PARIS: Le Collectif contre l'islamophobie en France (CCIF) a annoncé vendredi s'être auto-dissous et avoir redéployé ses activités à l'étranger, face à la menace de sa prochaine dissolution par le gouvernement, en rejetant ses accusations "mensongères" de proximité avec l'islamisme.
Le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin avait notifié la semaine dernière à ses responsables la dissolution de ce collectif d'aide et de défense des musulmans qu'il a accusé, après l'assassinat de Samuel Paty, d'être une "officine islamiste contre la République".
"C'est désolant d'en arriver là. Le CCIF n'a fait que défendre le droit, et a eu à chaque fois gain de cause", a expliqué son avocat, Sefen Guez Guez. "C'est dommage qu'on ait fait du CCIF une affaire politique alors qu'il ne faisait que dire aux musulmans discriminées: +vous avez des droits, et vous pouvez vous défendre+".
Créé au début des années 2000 par le militant associatif Samy Debah, le CCIF recense les actes islamophobes et apporte de l'aide juridique et psychologique à des personnes, notamment aux femmes voilées, agressées ou victimes de discrimination. Il a notamment dénoncé ces dernières années la hausse continue du nombre d'actes islamophobes, fustigeant "un racisme qui ne dit pas son nom".
Le CCIF a été ces dernières années régulièrement accusé de proximité avec des mouvements de l'islam politique comme les Frères musulmans, ce qu'il a toujours nié.
Après la mort de Samuel Paty, Gérald Darmanin a affirmé qu'il était "manifestement impliqué" dans l'attentat, une accusation qui n'a pas été étayée par la suite. Le CCIF avait dénoncé des "calomnies, d'une incroyable indécence compte tenu du contexte".
M. Darmanin a ensuite confirmé son intention de dissoudre le CCIF, l'accusant de nourrir un "climat de haine".
Face à cette perspective, le conseil d'administration du CCIF a, dès le 29 octobre, "prononcé la dissolution volontaire" du collectif, et redéployé "une large partie de ses activités à l'étranger", a-t-il annoncé vendredi.
"Les actifs de notre association ont été transférés à des associations partenaires qui se chargeront de prendre le relais de la lutte contre l'islamophobie à l'échelle européenne", a-t-il ajouté.
En conséquence, "la notification de dissolution reçue le 19 novembre a été sans objet, puisque le CCIF n'existe plus en tant que structure". Il ajoute que ses "outils de communication" seront fermés dans les 24 heures.
«Milliers d'insultes»
Le CCIF devrait transférer son siège de Paris, où il comptait une dizaine de salariés et une trentaine d'avocats partenaires, ailleurs "en Europe", selon M. Guez Guez.
"Aucune association antiraciste n'a jamais fait l'objet de telles attaques en France", a regretté le CCIF, disant avoir été victime en permanence de "milliers d'insultes et de menaces" sur les réseaux sociaux.
Il regrette les multiples "polémiques et contre-vérités", lancées notamment par "l'ultra droite" puis abondamment relayées, qui ont selon lui faussé le débat public.
Avant de fermer boutique, le CCIF avait publié cette semaine une série de messages sur les réseaux sociaux répondant point par point aux "fausses affirmations" et approximations figurant selon lui dans la notification de dissolution gouvernementale.
"La duplicité est une constante dans le discours porté par le CCIF. Depuis que les responsables de cette association islamiste ont reçu le courrier du ministère de l'Intérieur notifiant l'intention d'engager (sa) dissolution, ils tentent d'induire en erreur l'opinion", a répliqué sur Twitter le secrétariat général du Comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation, rattaché à Beauvau.
Le CCIF avait surtout reçu des marques de soutien à l'extrême gauche, mais aussi d'Amnesty International.
Outre le fait que "rien ne montre que le CCIF représente un danger manifeste", sa dissolution "serait un acte très grave de la part du gouvernement français", a jugé Amnesty. "Elle pourrait avoir un effet dissuasif sur toutes les personnes et toutes les organisations qui sont engagées dans la lutte contre le racisme et la discrimination en France".
Après la mort de Samuel Paty, le gouvernement a dissout l'ONG humanitaire BarakaCity, accusée de "propager des idées prônant l'islam radical" et le collectif "Cheik Yassine", après la mise en cause de son président Abdelhakim Sefrioui dans le processus qui a mené à l'attentat.