 mars, a annoncé l’Élysée vendredi.


Immigration : un conseil interministériel se réunit mercredi

Le ministre français de l'Intérieur Bruno Retailleau (C) serre la main d'un agent de la police nationale française dans une caserne de pompiers après une attaque au couteau à Mulhouse, dans l'est de la France, où un homme est soupçonné d'avoir tué une personne et grièvement blessé deux agents de police, le 22 février 2025 (Photo par SEBASTIEN BOZON / AFP)
Le ministre français de l'Intérieur Bruno Retailleau (C) serre la main d'un agent de la police nationale française dans une caserne de pompiers après une attaque au couteau à Mulhouse, dans l'est de la France, où un homme est soupçonné d'avoir tué une personne et grièvement blessé deux agents de police, le 22 février 2025 (Photo par SEBASTIEN BOZON / AFP)
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  • Ce conseil, qui était prévu avant l'attaque de Mulhouse, « se réunira ce mercredi », a déclaré Jean-Noël Barrot lors d'un entretien avec Europe 1 et CNews, où il était interrogé sur l'attaque de samedi.
  • Interrogé sur TF1, le ministre de l'Intérieur, Bruno Retailleau, a indiqué que le suspect faisait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français (OQTF) et a accusé l'Algérie de l'avoir refoulé à 10 reprises.

PARIS : Le gouvernement français réunira un conseil interministériel de contrôle de l'immigration mercredi, alors qu'une attaque au couteau, perpétrée par un Algérien en situation irrégulière, a fait un mort samedi à Mulhouse, a assuré dimanche le ministre des Affaires étrangères.

Ce conseil, qui était prévu avant l'attaque de Mulhouse, « se réunira ce mercredi », a déclaré Jean-Noël Barrot lors d'un entretien avec Europe 1 et CNews, où il était interrogé sur l'attaque de samedi.

Au cours de l'entretien, le ministre a été interrogé sur les discussions avec ses homologues algériens concernant les obligations de quitter le territoire français (OQTF).

« Cette attaque terroriste nous appelle à amplifier encore la mobilisation qui est la nôtre pour mieux contenir et prévenir les conséquences de la présence de ce terroriste islamiste sur le territoire national », a estimé le ministre avant d'évoquer le conseil interministériel.

Interrogé sur TF1, le ministre de l'Intérieur, Bruno Retailleau, a indiqué que le suspect faisait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français (OQTF) et a accusé l'Algérie de l'avoir refoulé à 10 reprises.

Le Premier ministre, François Bayrou, a d'ailleurs convoqué un conseil interministériel de contrôle de l'immigration ce mercredi. « Nous devons faire plus et nous devons faire mieux », a-t-il déclaré.

M. Barrot a également affirmé avoir demandé « aux 19 ambassadeurs, dans les pays où nous rencontrons le plus de difficultés pour renvoyer les étrangers en situation irrégulière, à me faire un rapport circonstanciel dont je présenterai les résultats ce mercredi au Premier ministre pour que nous puissions prendre des mesures fortes ».

« Il y a des pays vis-à-vis desquels il nous faut effectivement prendre des mesures fortes. Il y en a d'autres où, au contraire, il nous faut des mesures d'accompagnement », a-t-il ajouté. 


« La France doit produire plus pour manger mieux », affirme la ministre de l'Agriculture

Le président français Emmanuel Macron (G) s'adresse à la presse en compagnie de la ministre française de l'Agriculture et de la Souveraineté alimentaire Annie Genevard  L'édition 2025 du SIA (Salon International de l'Agriculture) Agriculture se tient à Paris du 22 février au 2 mars 2025. (Photo par Thomas Padilla / POOL / AFP)
Le président français Emmanuel Macron (G) s'adresse à la presse en compagnie de la ministre française de l'Agriculture et de la Souveraineté alimentaire Annie Genevard L'édition 2025 du SIA (Salon International de l'Agriculture) Agriculture se tient à Paris du 22 février au 2 mars 2025. (Photo par Thomas Padilla / POOL / AFP)
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  • la France doit affirmer sa souveraineté agricole comme un enjeu régalien et réarmer sa puissance alimentaire », a-t-elle déclaré, appelant à « sonner la mobilisation générale ».
  • « La France doit produire plus pour manger mieux. Produire plus pour reconquérir l’assiette des Français, produire plus pour importer moins et garantir les standards de production que nous exigeons de nos paysans », a-t-elle ajouté.

PARIS : « La France doit produire plus pour manger mieux », a affirmé dimanche, lors de l'inauguration du stand du ministère au Salon de l'agriculture, la ministre de l'Agriculture Annie Genevard, livrant sa vision de la souveraineté alimentaire.

« Dans ce moment de grand bouleversement de l'ordre international (...), la France doit affirmer sa souveraineté agricole comme un enjeu régalien et réarmer sa puissance alimentaire », a-t-elle déclaré, appelant à « sonner la mobilisation générale ».

« La France doit produire plus pour manger mieux. Produire plus pour reconquérir l’assiette des Français, produire plus pour importer moins et garantir les standards de production que nous exigeons de nos paysans », a-t-elle ajouté, suscitant des applaudissements dans le public, largement composé de représentants du monde agricole (producteurs, interprofessions, syndicats, chambres d'agriculture, etc.).

« Produire plus pour pouvoir investir et ainsi produire mieux. Produire plus pour rester une puissance exportatrice et jouer dans la cour des grands alors que de nouveaux équilibres de la géopolitique agricole se dessinent », a-t-elle poursuivi, au côté de son homologue marocain, Ahmed El Bouari, dont le pays est l'invité d'honneur du Salon.

« Produire plus et tourner le dos aux partisans de la décroissance et du repli sur soi », a ajouté Mme Genevard.

Tout en estimant qu'il est « un non-sens » d'opposer agriculture et environnement alors que les agriculteurs travaillent « avec la nature », elle a déclaré se battre « chaque jour pour qu'on ne bride pas l'alimentation au nom de la planète, alors qu'il n’y a aucun bénéfice objectif à ces entraves administratives ou réglementaires ».

La ministre s'en est ensuite vigoureusement pris aux « idéologues », « les procureurs qui mangent du paysan à tous les repas sans en avoir jamais vu, pour entretenir le fantasme d'une France agricole productiviste ».

« On invoque souvent la dette environnementale que nous pourrions laisser à nos enfants. Mais je ne veux pas non plus leur laisser une dette alimentaire », a-t-elle encore affirmé. 


À Washington, Macron veut faire entendre la voix de l’Europe sur l’Ukraine.

Le président français Emmanuel Macron (C), le président élu des États-Unis Donald Trump (G) et le président ukrainien Volodymyr Zelensky posent avant une réunion au palais présidentiel de l'Élysée à Paris, le 7 décembre 2024. (Photo de Sarah Meyssonnier / POOL / AFP)
Le président français Emmanuel Macron (C), le président élu des États-Unis Donald Trump (G) et le président ukrainien Volodymyr Zelensky posent avant une réunion au palais présidentiel de l'Élysée à Paris, le 7 décembre 2024. (Photo de Sarah Meyssonnier / POOL / AFP)
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  • L’entretien prévu entre le président français Emmanuel Macron et son homologue américain Donald Trump, à Washington ce lundi, est des plus délicats.
  • Les européens s’inquiètent que Washington et Moscou, ne scellent un accord de paix au détriment de Kiev, au regard des concessions faites gratuitement et d’entrée de jeu par l’administration américaine.

PARIS : L’entretien prévu entre le président français Emmanuel Macron et son homologue américain Donald Trump, à Washington ce lundi, est des plus délicats, puisqu’il s’agit de faire entendre la voix de l’Europe et de l’Ukraine, écartées des pourparlers avec la Russie sur le dossier ukrainien.

Le président français a pris soin de se préparer à cette rencontre tout au long des jours précédents, en organisant deux réunions successives avec plus d’une trentaine de dirigeants européens sur le sujet.

Ces rencontres lui ont permis de contourner les divergences et de s’assurer d’une relative unité sur le dossier au sein de l’Europe.

Parallèlement, il a aussi convoqué en urgence à l’Elysée les représentants des forces politiques françaises, pour les mettre au fait des implications au niveau de la France et de l’Europe, de la démarche américaine, sur le dossier ukrainien.

Le chef de l’Etat s’est également adressé aux Français, à travers la presse régionale et les réseaux sociaux, pour évoquer une partie de son plan, en vue de cette rencontre qui coïncide avec le troisième anniversaire de la guerre menée par la Russie contre le territoire ukrainien.

Depuis l’annonce de Trump, de pourparlers avec la Russie sur ce dossier et la rencontre qui a eu lieu récemment à Riad à ce sujet, entre de hauts responsables américains et russes, la France et l’Europe s’efforcent de faire entendre leur voix sur ce chapitre.

Les européens s’inquiètent que Washington et Moscou, ne scellent un accord de paix au détriment de Kiev, au regard des concessions faites gratuitement et d’entrée de jeu par l’administration américaine.

Cette dernière, doute de l’objectif de l’Ukraine de rejoindre l’alliance Atlantique, et n’accorde pas d’intérêts à la restitution par les Russes des régions ukrainiennes qu’ils ont occupé depuis le début de la guerre.

Par ailleurs, l’administration américaine ne se fait aucun souci au niveau des défis sécuritaires qui peuvent guetter le continent européen, de la part du président russe Vladimir Poutine.

Partant de là, la France tout comme l’Europe s’opposent à tout règlement auquel ils ne seraient pas associés ainsi que les Ukrainiens, et Macron compte faire entendre cela à Trump, déployant à cette fin un atout principal.

Dans les propos tenus lors de son échange avec les Français sur les réseaux sociaux, Macron a affirmé qu’il dira à Trump « Tu ne peux pas être faible face au président Poutine. Ce n’est pas toi, pas ta marque de fabrique, ce n’est pas ton intérêt ».

Une manière de faire plier Trump en le ramenant à sa propre vérité, un pari à tenter sans garantie de réussite, tant les réactions et positions du président américains semblent échapper à toute logique.

D’où le sentiment que l’entretien de Macron avec son homologue américain relève d’un saut dans le vide, d’autant plus que ce dernier s’affranchi de toute sorte de limites ou garde fou.

Il s’est montré prêt à sacrifier l’Ukraine au profit de la Russie et à laisser à l’abandon ses alliées européens, et il s’est lancé dans une campagne de critiques personnelles et gratuites à l’encontre du président ukrainien Vlodomir Zelenski le traitant de « dictateur non élu ».

En dépit de cela, le Palais de l’Elysée préfère tempérer et mettre l’accent sur ce qui rapproche et uni, en soulignant à la veille de la visite présidentielle que « la France partage l’objectif du président Trump de mettre fin à la guerre en Ukraine ».

Le président français, toujours selon l’Elysée « Va à Washington dans l’esprit de soutenir cet objectif », et qu’il y va avec « des propositions d’action » et « le souci de travailler en soutien de l’Ukraine, et au renforcement de la sécurité en Europe ».