LAHORE : L'ancien Premier ministre pakistanais Imran Khan reste retranché mercredi à son domicile à Lahore dans l'est du pays, défiant les tentatives d'arrestation, après que des heurts ont éclaté entre ses partisans et la police.
M. Khan a été renversé en avril 2022 par une motion de censure et est confronté depuis à une multitude de procédures judiciaires, mais il reste très populaire et espère revenir au pouvoir lors des élections législatives prévues d'ici octobre.
Pendant toute la nuit, la police s'est livrée à des batailles rangées avec les militants du parti de M. Khan, le Pakistan Tehreek-e-Insaf (PTI, Mouvement du Pakistan pour la justice), près de sa résidence de Zaman Park, tirant des gaz lacrymogènes et esquivant les pierres lancées par la foule en colère.
Le porte-parole de la police de Lahore, Syed Mubashir, a déclaré que plus de 35 policiers avaient été blessés.
Peu avant l'aube, l'ancien chef du gouvernement a publié une vidéo dans laquelle on le voit assis à un bureau décoré de cartouches de gaz lacrymogène usagées devant des drapeaux du Pakistan et du PTI.
"Je dis aujourd'hui à toute la nation qu'ils (les policiers) (...) vont revenir". "Ils utiliseront des gaz lacrymogènes contre notre peuple et feront d'autres choses de ce genre, mais vous devez savoir qu'ils n'ont aucune raison de le faire", déclare-t-il.
Mercredi matin, des centaines de partisans du PTI avaient encerclé la résidence de M. Khan située dans un quartier cossu et repoussaient les tentatives de la police de prendre d'assaut les lieux.
Des vidéos circulant sur les réseaux sociaux - en grande partie diffusées par les comptes officiels du PTI - montrent plusieurs partisans ensanglantés et d'autres personnes luttant contre les gaz lacrymogènes.
Un responsable du PTI a tweeté qu'il y avait "un besoin urgent" de kits de premiers secours dans le quartier de Zaman Park.
Un compte du parti a également publié une vidéo montrant des bombes lacrymogènes atterrissant dans le jardin de M. Khan, mais la police ne semble pas avoir franchi le portail ou le mur.
Des partisans du PTI ont également défilé dans la ville portuaire de Karachi et à Peshawar, bloquant les routes avec des feux de joie.
«Sans précédent»
"La façon dont la police s'en prend à notre peuple est sans précédent", a affirmé M. Khan qui a tweeté des photos de douilles de balles prétendument recueillies sur les lieux. Un représentant du gouvernement du Pendjab a toutefois nié que des balles réelles aient été tirées.
"Il est clair que la revendication d'une +arrestation+ n'était qu'une mise en scène, car l'intention réelle est d'enlever et d'assassiner", a tweeté M. Khan.
C'est la seconde fois ce mois-ci que des policiers ont été dépêchés depuis la capitale Islamabad au domicile de M. Khan à Lahore pour exécuter un mandat d'arrêt. Il y a quelques semaines la police avait en effet essayé en vain de l'arrêter. L'ex-Premier ministre s'est soustrait à plusieurs assignations à comparaître au tribunal, invoquant des raisons de sécurité.
"Nous sommes simplement ici pour exécuter le mandat d'arrêt et l'arrêter", a fait savoir Syed Shahzad Nadeem Bukhari, un haut responsable de la police d'Islamabad, à la presse devant la maison de M. Khan.
Un haut responsable du PTI a déclaré que la Haute Cour d'Islamabad se réunirait mercredi pour examiner une requête visant à empêcher l'arrestation de Khan, ce qui pourrait désamorcer la situation.
Les responsables du parti ont également déposé une requête similaire auprès d'un tribunal de Lahore.
Imran Khan, 70 ans, a été convoqué au tribunal pour répondre aux accusations selon lesquelles il n'aurait pas déclaré l'ensemble des cadeaux diplomatiques reçus sous son mandat et aurait gagné de l'argent en revendant certains d'entre eux.
Depuis son éviction, Imran Khan fait pression sur le gouvernement de Shehbaz Sharif, son successeur, en multipliant les grands rassemblements. Il a également dissous les deux assemblées provinciales contrôlées par son parti, pour tenter d'obtenir des élections anticipées, auxquelles le gouvernement se refuse.
En novembre, l'ancienne star de cricket a également été blessé par balle à la jambe lors d'un rassemblement politique. Une tentative d'assassinat qu'il a attribué à Shehbaz Sharif.
Ces événements se déroulent dans un contexte tendu: le pays, qui compte plus de 220 millions d'habitants, est en proie à de graves difficultés économiques avec une inflation galopante, des réserves de change insuffisantes et un enlisement des négociations avec le FMI.
La situation sécuritaire se détériore également avec une série d'attaques meurtrières visant la police, liées aux talibans pakistanais.
"L'impasse de Lahore montre illustre combien l'état du pays s'est dégradé", a déclaré Tauseef Ahmed Khan, analyste politique et militant des droits de l'homme.
"D'une part, il s'agit d'un échec de la police et des forces de l'ordre. D'autre part, il s'agit d'une nouvelle tendance dans la politique sud-asiatique : un dirigeant politique défie l'arrestation en utilisant ses collaborateurs et ses partisans" a-t-il ajouté.