PARIS : Résidus de déchets brûlés, abribus détruits, bris de verre au sol, forces policières omniprésentes... les touristes visitant Paris ne peuvent ignorer la contestation parfois violente agitant la France, qu'ils soutiennent ou non la réforme des retraites voulue par le président Macron.
En bas de Montmartre, colline très fréquentée que surplombe la spectaculaire église du Sacré-Coeur, un alignement de fourgonnettes bleues et de nombreux gendarmes rappelaient vendredi soir combien la situation pouvait se tendre subitement dans un quartier jusqu'ici largement épargné par la mobilisation.
Un moment politique que n'apprécie que modérément Judith Jonker, 67 ans, venue justement en France pour célébrer la fin de sa vie active.
«Nous avons besoin de changement, nous vieillissons et il faut bien que l'on paye les retraites», explique cette Néerlandaise à l'AFP, reprenant les arguments avancés par l'exécutif français. «Je comprends la position de votre gouvernement», poursuit-elle, accompagnée de ses soeurs et de sa mère.
Même son de cloche pour sa compatriote Miranda Palthe, 51 ans, rencontrée sur le pont Alexandre III, bel ouvrage enjambant le fleuve Seine, à la vue saisissante sur la tour Eiffel: «En Hollande, ils ont aussi changé la loi. (...) Nous l'avons simplement accepté», observe-t-elle.
Et cette professeure d'université à Amsterdam de remarquer : «Je prendrai ma retraite à 67 ans et demi», alors que l'impopulaire réforme récemment adoptée en France fait reculer l'âge de départ de 62 à 64 ans.
Mais l'exécutif, qui savait ne pouvoir compter à l'Assemblée nationale sur une majorité, malgré des mois de concertations, s'est finalement dispensé du vote des parlementaires, en utilisant une disposition constitutionnelle vue par beaucoup comme un «déni de démocratie».
Jeudi, plus d'un million de personnes, selon les autorités, 3,5 millions selon le syndicat CGT, ont donc manifesté partout en France contre le coup de force du gouvernement. La colère était palpable parmi les protestataires, avec beaucoup de ressentiment vis-à-vis du chef de l'Etat.
A Paris, ils étaient 119.000 selon les autorités, près de sept fois plus pour la CGT. Longtemps pacifique, l'avant du cortège a connu en fin d'après-midi une éruption de violence, comme dans d'autres villes françaises, avec des pavés, des bouteilles et des feux d'artifice lancés sur les forces de l'ordre.
- 'Paris, soulève-toi' -
Un feu a ensuite été allumé sur la place de la République, lieu traditionnel de rassemblements politiques, au cri de «Paris! Debout! Soulève-toi!». «Les gens n'ont plus peurde rien», indiquait alors Igor, un manifestant de 27 ans, de toutes les marches depuis deux mois, officielles ou spontanées.
Des rassemblements qui prennent parfois des touristes au dépourvu. Tels ces deux adolescents autrichiens en voyage scolaire, interpellés jeudi dernier alors qu'ils tentaient de rejoindre leur famille d'accueil, rapporte le journal français Libération. Ils ont finalement passé la nuit en garde-à-vue avant que leur ambassade n'intervienne.
Rien de tout ceci n'est heureusement arrivé à James Stevens, un consultant britannique de 29 ans, qui qualifie d'«affreuse» l'attitude du gouvernement français.
«Bien sûr qu'il faut bien trouver de l'argent pour payer les pensions», estime-t-il. Mais «le fait que le président ait pris cette décision sans le soutien (...) du peuple est quelque chose d'insensé.»
Près de la cathédrale Notre-Dame, des tas d'immondices s'immiscent dans les photos de vacances, après deux semaines et demi d'une grève des éboueurs. Des milliers de tonnes d'immondices jonchent les rues de la Ville lumière, première destination touristique au monde.
Violetta Lozyuk, une Ukrainienne célébrant son anniversaire à Paris, reste toutefois optimiste : «Ils vont trouver une solution et (...) Paris redeviendra propre et belle comme les gens l'aiment».
Reza Sabouhi, 40 ans, un guide touristique iranien, se dit, lui, «fier des Français», alors que des manifestations sont réprimées dans le sang depuis des mois dans son pays. «Ce mouvement peut motiver des gens dans le monde».
La mobilisation a en tout cas eu raison du plus illustre des visiteurs attendus en France les jours prochains.
Le roi britannique Charles III devait se rendre dans l'Hexagone de dimanche à mercredi. Sa venue a finalement été reportée «compte tenu de l'annonce d'une nouvelle journée d'action nationale contre la réforme des retraites» le 28 mars, a annoncé l’Élysée vendredi.