Chine: Xi Jinping obtient un troisième mandat historique de président

Xi Jinping a obtenu vendredi un troisième mandat historique de président en Chine, après un vote à l'unanimité du Parlement, l'aboutissement d'une ascension qui l'a vu devenir le dirigeant le plus puissant du pays depuis des générations. (AFP)
Xi Jinping a obtenu vendredi un troisième mandat historique de président en Chine, après un vote à l'unanimité du Parlement, l'aboutissement d'une ascension qui l'a vu devenir le dirigeant le plus puissant du pays depuis des générations. (AFP)
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Publié le Vendredi 10 mars 2023

Chine: Xi Jinping obtient un troisième mandat historique de président

  • Le Parlement étant, dans la pratique, inféodé au Parti communiste (PCC) au pouvoir, l'issue du scrutin ne faisait aucun doute
  • Le dirigeant, âgé de 69 ans, avait déjà obtenu en octobre une prolongation de cinq ans au sommet du PCC et de la commission militaire du Parti, les deux postes de pouvoir les plus importants en Chine

PEKIN: Xi Jinping a obtenu vendredi un troisième mandat historique de président en Chine, après un vote à l'unanimité du Parlement, l'aboutissement d'une ascension qui l'a vu devenir le dirigeant le plus puissant du pays depuis des générations.

Le résultat du vote des députés, sans appel (2.952 votes pour, zéro contre, zéro abstention), a été accueilli par un tonnerre d'applaudissements des parlementaires réunis à Pékin, dans l'immense Palais du peuple bordant la place Tiananmen.

Le Parlement étant, dans la pratique, inféodé au Parti communiste (PCC) au pouvoir, l'issue du scrutin ne faisait aucun doute.

Le dirigeant, âgé de 69 ans, avait déjà obtenu en octobre une prolongation de cinq ans au sommet du PCC et de la commission militaire du Parti, les deux postes de pouvoir les plus importants en Chine.

Seul candidat, Xi Jinping a été reconduit pour la même durée comme chef de l'Etat.

Dès l'annonce du résultat, trois militaires en uniforme d'apparat ont descendu au pas de l'oie les escaliers de la monumentale salle où sont réunis les députés, avant de déposer un exemplaire de la Constitution sur un pupitre.

"Je jure d'être (...) loyal à la patrie et au peuple (...) et de travailler dur à l'édification d'un grand pays socialiste moderne qui soit prospère, fort, démocratique, plus civilisé et harmonieux", a promis Xi Jinping, poing droit levé et main gauche sur le document.

Les derniers mois ont toutefois été compliqués pour lui, avec de grandes manifestations fin novembre contre sa politique "zéro Covid" et une importante vague de décès qui a suivi l'abandon en décembre de cette stratégie sanitaire.

Qui est le président chinois Xi Jinping ?

A l'arrivée de Xi Jinping au pouvoir fin 2012, nombre d'observateurs prédisaient qu'il serait le plus progressiste des dirigeants communistes de l'histoire de Chine, en raison de son profil discret et de son passé familial.

Dix ans plus tard, ces prédictions se sont avérées erronées, ce qui prouve à quel point l'homme de 69 ans, qui vient d'obtenir vendredi un inédit troisième mandat de chef de l'Etat, était alors méconnu.

Dirigeant le plus puissant depuis le fondateur du régime Mao Tsé-toung, Xi Jinping s'est patiemment attelé à la consolidation de son pouvoir, bâillonnant toute dissidence, son désir de contrôle s'immisçant désormais dans nombre de sujets socio-économiques.

Séjour forcé à la campagne au contact de la rude vie paysanne, lente montée des échelons, travailleur acharné... Son parcours est inlassablement loué par l'historiographie officielle du Parti communiste chinois (PCC).

"Je conteste l'idée reçue selon laquelle Xi Jinping se bat pour le pouvoir dans le seul intérêt du pouvoir", déclare à l'AFP Alfred L. Chan, auteur d'un livre sur la vie du dirigeant chinois.

"Je dirais qu'il cherche le pouvoir (et en use) comme d'un instrument (...) pour réaliser sa vision" pour son pays, souligne-t-il.

Un autre biographe, Adrian Geiges, ne pense pas que Xi Jinping soit motivé par un désir d'enrichissement.

"Il a vraiment une vision de la Chine, il veut que la Chine devienne le pays le plus puissant du monde", assure-t-il à l'AFP.

«Mûrir plus tôt»

Au coeur de cette vision se trouve le Parti communiste, avec ce que Xi Jinping appelle le "rêve chinois" ou la "grande renaissance de la nation chinoise", victime pendant un siècle et demi d'invasions étrangères puis de troubles politiques intérieurs.

Son enfance ne laissait pas présager d'une telle ascension au sein du PCC.

Son père Xi Zhongxun, un héros révolutionnaire devenu vice-Premier ministre, a été pris pour cible par Mao Tsé-toung pendant la Révolution culturelle (1966-1976).

"Xi Jinping et sa famille ont été traumatisés", selon M. Chan.

L'adolescent perd son statut du jour au lendemain et l'une de ses demi-soeurs se serait suicidée à cause de ces persécutions. Il a lui-même déclaré avoir été ostracisé par ses camarades de classe.

A tout juste 15 ans, Xi Jinping est envoyé comme beaucoup de jeunes urbains de son âge à la campagne, participant aux durs travaux agricoles et dormant dans une habitation creusée à flanc de colline.

"L'intensité du travail m'a choqué", a-t-il déclaré plus tard.

Il a aussi raconté au journal américain Washington Post en 1992 les séances publiques de critiques au cours desquelles il devait dénoncer son père durant la Révolution culturelle.

"Même si vous ne comprenez pas (ce qui se passe), vous êtes forcés de comprendre", confiait-il alors. "Cela vous fait mûrir plus tôt".

Femme soprano 

Pour le biographe Alfred L. Chan, cette jeunesse à la dure lui a donné une certaine "solidité" mentale.

Aujourd'hui, la grotte dans laquelle il a séjourné à la campagne est devenue une attraction touristique, qui sert également à la propagande pour souligner sa préoccupation pour les plus pauvres.

Lors d'une visite de l'AFP en 2016, un habitant avait dressé le portrait d'un Xi Jinping quasi légendaire, lisant des livres lors de ses pauses entre les travaux agricoles.

Avant d'être acceptée, sa demande d'adhésion au PCC a été rejetée plusieurs fois, à cause de l'héritage paternel.

D'abord chef du PCC dans un village en 1974, Xi Jinping a commencé à un niveau très bas, gravissant progressivement les échelons.

Il devient gouverneur de la province du Fujian en 1999, puis chef du Parti pour le Zhejiang en 2002 et enfin pour Shanghai en 2007.

Son père a été réhabilité à la fin des années 1970 après la mort de Mao Tsé-toung, ce qui a très probablement facilité l'ascension politique de Xi Jinping.

Après avoir divorcé de sa première femme, il a épousé la soprano superstar Peng Liyuan en 1987, à une époque où elle était beaucoup plus connue que lui.

«Grand choc»

Cai Xia, une ancienne cadre du PCC qui vit en exil aux Etats-Unis, estime qu'"il souffre d'un complexe d'infériorité, sachant qu'il est peu éduqué par rapport aux autres hauts dirigeants du PCC".

Xi Jinping s'est par contre toujours considéré "comme un héritier de la révolution", selon M. Chan.

En 2007, il a été nommé au comité permanent du Bureau politique, la plus haute instance décisionnelle du parti.

Lorsqu'il a remplacé l'ex-dirigeant Hu Jintao cinq ans plus tard, rien ne laissait présager de ses actions en matière politique: réduction de la marge de manoeuvre des médias, baisse de la liberté académique dans les universités, mise au pas de l'opposition à Hong Kong...

Aidé par un discours patriotique voire parfois nationaliste, Xi Jinping a su tirer parti de ce récit d'une Chine ascendante, qui revient à sa juste place dans la communauté internationale, pour asseoir sa légitimité auprès de la population.

"La chute de l'Union soviétique et du socialisme en Europe de l'Est a été un grand choc" pour lui, estime M. Geiges, ajoutant que M. Xi attribue cet effondrement à l'ouverture politique.

"Il a donc décidé que cela ne devait pas arriver à la Chine (...) C'est pourquoi il veut une direction forte du Parti communiste, avec un dirigeant fort."

Félicitations de Poutine 

Le président russe Vladimir Poutine, dont le pays est un proche partenaire économique et diplomatique de la Chine, a rapidement adressé à Xi Jinping ses "sincères félicitations".

"La Russie apprécie grandement votre contribution personnelle au renforcement des relations (...) entre nos pays", a indiqué M. Poutine dans un message publié par le Kremlin.

La réélection vendredi de Xi Jinping couronne une ascension politique remarquable durant laquelle il est passé de responsable politique peu connu du grand public à dirigeant chinois le plus puissant depuis des décennies.

Auteur d'une biographie sur le président chinois, l'écrivain et journaliste suisse Adrian Geiges estime toutefois que l'enrichissement personnel n'est pas sa motivation première.

"Il a vraiment une vision pour la Chine, il veut que la Chine devienne le pays le plus puissant du monde", déclare-t-il.

Pendant des décennies, la République populaire de Chine, échaudée par le chaos politique et le culte de la personnalité durant le règne (1949-1976) de son dirigeant et fondateur Mao Tsé-toung, avait promu une gouvernance plus collégiale au sommet du pouvoir.

En vertu de ce modèle, les prédécesseurs de Xi Jinping, à savoir Jiang Zemin puis Hu Jintao, avaient chacun cédé leur place de président après dix années à ce poste.

Mais M. Xi a mis fin à cette règle en faisant abolir en 2018 dans la Constitution la limite de deux mandats présidentiels, tout en laissant se développer autour de lui un quasi-culte de la personnalité.

Chine: un 3e mandat pour Xi Jinping, quatre principaux défis

Xi Jinping, qui a obtenu vendredi un troisième mandat de président chinois jusqu'en 2028, fera face à quatre principaux défis: l'économie, les tensions avec les Etats-Unis, la question de Taïwan et les droits humains.

Economie au ralenti 

Le ralentissement économique de la Chine sera certainement un sujet central de son nouveau mandat de cinq ans.

Mais sa décision de s'entourer exclusivement de fidèles fait craindre qu'il ne privilégie l'idéologie au détriment de la croissance.

Vendredi à la mi-journée, la Bourse de Hong Kong chutait d'ailleurs de 2,46%.

La deuxième économie mondiale, longtemps habituée à des rythmes de croissance élevés, a vu son PIB progresser de seulement 3% en 2022, sous l'effet des restrictions sanitaires et de la crise immobilière.

Pour 2023, le gouvernement vise "environ 5%", un des objectifs les plus faibles depuis des décennies.

Et le profil de ceux que Xi Jinping a choisis aux postes les plus élevés du gouvernement laisse penser que l'ère des réformes libérales est révolue et que désormais, c'est essentiellement l'Etat qui mènera la danse.

S'il espérait faire de la consommation le nouveau moteur de l'économie, force est de constater que celle-ci n'est pas encore au rendez-vous. Quant à son concept de "prospérité commune", censé réduire les écarts de richesse dans la population, M. Xi semble plus discret sur le sujet ces derniers mois.

Tensions avec Washington 

Les relations bilatérales ont viré à l'aigre ces dernières années, sur fond de compétition technologique et commerciale, droits humains ou encore bataille sur l'origine du Covid-19.

Une visite prévue en février par le secrétaire d'Etat américain Antony Blinken a été reportée in extremis après que l'administration Biden a abattu un ballon chinois qu'elle accusait d'espionnage sur son territoire. Des affirmations démenties par la Chine.

Depuis, le ton n'a cessé de monter sur le front diplomatique. Mardi, le ministre des Affaires étrangères Qin Gang a prévenu du risque de "conflit et confrontation" si Washington ne change pas de cap.

Xi Jinping lui-même a émis une rare critique directe des autorités américaines, en leur reprochant nommément d'entraîner les pays occidentaux dans "une politique d'endiguement, d'encerclement et de répression contre la Chine".

La question de Taïwan 

Fort de son nouveau mandat, Xi Jinping pourrait peut-être décider que le moment est venu pour Pékin de s'emparer de l'île, administrée par un gouvernement démocratique et que la Chine revendique comme faisant partie de son territoire.

Le sujet est devenu de plus en plus sensible ces dernières années, comme l'a illustré la visite en août dernier à Taïwan de Nancy Pelosi, alors présidente de la Chambre américaine des représentants.

Furieuse, la Chine avait répliqué en lançant les plus importantes manoeuvres militaires de son histoire autour de l'île.

En octobre, le Parti communiste a inclus pour la première fois dans sa constitution son opposition à l'indépendance du territoire insulaire.

Toute invasion chinoise de Taïwan aurait un effet dévastateur sur les chaînes mondiales d'approvisionnement, compte tenu du rôle crucial de l'île dans la production de semi-conducteurs, composants indispensables à une multitude d'appareils électroniques.

Elle provoquerait aussi l'indignation des Occidentaux, isolerait la Chine et rapprocherait plus que jamais Pékin et Washington d'une confrontation armée directe.

Pékin a annoncé dimanche une hausse de son budget de la Défense de 7,2%, son rythme le plus élevé depuis 2019.

Cette hausse "soutenue, d'année en année" du budget militaire fait "sonner creux" l'affirmation chinoise selon laquelle la modernisation de son armée ne menace pas ses voisins, estime Drew Thompson, chercheur invité à l'Ecole de politiques publiques Lee Kuan Yew de l'université nationale de Singapour.

Les dépenses militaires chinoises restent cependant aux alentours des 2% du PIB, un taux inférieur à celui des Etats-Unis.

Droits humains 

Depuis l'arrivée au pouvoir de Xi Jinping fin 2012, la société civile a quasiment disparu, l'opposition a été étouffée et des dizaines de militants sont en prison.

Au Xinjiang (nord-ouest), Pékin est accusé d'avoir interné dans des "camps" au moins un million de personnes, principalement de la minorité musulmane ouïghoure, en réponse à une vague d'attentats sanglants ayant frappé la région.

Certaines études occidentales évoquent un "génocide" en raison de cas de stérilisations et d'avortements présentés comme "forcés". La Chine réfute toutes ces allégations.

Un rapport de l'ONU évoque la possibilité de "crimes contre l'humanité" dans la région mais ne reprend pas le terme de "génocide", utilisé notamment par les Etats-Unis.

La situation en matière de droits humains a peu de chance de s'améliorer durant le troisième mandat de Xi Jinping, dont le pouvoir semble désormais inébranlable et insensible aux pressions internationales.

«Plus sûre d'elle»

Xi Jinping devient donc le dirigeant suprême à rester le plus longtemps au pouvoir dans l'histoire récente de la Chine.

Septuagénaire à l'issue de ce nouveau mandat, il pourrait même potentiellement prolonger pour un nouveau quinquennat si aucun dauphin crédible ne s'affirme dans l'intervalle.

Mais ses défis restent nombreux à la tête de la deuxième économie mondiale, entre le ralentissement de la croissance, la chute de la natalité ou encore l'image internationale de la Chine qui s'est fortement dégradée ces dernières années.

Les relations avec les États-Unis sont, elles, au plus bas, les contentieux étant nombreux, de Taïwan au traitement des musulmans ouïghours, en passant par la rivalité dans les technologies.

Xi Jinping a encore condamné cette semaine la "politique d'endiguement, d'encerclement et de répression contre la Chine" mise en place par "des pays occidentaux menés par les États-Unis".

"Nous allons voir une Chine plus sûre d'elle sur la scène internationale, qui va affirmer son discours de manière plus prononcée" tout en tentant "de réduire sa dépendance vis-à-vis du reste du monde", prédit Steve Tsang, de l'institut SOAS China à l'Université de Londres.

Le Parlement a également procédé vendredi à des élections formelles pour d'autres postes institutionnels.

Jusqu'ici vice-Premier ministre, Han Zheng (68 ans) a été élu vice-président en remplacement de Wang Qishan (74 ans).

La présidence du comité permanent du Parlement revient à Zhao Leji.


Selon une source ukrainienne , Zelensky ne serait pas prêt à signer un accord sur les minerais avec Washington

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky (Photo AFP )
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky (Photo AFP )
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Le président ukrainien Volodymyr Zelensky n'est « pas prêt » à signer un accord avec les États-Unis qui leur offrirait un accès préférentiel aux minerais du pays, a affirmé samedi à l'AFP une source ukrainienne proche du dossier, alors que les deux pays sont en pleines tensions.

Donald Trump réclame depuis plusieurs semaines l'équivalent de 500 milliards de dollars de terres rares, en guise de dédommagement, selon lui, du soutien américain à Kiev face à l'invasion russe, une condition qu'Ukraine ne peut accepter pour l'instant.

« Le président ukrainien n'est pas prêt à accepter le projet dans sa forme actuelle. Nous essayons toujours de faire des changements de manière constructive », a expliqué cette source ukrainienne qui a requis l'anonymat.

« Ils veulent nous soutirer 500 milliards de dollars », a-t-elle accusé.

« Quel genre de partenariat est-ce là ? (...) Et pourquoi devons-nous donner 500 milliards, il n'y a pas de réponse », a-t-elle encore dit, affirmant que Kiev avait « proposé des amendements. Ils ont été soumis ».

Depuis l'appel entre Donald Trump et Vladimir Poutine le 12 février, Moscou et Washington ont exprimé leur volonté de repartir sur de nouvelles bases, et le président américain a complètement renversé la position de son pays concernant la guerre en Ukraine, en reprenant la rhétorique du Kremlin sur la responsabilité de Kiev.

Le 24 février 2022, l'Ukraine a été envahie par la Russie, le Kremlin affirmant agir pour protéger le pays contre la menace de l'OTAN et empêcher un élargissement de l'organisation.

Donald Trump souhaite négocier un accord avec l'Ukraine afin d'obtenir un accès à 50 % de ses minerais stratégiques, en guise de compensation pour l'aide militaire et économique déjà fournie à Kiev.

Le conseiller à la sécurité nationale de M. Trump, Mike Waltz, s'est montré très pressant vendredi.

« Le président Zelensky va signer cet accord, et vous le verrez à très court terme, et c'est bon pour l'Ukraine », a-t-il insisté lors d'un rassemblement de conservateurs près de Washington.

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a rejeté avec vigueur la première proposition américaine d'accord, arguant qu'il ne pouvait « pas vendre » son pays.

Il a toutefois laissé la porte ouverte à des « investissements » américains en échange de telles garanties.

De son côté, Donald Trump affirme que les États-Unis ont dépensé 350 milliards de dollars pour s'engager dans une guerre qui ne pouvait pas être gagnée. Or, selon l'institut économique IfW Kiel, l'aide américaine globale à l'Ukraine, financière, humanitaire et militaire, a atteint 114,2 milliards d'euros (près de 120 milliards de dollars au cours actuel) entre début 2022 et fin 2024, dont 64 milliards d'euros en assistance militaire.

Le 1er février, M. Zelensky a assuré que l'Ukraine n'avait reçu à ce stade que 75 des 177 milliards de dollars d'aide votée par le Congrès américain.


Les États-Unis proposent à l'ONU une résolution pour « une fin rapide » du conflit en Ukraine

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky (G) accueille l'envoyé américain Keith Kellogg dans ses bureaux à Kiev le 20 février 2025, dans le contexte de l'invasion russe de l'Ukraine.  (Photo par Sergei SUPINSKY / AFP)
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky (G) accueille l'envoyé américain Keith Kellogg dans ses bureaux à Kiev le 20 février 2025, dans le contexte de l'invasion russe de l'Ukraine. (Photo par Sergei SUPINSKY / AFP)
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  • Les États-Unis ont proposé un projet de résolution à l'Assemblée générale de l'ONU qui ne mentionne pas le respect de l'intégrité territoriale de l'Ukraine.
  • Le texte proposé par les États-Unis ne condamne pas l'agression russe ni ne fait référence explicite à l'intégrité territoriale de l'Ukraine, ce qui ressemble à une trahison de la part de Kiev et à un coup bas contre l'UE.

NATIONS-UNIES : Les États-Unis ont proposé un projet de résolution à l'Assemblée générale de l'ONU qui ne mentionne pas le respect de l'intégrité territoriale du pays, après une nouvelle attaque du président américain Donald Trump contre son homologue ukrainien Volodymyr Zelensky.

Dans un communiqué, le secrétaire d'État américain, Marco Rubio, a exhorté les pays membres de l'ONU à approuver cette nouvelle résolution « simple » et « historique », et « tous les États membres à la soutenir, afin de tracer un chemin vers la paix ».

« Cette résolution est une bonne idée », a rapidement commenté l'ambassadeur russe à l'ONU, Vassili Nebenzia, déplorant toutefois l'absence de référence « aux racines » du conflit.

Les Européens, désarçonnés par l'ouverture du dialogue américano-russe sur l'Ukraine, n'avaient pas réagi samedi matin à la proposition américaine.

« Nous n'avons pas de commentaire pour l'instant », a simplement indiqué l'ambassadeur français à l'ONU Nicolas de Rivière, alors que l'Assemblée générale doit se réunir lundi.

Le texte proposé par les États-Unis ne condamne pas l'agression russe ni ne fait référence explicite à l'intégrité territoriale de l'Ukraine, ce qui ressemble à une trahison de la part de Kiev et à un coup bas contre l'UE, mais aussi à un mépris pour les principes fondamentaux du droit international », a déclaré à l'AFP Richard Gowan, de l'International Crisis Group.

L'Assemblée générale de l'ONU se réunit lundi pour marquer le troisième anniversaire de l'invasion russe de l'Ukraine.

À cette occasion, l'Ukraine et les Européens ont préparé un projet de résolution qui souligne la nécessité de « redoubler » d'efforts diplomatiques pour mettre fin à la guerre « cette année », et prend note des initiatives de plusieurs États membres ayant présenté « leur vision pour un accord de paix complet et durable ».

Le texte réitère également les précédentes demandes de l'Assemblée générale, appelant à un retrait immédiat et inconditionnel des troupes russes d'Ukraine ainsi qu'à la cessation des attaques de la Russie contre l'Ukraine.

Ces précédents votes avaient rassemblé plus de 140 voix sur les 193 États membres.

Les nouvelles salves de M. Trump contre M. Zelensky interviennent alors que la visite de l'émissaire du président américain, Keith Kellogg, semblait avoir apaisé la situation. Ces nouvelles attaques de M. Trump contre M. Zelensky font suite à des premières invectives virulentes plus tôt dans la semaine, qui avaient suscité une vive réaction de la part de Kiev et la stupéfaction de ses alliés européens.

M. Zelensky avait déclaré avoir eu des échanges « productifs » avec M. Kellogg, et ce dernier l'avait qualifié de « dirigeant courageux et assiégé d'une nation en guerre ».

Vendredi, le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a réaffirmé que le président Vladimir Poutine était « ouvert » à des pourparlers de paix.

La Russie exige notamment que l'Ukraine lui cède quatre régions ukrainiennes, en plus de la Crimée qu'elle a annexée en 2014, et qu'elle n'adhère jamais à l'Otan. Des conditions jugées inacceptables par les autorités ukrainiennes qui demandent à leurs alliés des garanties de sécurité solides.

M. Trump et ses collaborateurs ont jugé « irréaliste » l'adhésion de l'Ukraine à l'Otan et son ambition de reprendre ses territoires perdus à la Russie.

Sur le terrain, la situation reste difficile pour les troupes ukrainiennes. L'armée russe a revendiqué vendredi la prise de deux localités dans l'est de l'Ukraine.


60 ans après, l'assassinat de Malcolm X continue de secouer l'Amérique

L'avocat Ben Crump (à droite) et la fille de Malcolm X, Ilyasah Shabazz, s'adressent à la presse pour demander la déclassification des documents du pasteur musulman afro-américain et militant des droits de l'homme Malcolm X, à l'occasion du 60e anniversaire de son assassinat, à Harlem, dans l'État de New York, le 21 février 2025. La conférence de presse s'est tenue au Malcolm X and Dr Betty Shabazz Memorial and Educational Center, dans la salle de bal où Malcolm X a été assassiné le 21 février 1965. (Photo de CHARLY TRIBALLEAU / AFP)
L'avocat Ben Crump (à droite) et la fille de Malcolm X, Ilyasah Shabazz, s'adressent à la presse pour demander la déclassification des documents du pasteur musulman afro-américain et militant des droits de l'homme Malcolm X, à l'occasion du 60e anniversaire de son assassinat, à Harlem, dans l'État de New York, le 21 février 2025. La conférence de presse s'est tenue au Malcolm X and Dr Betty Shabazz Memorial and Educational Center, dans la salle de bal où Malcolm X a été assassiné le 21 février 1965. (Photo de CHARLY TRIBALLEAU / AFP)
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  • Six décennies jour pour jour après sa mort, un hommage est rendu vendredi à la figure de proue du mouvement « Black Power », notamment pour son héritage en matière de « justice sociale ».
  • « Nous espérons que la vérité tant attendue éclatera, après 60 ans d'attente, et que ce qui s'est passé sera documenté », explique à l'AFP Ilyasah Shabazz, la fille de Malcolm X.

NEW-YORK : Six décennies jour pour jour après sa mort, un hommage est rendu vendredi à la figure de proue du mouvement « Black Power », notamment pour son héritage en matière de « justice sociale ». C'est ce que rappelle le Shabazz Center, le mémorial et centre éducatif installé dans l'ancienne salle de bal de Harlem où il a été abattu à 39 ans, au faîte de son influence, et ce quelques mois seulement après l'abolition de la ségrégation raciale.

Qui a commandité le meurtre ? Comment le drame a-t-il pu survenir en pleine réunion publique, alors que les menaces pesant sur le militant, porte-voix de la « Nation of Islam » puis de l'abolition des discriminations, étaient connues des autorités ?

Pour obtenir des réponses, sa famille a engagé en novembre 2024 des poursuites au civil spectaculaires, réclamant 100 millions de dollars aux forces de l'ordre et aux agences fédérales qu'elle accuse, selon elle, d'avoir joué un rôle à divers degrés dans son assassinat.

Dans ce dossier qui doit entrer dans le vif du sujet début mars devant un tribunal de Manhattan, la famille assure disposer d'éléments nouveaux lui permettant d'assigner en justice la police de New York (NYPD), le FBI ou encore la CIA.

« Nous espérons que la vérité tant attendue éclatera, après 60 ans d'attente, et que ce qui s'est passé sera documenté », explique à l'AFP Ilyasah Shabazz, la fille de Malcolm X.

- « Qui a donné l'ordre ? » -

Selon l'assignation en justice, la famille du leader afro-américain, également connu sous le nom d'El-Hajj Malik El-Shabazz, estime que les forces de l'ordre et les services de renseignement américains ont sciemment désengagé les policiers dont la mission était de le protéger la nuit du drame.

Des agents en civil ne sont pas non plus intervenus au moment des faits et, depuis sa mort, les agences de renseignement s'emploieraient à dissimuler leurs agissements, selon la plainte.

Contactée par l'AFP, la police de New York n'a pas souhaité s'exprimer pour l'instant.

« Cette dissimulation a duré des décennies, privant la famille Shabazz de la vérité et de leur droit à obtenir justice », estime auprès de l'AFP Me Ben Crump, qui défend le dossier pour les filles de Malcolm X.

« Nous écrivons l'histoire en nous dressant ici face à ces torts et en demandant des comptes devant les tribunaux », se félicite le conseil, qui a demandé vendredi la « déclassification de documents » liés à ce dossier.

L'affaire avait déjà rebondi en 2021, lorsque deux des trois anciens hommes reconnus coupables de l'assassinat et ayant passé plus de vingt ans derrière les barreaux ont finalement été innocentés, ce qui constitue l'une des plus grandes erreurs judiciaires des États-Unis. En réparation, les deux Afro-Américains ont touché 36 millions de dollars de la part de la ville et de l'État de New York.

« On sait déjà assez précisément comment l'assassinat de Malcolm X s'est déroulé. On sait qui en est responsable : cinq membres de la Nation of Islam. La seule chose qu'on ignore, c'est qui a donné l'ordre », observe Abdur-Rahman Muhammad, historien et spécialiste reconnu du dossier, dont les travaux pendant des décennies ont contribué à disculper les deux accusés à tort.

Selon lui, les éléments mis en avant aujourd'hui par la famille de Malcolm X sont « peu crédibles ».

Il concède toutefois que « si la plainte permet de déterminer qui a donné l'ordre final, alors elle aura de la valeur ».

Cet énième rebondissement aura au moins permis de remettre en avant « l'héritage » de Malcolm X, plus important que jamais sous le second mandat de Donald Trump, « ennemi implacable » de la communauté noire, affirme l'historien.

« Cela va inciter les Afro-Américains à se serrer les coudes », anticipe Abdur-Rahman Muhammad. « En résumé, la communauté noire doit revenir au message de Malcolm : lutter. »