SÉOUL: La Corée du Sud et les Etats-Unis ont débuté lundi leurs plus importantes manœuvres militaires conjointes en cinq ans, malgré les menaces de la Corée du Nord, qui a annoncé quelques heures plus tôt avoir tiré deux missiles de croisière depuis un sous-marin.
Washington et Séoul ont renforcé leur coopération en matière de défense face aux menaces militaires et nucléaires croissantes de Pyongyang qui a multiplié ces derniers mois les essais d'armes.
Les exercices "Freedom Shield" entre les forces américaines et sud-coréennes, qui débutent lundi pour au moins dix jours, seront axés sur "l'évolution de l'environnement de sécurité" due à l'agressivité redoublée de la Corée du Nord, ont déclaré les alliés.
Fait rare, l'armée sud-coréenne a révélé début mars que les forces spéciales de Washington et Séoul organiseraient des manoeuvres militaires "Teak Knife" - qui consistent à simuler des frappes de précision sur des installations clés en Corée du Nord - avant "Freedom Shield".
Tous ces exercices suscitent l'ire Pyongyang qui les considère comme des répétitions générales à une invasion de son territoire ou à un renversement de son régime, tout en justifiant ses propres programmes d'armes nucléaires et balistiques par la nécessité de se défendre.
Dimanche, la Corée du Nord a lancé deux missiles de croisière depuis un sous-marin, a annoncé lundi l'agence de presse nord-coréenne KCNA.
KCNA assure que l'exercice a été couronné de succès, les missiles ayant atteint leurs cibles désignées et non spécifiées au large de la côte est de la péninsule coréenne.
«Position invariable»
L'agence a souligné que ce tir exprime "la position invariable" de la Corée du Nord face à une situation dans laquelle "les impérialistes américains et les forces fantoches sud-coréennes avancent de manière de moins en moins dissimulées dans leurs manœuvres militaires contre la RPDC", la République populaire démocratique de Corée.
La semaine dernière, Kim Yo Jong, la très puissante soeur du dirigeant nord-coréen Kim Jong Un, citée par KCNA, a déclaré qu'une interception des missiles lancés par son pays serait "considérée comme une claire déclaration de guerre".
"Pyongyang a des capacités militaires en cours de développement qu'il veut de toute façon tester, et aime utiliser la coopération de Washington et Séoul comme excuse", a observé auprès de l'AFP Leif-Eric Easley, professeur à l'université Ewha de Séoul.
En 2022, le Nord a qualifié d'"irréversible" son statut de puissance nucléaire et a conduit une série d'essais balistiques en violation de résolutions de l'ONU.
Vendredi, KCNA a rapporté que Kim Jong Un avait ordonné à son armée d'intensifier ses manœuvres militaires en vue d'une "guerre réelle".
Elle a également fait savoir dimanche que "des mesures pratiques importantes ont été discutées et adoptées pour un usage plus efficace, plus puissant et plus offensif de la dissuasion de guerre", lors d'une réunion de la Commission militaire centrale du Parti des travailleurs au pouvoir présidée par Kim Jong Un.
Washington a réaffirmé à plusieurs reprises son engagement "sans faille" à défendre la Corée du Sud en utilisant "toute la gamme de ses capacités militaires, y compris nucléaires" et récemment cherché à rassurer Séoul quant à leur capacité de dissuasion élargie à leurs alliés.
La Corée du Sud, qui ne détient pas l'arme atomique, reste officiellement engagée en faveur de la non-prolifération, même si les appels se multiplient au niveau national pour que le pays obtienne ses propres armes nucléaires.
Un essai nucléaire ?
Bien que la politique officielle des deux pays à l'égard du Nord, à savoir que le leader nord-coréen doit renoncer à ses armes nucléaires et revenir à la table des négociations, n'ait pas changé, les experts estiment qu'il y a eu un changement en pratique.
Washington a "effectivement reconnu que la Corée du Nord ne renoncera jamais à son programme nucléaire", a déclaré à l'AFP le transfuge An Chan-il, directeur de l'Institut mondial d'études nord-coréennes.
"Freedom Shield" sera en conséquence "très différent - tant sur le plan qualitatif que quantitatif - des exercices conjoints précédents qui ont eu lieu ces dernières années", a-t-il ajouté.
La Corée du Nord, qui a récemment appelé à une augmentation "exponentielle" de la production d'armes, y compris d'armes nucléaires tactiques, devrait répondre par des tirs de missiles et des manœuvres militaires.
"La Corée du Nord utilisera l'exercice Freedom Shield 2023 pour unifier son peuple et s'en servira comme excuse pour investir davantage dans les armes de destruction massive", a estimé auprès de l'AFP Chun In-bum, un général de l'armée sud-coréenne à la retraite.
"Il faut s'attendre à d'autres tirs de missiles, avec des variations de style et de portée, et même à un essai nucléaire. D'autres actes d'intimidation de la part de la Corée du Nord ne seraient pas surprenants", a-t-il ajouté.
Hong Min, de l'Institut coréen pour l'unification nationale, a toutefois déclaré que le Nord ne devrait pas "franchir la ligne rouge".
Le régime devrait s'abstenir d'activités "qui obligeraient les Etats-Unis et la Corée du Sud à riposter", a-t-il déclaré à l'AFP.