GENEVE : Des consultations à Genève sur une prolongation de l'accord sur l'exportation des céréales ukrainiennes qui a permis d'atténuer une crise alimentaire mondiale se poursuivent mardi après une proposition russe la limitant à deux mois, rendant incertain son maintien.
"Les Nations unies feront tout leur possible pour préserver l'intégrité de l'accord et assurer sa continuité", a déclaré Jens Laerke, un porte-parole de l'agence humanitaire des Nations unies (OCHA), dont le patron, Martin Griffiths, est au coeur des négociations.
"Les consultations avec toutes les parties se poursuivent à tous les niveaux", a-t-il souligné, sans être en mesure de dire ce qui se passera à l'expiration le 18 mars de l'accord, déjà prolongé de 120 jours à l'automne. "Nous verrons samedi, ce qui se passera samedi", a-t-il dit, pressé de questions par des journalistes à Genève.
Après des discussions lundi entre Martin Griffiths, la cheffe de la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (Cnuced) Rebeca Grynspan et le vice-ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Verchinine, Moscou avait indiqué qu'il ne s'opposait pas à la prolongation de l'accord mais seulement pour 60 jours au lieu du double. Pour Moscou, cette proposition représente un geste de bonne volonté.
Ce sont cependant 120 mois qui sont prévus dans le document accepté l'été dernier par la Russie et l'Ukraine et dont l'application est garantie par l'ONU et la Turquie.
L'Ukraine a immédiatement critiqué l'annonce russe estimant que "l'accord sur 'l'Initiative céréalière de la mer Noire' implique au moins 120 jours de prolongation" et qu'une "position de la Russie de le prolonger de seulement 60 jours contredit donc le document signé par la Turquie et l'ONU".
Kiev attend désormais "la position officielle" des Nations unies et d'Ankara en tant que "garants de l'initiative".
Dans un communiqué lundi soir, l'ONU avait déjà dit son souci de préserver l'accord et indiqué qu'elle "prenait note" de la position russe.
Et les engrais ?
Les Russes ne sont pas satisfaits des résultats d'un deuxième accord qui avait été conclu parallèlement l'été dernier avec les Nations unies et qui devait permettre de lever des obstacles sur leurs propres exportations de céréales et surtout d'engrais.
Bien que ces produits ne soient pas frappés par les sanctions imposées par les alliées de Kiev pour forcer Moscou à arrêter l'invasion de l'Ukraine, les mesures financières ont eu pour effet indirect de dissuader des opérations d'intermédiaires craignant de tomber sous le coup de mesures de rétorsion aux Etats-Unis et en Europe.
Mardi, le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov a remis les points sur les i.
"Il est évident qu’en gros (…) le deuxième volet de l’accord qui nous concerne n’a pas été appliqué jusqu’à présent", a-t-il accusé, et de désigner les coupables : "Nous apprécions les efforts de l’ONU, de son secrétaire général en personne (…). Mais M. (Antonio) Guterres n’a pas réussi à percer le mur érigé par l’Occident collectif".
Les principaux points d'achoppement pour Moscou comprennent : "les paiements bancaires, la logistique du transport, les assurances, le 'dégel' des activités financières et l'approvisionnement en ammoniac via l'oléoduc 'Togliatti-Odessa'", avait détaillé M. Verchinine.
Crise alimentaire
L'accord sur les céréales a permis d'atténuer la crise alimentaire mondiale provoquée par l'invasion de l'Ukraine par la Russie le 24 février 2022.
Il avait été reconduit en novembre pour quatre mois et a permis d'exporter plus de 24 millions de tonnes de céréales à partir des ports ukrainiens avec un mécanisme de contrôle des navires avant et après le chargement de leur cargaison, qui implique des Russes, des Ukrainiens mais aussi des Turcs et des spécialistes de l'ONU.
En revanche pour le volet sur les engrais - tout aussi cruciaux pour éviter une explosion des prix et une chute de la production agricole dans certains pays -, seule une faible partie de tonnage bloqué dans des ports européens a pu être acheminée sous la houlette du Programme alimentaire mondial.