BRUXELLES: Cette pratique controversée a perturbé le procès très vite après son ouverture: la justice belge a ordonné lundi à la police de cesser les fouilles corporelles à genoux pratiquées sur Salah Abdeslam et les autres accusés détenus jugés pour les attentats djihadistes de 2016 à Bruxelles.
Après une première manche remportée fin décembre devant un juge des référés, les avocats des plaignants --six des neuf accusés de ce méga-procès-- ont obtenu gain de cause cette fois devant la cour d'appel de Bruxelles.
Dans un arrêt dont l'AFP a obtenu copie, la cour "constate (...) l'absence de fondement légal des génuflexions imposées aux intimés (les requérants, ndlr) pendant les fouilles pratiquées par les officiers de la police judiciaire lors des transfèrements" de la prison vers le palais de justice.
Par conséquent elle "ordonne à l'Etat belge de mettre un terme à cette pratique".
Le ministre de la Justice Vincent Van Quickenborne, qui a compétence sur les transfèrements, va "tenir compte" de cette décision concernant les fouilles "avec flexion du genou", a indiqué en fin de journée son cabinet.
"Là où la fouille à nu s'applique aujourd'hui, elle sera toujours pratiquée demain, mais différemment", a-t-on ajouté de même source.
Les attentats de Bruxelles, revendiqués par l'organisation Etat islamique (EI), avaient fait 32 morts et plus de 340 blessés le 22 mars 2016.
Ce matin-là, une double attaque-suicide avait eu lieu peu avant 08H00 dans le hall des départs de l'aéroport de Bruxelles-Zaventem. Elle avait été suivie, une heure plus tard dans le métro dans le capitale européenne, d'une troisième également perpétrée par un kamikaze porteur d'explosifs.
A ce procès ouvert début décembre, neuf hommes sont jugés pour leur participation aux attentats, à des degrés divers. Un dixième, présumé mort en Syrie, est jugé en son absence. L'audience doit durer jusqu'à l'été sur le site ultra-sécurisé du Justitia, ex-siège de l'Otan.
Parmi les accusés détenus, six --dont Salah Abdeslam et son ami d'enfance Mohamed Abrini-- ont intenté dès décembre une action en justice parallèlement au procès.
Ils estiment être contraints à un traitement humiliant et dégradant, avec ces fouilles les obligeant à s'agenouiller quotidiennement pour vérifier qu'ils ne cachent pas d'objet dangereux.
Mohamed Abrini a dénoncé "l'hystérie" des services de sécurité, tandis que Salah Abdeslam a refusé de comparaître à l'audience en attendant que la pratique cesse.
«Préserver la pudeur»
Face à la crainte d'un refus de participation des accusés, la présidente a décalé leurs interrogatoires, qui n'auront pas lieu avant avril. La cour d'assises entend actuellement les rescapés et proches de victimes.
De son côté l'Etat belge a justifié le procédé par des raisons de sécurité. "Le danger potentiel existe à chaque transfert, ce qui explique ces mesures répétées", a soutenu Bernard Renson, avocat de l'Etat, selon qui "tout objet peut servir d'arme même un couvert en plastique ou une brosse à dents".
Lundi, la cour d'appel a rappelé que "la fouille à corps" fait bien partie de la palette de pratiques autorisées à la police pour rechercher un objet dangereux, d'après une loi de 1992.
"Rien n'empêche qu'une personne soumise à une telle fouille soit tenue de se déshabiller complètement pour que ses vêtements puissent être examinés complètement", stipule cette loi .
Toutefois, nuance-t-elle, "ce procédé ne saurait être systématique, ni surtout dégénérer en mesure vexatoire, et des mesures adéquates doivent être prises pour préserver la pudeur des personnes fouillées".
Delphine Paci, avocate de Salah Abdeslam, a salué "une belle victoire" pour les droits des détenus.
Le 29 décembre, le juge des référés avait donné raison aux plaignants, soulignant que cette "pratique systématique des fouilles à corps avec génuflexions (...) paraît constitutive d'un traitement dégradant", interdit par la Convention européenne des droits de l'homme.
Un huissier dépêché le 10 janvier dans la prison bruxelloise où sont détenus les accusés avait constaté que la pratique se poursuivait.