PARIS: "France à l'arrêt" promise par les syndicats, vote sur l'âge de départ en retraite attendu au Sénat: une semaine cruciale s'ouvre pour Emmanuel Macron et son gouvernement, résolus à tenir et impatients de pouvoir passer à la suite du quinquennat.
"Je n'ai pas grand-chose de neuf à dire". Depuis Kinshasa samedi, le chef de l'Etat n'a pas voulu rajouter une pièce dans le débat sur les retraites, avant une nouvelle journée de mobilisation mardi qui s'annonce très suivie, et sur fond de rumeurs récurrentes de tensions au sein de l'exécutif.
Mais dans sa prudente réponse, le président résume bien l'état d'esprit de la macronie: "tout n'est pas suspendu à une seule chose. Et tout ne doit pas l'être".
Manière de signifier que le camp présidentiel n'entend pas céder.
Aurore Bergé l'a martelé dimanche: la réforme est "indispensable". Et, "quoi qu'en dise (le patron de la CGT) Philippe Martinez, il y aura un après-retraites", a ajouté la cheffe des députés Renaissance pour bien montrer que les autres projets du gouvernement suivent leur cours.
"Reculer, pour Emmanuel Macron, ce serait abdiquer. (...) S'il reculait, il ne pourrait plus réformer, c'en serait terminé de son quinquennat", juge le patron des sénateurs LR Bruno Retailleau.
Tenir bon, tabler sur une érosion du mouvement social, voire une résignation de l'opinion ?
"Depuis le début, on a deux sondages parallèles qui sont pour moi étonnants", relève la vice- présidente socialiste du Sénat Laurence Rossignol, vent debout contre le texte. "D’un côté, 7 Français sur 10 ne veulent pas de la réforme. Et de l’autre côté une majorité de Français pense que le gouvernement va finir par la faire adopter et l'imposer. J’ai envie de dire aux Français : ayez confiance en vous !".
Obstruction feutrée au Sénat
Depuis jeudi, la réforme est débattue dans l'hémicycle du Sénat. Loin de la bataille rangée de l'Assemblée, les groupes de gauche pratiquent une sorte d'obstruction feutrée. "Avec deux objectifs: que l'article 7 (sur le report à 64 ans de l'âge de départ, NDLR) ne soit pas voté" avant mardi et "que ce projet de loi ne soit pas adopté", explique Mme Rossignol.
Calendrier contraint oblige, le texte sera étudié jusqu'au 12 mars minuit, avec ou sans vote final. Il sera ensuite transmis en commission mixte paritaire et devra, en cas d'accord, être adopté définitivement par l'Assemblée et le Sénat.
Sans garantie, pour le gouvernement, compte-tenu des divisions de la droite, de pouvoir faire l'économie d'un 49-3, qui permettrait l'adoption sans vote de la réforme, ce qui serait ravageur d'un point de vue politique.
En attendant, il est urgent de tenter d'esquisser l'après-retraites.
Un exercice délicat. "On est dans un entre-deux. On ne peut pas enjamber les retraites et prendre le risque de donner l'impression que c'est fait. Ce n'est pas fait. Et en même temps, tout le monde a besoin de perspectives. Il y aura quoi, entre les retraites et les JO-2024 ? Ça serait bien de parvenir à ça", explique une conseillère ministérielle.
"Emmanuel Macron cherche un peu à revenir sur la scène nationale en post-retraites, sur le thème 'qu'est-ce qu'on fait après'". Mais "vu le programme développé en 2022, il n’y a pas grand-chose à développer. Les retraites, on a vendu quasiment que ça pendant la campagne", jugeait récemment un ex-député Renaissance.
La suite, Élisabeth Borne s'y emploie également. Si la Première ministre défendra la réforme lundi sur France 5, son agenda comprend également deux réunions ministérielles consacrées à la planification écologique et au devenir du marché européen de l'énergie.
Dans l'hémicycle, c'est le ministre du Travail, Olivier Dussopt, et son collègue chargé
des Comptes publics, Gabriel Attal, qui défendent le texte. Une réforme "de gauche" qui ne fera "pas de perdants", assure dans Le Parisien M. Dussopt, l'ex-socialiste alimentant les critiques de son ancien camp.
Un nouvelle polémique après la sortie du porte-parole du gouvernement, Olivier Véran, sur la journée de mobilisation qui ferait courir le risque d'une "catastrophe écologique et sanitaire". Ou encore des confessions du ministre chargé des Relations avec le Parlement, Franck Riester, sur les femmes "pénalisées" par la réforme et l'interminable débat sur le nombre de bénéficiaires de la pension minimale à 1.200 euros.
De quoi nourrir les rumeurs récurrentes sur un possible remaniement ... après les retraites.