PARIS: Le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin et le gouvernement se sont retrouvés mardi sous les tirs croisés des oppositions qui dénoncent « une dérive liberticide » à gauche et un lâchage de la police à droite et au RN après l'évacuation musclée d'un camp de migrants à Paris.
Sous haute pression, Gérald Darmanin a annoncé mardi avoir « demandé à l'IGPN (la « police des polices ») de remettre ses conclusions sous 48H00 » sur les violences lors de l'évacuation, précisant que le préfet de police Didier Lallement, cible une fois encore de vives critiques, lui avait proposé « la saisine de l'IGPN sur plusieurs faits inacceptables ».
Dans l'opposition, droites et gauches tirent à boulets rouges, mais pour des motifs radicalement opposés et certains demandent la suspension du vote de la proposition de loi « sécurité globale » prévu mardi.
A gauche, ce sont les méthodes policières contre les migrants et les journalistes dont un affirme avoir été molesté qui indignent.
Plusieurs centaines de migrants, en errance depuis l'évacuation d'un important camp d'exilés la semaine dernière, ont monté lundi un nouveau campement place de la République à Paris, que les forces de l'ordre ont démantelé sans ménagement dans la soirée.
« Les images sont extrêmement choquantes, on a vu des violences vis-à-vis de réfugiés en situation extrêmement difficile et des violences vis-à-vis de journalistes qui commencent à s'accumuler dans le temps », a critiqué l'eurodéputé EELV Yannick Jadot sur Europe 1, y voyant l'illustration d'une « dérive liberticide qui est dangereuse ».
Selon lui, avec l'article 24 de la loi « Sécurité globale » en cours d'examen au Parlement, « le ministre (de l'Intérieur Gérald) Darmanin a, de fait, avec le président de la République, créé un délit d'informer pour les journalistes sur les manifestations » en « cré(ant) l'idée que les journalistes n'ont plus leur place dans les manifestations, que les journalistes deviennent des adversaires de la démocratie ».
« Honte »
Le président des députés Insoumis Jean-Luc Mélenchon a demandé mardi de « suspendre » le vote à l'Assemblée de la proposition de loi « sécurité globale », après avoir dénoncé « des moyens d'une sauvagerie exceptionnelle » déployés selon lui par les forces de l'ordre.
« J’ai été sidéré par ce que j'ai vu », a réagi sur France Inter le secrétaire national du PS Olivier Faure qui a demandé à l'exécutif de renoncer au texte. « C'est un gouvernement qui perd les pédales dans son rapport aux libertés publiques, à l'éthique », a renchéri le porte-parole du PS Boris Vallaud.
« Pour eux c'est la matraque d'abord, pour nous c'est l'Humain d'abord ! », a critiqué le patron du PCF Fabien Roussel.
« Pourquoi cette évacuation si violente alors que des solutions d'hébergement ont été proposées ? », s'est indigné sur Twitter l'adjoint (PS) à la maire de Paris Patrick Bloche.
L'adjoint EELV David Belliard a lui clairement réclamé « des comptes » au préfet de police face à « ce déchaînement de violences » qui est « une honte » et le parti Générations a demandé la démission de Darmanin et le limogeage du préfet.
« Lâche »
Droite et extrême droite ont apporté au contraire leur soutien aux forces de l'ordre et au préfet, dénonçant la réaction du ministre qui a évoqué, lundi soir, des images « choquantes » et demandé un « rapport circonstancié » à Didier Lallement.
Le député Les Républicains Eric Ciotti a estimé sur Twitter que la réaction Darmanin était « lâche ». Son collègue Julien Aubert a jugé « choquant » que le ministre « n'assume pas que la police n'a fait qu’appliquer ses ordres et rétablir l’ordre ».
La maire LR du VIIe arrondissement Rachida Dati a jugé « choquantes » les images, tout en estimant que le préfet de police « a fait son travail avec les moyens qu'on lui donne ».
Evoquant la loi de « Sécurité globale », la présidente du Rassemblement national Marine Le Pen s'est demandé « à quoi sert de faire voter une loi pour protéger les policiers, si c’est pour les désavouer collectivement au moindre incident ou à la moindre provocation d’extrême gauche ? »
Dans un deuxième tweet, elle a jugé que « l'argent des Français doit en priorité être réservé à la solidarité avec les Français » s'offusquant des places d'hébergement pour les migrants quand « nos compatriotes plongent dans la pauvreté ».
Le numéro deux du RN Jordan Bardella estime que le campement avait « une intention évidente » : organiser la victimisation en dénonçant des "violences policières" » et « relancer la polémique déclinante sur l’article 24 de la proposition de loi "Sécurité globale". »
Les ministres de la Citoyenneté Marlène Schiappa et du Logement Emmanuelle Wargon ont elle demandé mardi une prise en charge « sans délai » pour les centaines de migrants de nouveau dans l'errance.