PARIS : «Porter la vie et avoir un cancer, ça paraît totalement impossible». Pourtant, chaque année, quelques centaines de femmes apprennent qu'elles sont atteintes de cette maladie pendant leur grossesse, une situation particulièrement délicate et angoissante à gérer.
Virgilia Hess, 33 ans, savourait le fait d'attendre son premier enfant. Mais en décembre, son obstétricienne lui découvre «une boule dans la poitrine». «Elle m'a dit que c'était fréquent lors d'une grossesse, puis dans le doute, m'a prescrit une échographie, +histoire qu'on n'en parle plus+», a expliqué à l'AFP cette présentatrice météo de BFM-TV.
Les examens radiographiques révèlent une lésion ou une tumeur, «pas forcément cancéreuse». Mais après quelques jours d'attente interminables, les résultats de la biopsie tombent: «un cancer de stade 1, assez agressif».
«Il fallait que je démarre la chimiothérapie tout de suite», raconte-t-elle. «Pendant plusieurs semaines, je me réveillais la nuit en me disant que j'avais rêvé ce qui m'arrivait... On ne pense pas au cancer quand on a la trentaine, encore moins quand on est enceinte; c'est totalement antinomique, inconcevable car on ne se sent pas du tout malade et qu'on porte la vie», ajoute-t-elle.
Finalement «boostée» par sa grossesse, la jeune femme, qui a annoncé mardi sur Twitter avoir accouché avec un mois d'avance d'une petite fille, souhaite aider, en racontant son expérience, toutes celles qui vivent la même épreuve.
La situation reste - heureusement - assez rare: la survenue (ou la découverte) d'un cancer concerne 0,05 à 0,1% des grossesses, soit entre 350 et 700 grossesses par an en France, associées avant tout à des cancers gynécologiques.
Ces chiffres devraient toutefois augmenter au cours des prochaines années puisque le risque de cancer s'accroît avec l'âge et que les femmes ont des enfants de plus en plus tard.
«Le souci, avec ces cancers, c'est qu'il y a un retard de diagnostic, toutes les études le montrent», confie Anne-Sophie Hamy-Petit, gynécologue-oncologue à l'institut Curie.
Ils atteignent en effet des femmes jeunes, qui ne sont pas les cibles des campagnes de dépistage organisées.
- Chimiothérapie possible -
Dans le cas des cancers du sein, les plus fréquents chez les femmes enceintes, la poitrine est physiologiquement modifiée par la grossesse, ce qui fait qu'«elle est plus difficile à palper et qu'on ne se méfie pas toujours si un sein semble un peu différent», plus dense ou granuleux, prévient Mme Hamy-Petit.
«Au moindre signe, au moindre doute, il ne faut pas hésiter à exiger un examen de dépistage», préconise la gynécologue.
D'autant plus qu'ils sont tout à fait réalisables pendant une grossesse, sans risque pour le fœtus.
Si un cancer est découvert, «la prise en charge doit être au maximum similaire à ce qui se ferait pour une femme qui n'est pas enceinte», souligne Anne-Sophie Hamy-Petit.
La chirurgie est possible à n'importe quel moment de la grossesse. Quant à la chimiothérapie, elle peut être proposée à partir du milieu du deuxième trimestre et au cours du troisième trimestre. Certains traitements peuvent être initiés pendant la grossesse et poursuivis après la naissance. Seule la radiothérapie est proscrite.
«Tout dépend de la localisation de la tumeur et de l'avancée du cancer», explique Lucie Véron, gynécologue au centre anti-cancer Gustave-Roussy. «On conseille aussi à la femme d'être prise en charge dans une maternité spécialisée, dans le cas où l'accouchement serait déclenché avant terme», poursuit-elle.
En 2008, le réseau «Cancer associé à la grossesse» a été créé en France pour optimiser les prises en charge thérapeutiques. «Depuis une dizaine d'années notre travail a beaucoup consisté à prouver qu'on pouvait proposer des chimiothérapies jusqu'à un stade avancé de la grossesse et qu'on n'était pas obligé de faire naître les bébés prématurément», indique Lise Selleret, gynécologue à l'hôpital Tenon (AP-HP) à Paris et responsable opérationnelle du réseau.
«Il faut parfois encore convaincre les femmes qu'un traitement n'est pas nocif pour leur bébé», ajoute-t-elle. Et qu'il pourra leur sauver la vie.