PARIS: Six semaines après le discours d'Emmanuel Macron aux Mureaux, dans le département des Yvelines, le projet de loi contre le séparatisme, rebaptisé «projet de loi confortant les principes républicains», a été transmis aux présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat le 17 novembre dernier.
Ce projet de loi qui «impose la neutralité politique et religieuse», sera examiné en Conseil des ministres le 9 décembre prochain, date anniversaire de l’adoption de la loi de 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État. «Nous ne sommes pas une société d'individus, nous sommes une nation de citoyens. Notre plus beau trésor, c'est ce bloc que nous formons, il est un et pluriel», avait déclaré le président de la république le 2 octobre dernier lors de son discours contre le séparatisme islamiste.
Lutte contre l’apologie de la haine et du terrorisme en ligne, scolarisation des enfants, encadrement des associations, neutralité des services publics, réorganisation des cultes, dignité et égalité figurent parmi les nouvelles mesures révélées le 18 novembre par les ministres Gérald Darmanin et Éric Dupond-Moretti, respectivement ministre de l’Intérieur et garde des Sceaux.
Les deux ministres, qui ont accordé une interview croisée au journal Le Figaro, ont indiqué que la future loi contiendra «des dispositions importantes renforçant la loi de 1905 sur l’organisation des cultes, sur la lutte contre les dérives sectaires, la citoyenneté».
Apologie de la haine en ligne
À la suite de la diffusion d’une vidéo sur Internet par un parent d’élève mettant en cause le professeur Samuel Paty, assassiné le 16 octobre dernier à Conflans-Sainte-Honorine – un acte qui a bouleversé le pays – le ministre de la Justice, Éric Dupond-Moretti, a révélé qu’un délit de «mise en danger de la vie d’autrui par divulgation d’informations liées à sa vie privée, familiale ou professionnelle d'une personne permettant de l'identifier ou de la localiser», sera inclus dans le texte. Le garde des Sceaux affirme qu’un «pôle de magistrats spécialement dédié à la lutte contre la haine en ligne» sera créé au Parquet de Paris. «Nous allons faire en sorte que ceux qui diffusent ce poison qu'est la haine en ligne soient immédiatement jugés devant le tribunal correctionnel dans le cadre d'une comparution immédiate», précise-t-il sur RTL.
Pour assurer la neutralité des services publics, le futur texte de loi prévoit aussi des sanctions contre «les menaces, les violences ou tout acte d’intimidation pour des motifs communautaires et séparatistes» qui seraient perpétrés contre les agents du service public. Le service public est le «bras armé de l'impartialité de l'État» rappelle le projet de loi.
«Il n’y aura plus de possibilité de faire des pressions communautaires sur le service public», a indiqué, de son côté, le ministre de l’Intérieur sur les ondes d’Europe 1. «Un parent qui va voir un enseignant pour lui dire d’arrêter d’enseigner la liberté d’expression en montrant les caricatures de Mahomet, cela pourra être poursuivi par la justice, et un juge pourra dire, “si vous êtes étranger, et si vous êtes condamnés pour ce délit, vous pouvez quitter le territoire national”», ajoute-t-il.
Suivi de la scolarisation des enfants, contrôle renforcé des associations
Le ministre de l’Intérieur a précisé qu’un fichier sera créé pour recenser les enfants en âge d’être scolarisés, permettant ainsi aux services de l’État de faire des contrôles de suivi de scolarité. Pour assurer le droit à l’instruction, un identifiant national sera attribué à chaque enfant en âge scolaire, un procédé similaire à celui appliqué aux lycéens et étudiants (l’Identifiant national étudiant unique, [INE]).
Le texte de loi prévoit aussi le renforcement de l'encadrement des écoles hors contrat, en y introduisant «un régime de fermeture administrative» en cas de «dérives».
Dans la cadre de la future loi, les subventions accordées aux associations se feront sous conditions. «Chaque association devra signer un engagement selon lequel elle respecte les valeurs de la République», prévient le ministre de l’Intérieur. Dans le viseur: «les associations manifestement communautaristes».
De ce fait, les motifs de dissolution en Conseil des ministres sont élargis. La future loi, qui conforte les principes républicains, permettra d’imputer à une association «des agissements commis par ses membres et directement liés aux activités de cette association».
«Toute demande de subvention fait désormais l'objet d'un engagement de l'association à respecter les principes et valeurs de la République. La violation de ce contrat d'engagement républicain a pour conséquence la restitution de la subvention», stipule le projet de loi.
Réorganisation des cultes
En général, les 2 500 lieux de culte musulman répertoriés en France sont rattachés au régime des associations prévu dans le cadre de la loi de 1901. Or, le futur projet de loi les incite à s’inscrire sous le régime de la loi de 1905, lequel est considéré comme étant plus transparent sur l’aspect financier. Selon les pouvoirs publics, ce dispositif réglementaire permettra de «garantir la transparence des conditions de l'exercice du culte». Ces institutions pourront ainsi avoir accès à des déductions fiscales.
Pour assurer la transparence dans le financement des lieux de cultes, les dons étrangers dépassant 10 000 euros seront soumis à une déclaration de ressources. «La certification des comptes annuels par un commissaire aux comptes est prévue dès lors que l'association bénéficie d'avantages ou de ressources provenant de l'étranger», mentionne le projet de loi.
De son côté, le ministre de l’Intérieur a précisé que «pour la première fois, on va savoir qui finance qui sur notre sol, et nous allons donner plus de moyens à Tracfin pour s'opposer à tous les flux indésirables».
Dignité et égalité
Pour garantir l’égalité à l’héritage, interdire la polygamie et le mariage forcé, la future loi prévoit de garantir le droit des familles et la protection des femmes. À ce titre, un article de la loi est consacré à l’interdiction de «l'ensemble des professionnels de santé l'établissement de certificats attestant de la virginité d'une personne». Pour lutter plus efficacement contre polygamie – interdite en France – les titres de séjour ne seront plus délivrés aux polygames.
Enfin, pour lutter contre les mariages forcés, l’officier de l’État civil sera dans l’obligation de «s’entretenir avec les futurs époux lorsqu’il existe un doute sur le caractère libre du consentement», mentionne le texte. Cette mesure va permettre, le cas échéant, de «saisir le procureur de la République aux fins d’éventuelle opposition au mariage s’il conserve des doutes», précise le texte.