Ambassadeur de France au Maroc: pas de crise entre Rabat et Paris mais uniquement des «quiproquos»

Christophe Lecourtier, l’ambassadeur de France au Maroc. (Photo, Ambassade de France au Maroc)
Christophe Lecourtier, l’ambassadeur de France au Maroc. (Photo, Ambassade de France au Maroc)
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Publié le Lundi 06 mars 2023

Ambassadeur de France au Maroc: pas de crise entre Rabat et Paris mais uniquement des «quiproquos»

  • Lors d’un entretien exclusif avec Arab News en français, Christophe Lecourtier, l’ambassadeur de France au Maroc, rejette le terme de crise diplomatique entre les deux pays. Il évoque des «incompréhensions, des «quiproquos», voire de «petites turbulences»
  • «Quel intérêt la France aurait à utiliser le Parlement européen contre le Maroc, un partenaire majeur ?», explique Christophe Lecourtier, réagissant à une polémique après le vote par Bruxelles d’une résolution critique à l’égard du Maroc

PARIS: Les liens profonds qui unissent la France au Maroc ne datent pas d’hier. Les mots ne manquent pas pour les qualifier: partenariat d’exception, exemplaire, relation de solidarité, fraternelle, de confiance… Et pourtant, aujourd’hui, il semblerait que ces relations ne soient plus au beau fixe. Pour nombre d’observateurs, des signaux ne trompent pas. La visite du président français dans le royaume, qui était prévue pour le début d’année, se fait de plus en plus attendre, et le non-remplacement de l’ambassadeur marocain en France depuis la mi-janvier pose question. Parmi les autres dossiers chauds, l’épineuse question du Sahara occidental, où Rabat reproche à Paris sa position ambiguë, les allégations de corruption, les soupçons d'espionnage, ou le vote récent par le Parlement européen d’une résolution critique à l’égard du Maroc, qui aurait été poussée par la France selon Rabat. On peut enfin mentionner les restrictions sur l’octroi de visas pour les Marocains, qui, même si elles ont été levées récemment, ont laissé des séquelles. Ces signes de crispation qui se multiplient sont-ils révélateurs d’une crise diplomatique entre les deux alliés historiques?

Lors d’un entretien exclusif avec Arab News en français, Christophe Lecourtier, l’ambassadeur de France au Maroc, rejette ce terme. Il évoque plutôt des «incompréhensions, des «quiproquos», voire de «petites turbulences». Des termes qui sont au diapason de récents propos tenus par Emmanuel Macron lors d’une conférence de presse sur sa stratégie en Afrique. Le président français a en effet déclaré qu’il allait continuer à «avancer» pour renforcer la relation de la France avec l’Algérie et le Maroc au-delà des «polémiques» et que ses relations personnelles avec le roi Mohammed VI étaient «amicales». Des propos démentis par une source officielle du gouvernement marocain, qui a déclaré au mensuel Jeune Afrique que «les relations n’étaient ni amicales, ni bonnes, pas plus entre les deux gouvernements qu’entre le Palais et l’Élysée».

Pour Christophe Lecourtier, tout juste nommé au poste d’ambassadeur il y a deux mois, l’heure est à «la clarification afin de retrouver un dialogue constructif avec le Maroc».

Macron viendra, viendra pas?

Un dialogue qui devrait davantage se matérialiser avec la visite attendue d’Emmanuel Macron. L’ambassadeur de France au Maroc assure à Arab News en français qu’elle aura bien lieu. Le diplomate n’a communiqué aucune date, mais le président français devrait très vraisemblablement se rendre au Maroc au cours du premier trimestre 2023. Pour Christophe Lecourtier, le «report» de la visite n’est pas lié aux tensions qui traversent les deux pays. «Cette visite fait l’objet de beaucoup de travail en amont de part et d’autre, afin de refonder le partenariat d’exception qui existe entre la France et le Maroc», explique l’ambassadeur. «Nous avons construit, depuis l’indépendance du Maroc, une relation très intéressante mais aujourd'hui nous sommes dans un autre siècle, il y a d'autres enjeux pour le Maroc. La France aussi a changé et il est donc assez logique, et même nécessaire, de revisiter notre partenariat», poursuit l’ambassadeur, qui regrette que la Covid-19 ait compliqué les relations entre les deux pays.

Pour M. Lecourtier, «la visite du président de la République, lorsqu'elle interviendra, doit permettre de poser avec le Maroc un certain nombre de jalons importants pour démontrer ce caractère d'exception entre les deux pays et qui se prolongera dans les dix, vingt ans à venir. Le terme d'exception veut bien dire ce qu'il veut dire. Il y a donc des exigences de part et d’autre».

Le diplomate tient à mettre en avant les avancées réalisées par le Maroc, qui rappelle-t-il, a élaboré un nouveau modèle de développement. Une stratégie «très claire et ambitieuse», se félicite-t-il. «L’enjeu est aujourd’hui de voir comment la France peut contribuer à apporter sa pierre, parmi d’autres partenaires, pour permettre la réussite de cet agenda.»

Vers un renforcement du partenariat économique?

Les relations économiques entre Paris et Rabat sont très étroites. La France est le deuxième partenaire commercial du Maroc après l’Espagne. Selon la dernière étude du Trésor français, la France a investi près de 11 milliards d’euros en 2019 au Maroc. Le pays représente plus de 35% du stock d’investissements étrangers (IDE) du royaume chérifien.

Fort de son profil résolument tourné vers le financier et l’économique (il a notamment dirigé le cabinet de Christine Lagarde avant de devenir directeur général de Business France), Christophe Lecourtier serait-il l’homme de la situation pour œuvrer au renforcement du partenariat économique entre les deux pays? Les relations tumultueuses entre la France et le Maroc pourraient-elles plomber les échanges commerciaux?

Ce n’est absolument pas le cas, assure l’ambassadeur de France, qui rappelle les différents projets existants et en développement. Fin 2018, le Maroc a en effet inauguré la première ligne à grande vitesse (LGV) d’Afrique, fruit d’un partenariat entre l’Office national des chemins de fer (ONCF) et la SNCF. Un grand succès technique, industriel et commercial, dont tous les Marocains peuvent être fiers», affirme l'ambassadeur. Le royaume souhaite faire construire une nouvelle ligne à grande-vitesse Marrakech-Agadir et prolonger l’actuel LGV Tanger-Casablanca. La France est-elle favorite pour remporter le marché? Pour l’ambassadeur, le ferroviaire français continuera  d’accompagner le développement du Maroc dans les années à venir, et il appartient aux entreprises françaises de faire aux autorités marocaines et à l’ONCF une offre qui soit la plus compétitive possible. Le Maroc tend en effet de plus en plus à diversifier ses partenaires, et des pays comme la Chine et l’Espagne n’ont pas caché leur désir de remporter ce juteux marché, évalué à plus de 75 milliards de dirhams (environ 6,8 milliards d’euros).

Pour le diplomate, le partenariat économique ne se limite pas à la ligne grande vitesse. «La France peut apporter sa contribution à bien d’autres projets», assure-t-il, en citant le secteur automobile dont Renault est le fer de lance, avec 11 000 emplois directs dépendant de l’entreprise française au Maroc – ou  le secteur de l’énergie, pour lequel le Maroc a de grandes ambitions.

Résolution contre le Maroc au Parlement européen: la France a-t-elle joué un rôle?

Parmi les sujets de friction entre la France et le Maroc, il y a évidemment l’adoption le 19 janvier par les eurodéputés d’une résolution condamnant la liberté de la presse au Maroc, à laquelle viennent s’ajouter des soupçons d’une implication de Rabat dans le scandale de corruption qui secoue le Parlement européen depuis décembre.

Le vote des eurodéputés a entraîné une levée de boucliers médiatique au Maroc. La classe politique marocaine a aussi vivement réagi en accusant la France d’être à l’origine de la résolution, affirmant qu’un proche de la présidence française, Stéphane Séjourné, chef du groupe centriste Renaissance (Renew) à Bruxelles avait «orchestré» une campagne antimarocaine. L’ambassadeur français réaffirme à Arab News en français que «cette résolution n’engage pas la France».

«Il y a des constructions qu’on lit sur les réseaux sociaux ou dans la presse qui sont extraordinairement alambiquées et qui prêtent à la France un rôle qu’elle n’a pas joué», affirme Christophe Lecourtier. «Quel intérêt la France aurait à utiliser le Parlement européen contre le Maroc, qui est un partenaire majeur et avec lequel elle nourrit de grands projets pour l’avenir?», s’interroge l’ambassadeur.

Le jour de ce vote, un autre événement n’est pas passé inaperçu: le roi Mohammed VI a mis officiellement fin aux fonctions de Mohammed Benchaâboun, ambassadeur du Maroc à Paris.  Aucun ambassadeur n’a été nommé depuis. Si le timing interroge, M. Lecourtier rejette toutefois toute corrélation, et assure qu’il ne faut pas en tirer «des conséquences ou des conclusions définitives». «L’ambassadeur du Maroc en France est revenu dans son pays pour occuper des fonctions importantes pour lesquelles il avait déjà été désigné (sa nomination avait été rendue publique le 18 octobre 2022)», assure-t-il. «Cela s’est passé récemment», renchérit-il.

L’épineux dossier du Sahara occidental

Un autre dossier sensible concerne la politique étrangère du Maroc: le dossier du Sahara, considéré comme une cause nationale. Le Maroc souhaite que la France emboîte le pas des États-Unis, qui ont reconnu clairement la souveraineté du Maroc sur ce territoire. L’ambassadeur rappelle à ce sujet que la position de la France est «restée constante». La ministre des Affaires étrangères, Catherine Colonna, l’a très clairement rappelé lors de sa venue au Maroc à la mi-décembre, souligne le diplomate. «La France a toujours été aux côtés du Maroc, notamment auprès des instances compétentes, notamment aux Nations unies, à une époque où le Maroc avait plus de difficultés à faire comprendre ses positions. La France a été depuis de nombreuses années dans une logique visant à soutenir les positions du Maroc sur le règlement de cette affaire», souligne-t-il.

France-Maroc-Algérie: la difficile équation

Considérés tantôt comme des frères ennemis, tantôt comme des rivaux régionaux, Alger et Rabat sont à couteaux tirés depuis des années. Ils ont d’ailleurs rompu leurs liens diplomatiques. Pour nombre d’observateurs, le rapprochement entre la France et l’Algérie, récemment fragilisé, aurait créé un refroidissement des relations entre Paris et Rabat. Certains vont même jusqu’à dire que la France doit se fâcher avec Rabat pour se rapprocher d’Alger.

«Nous ne sommes pas dans une logique où ce qu’on fait avec l’un s’apprécie par rapport à l’autre», assure Christophe Lecourtier. L’ambassadeur regrette que les relations entre la France, le Maroc et l'Algérie soient décrites comme «une sorte de balance», comme s’il était nécessaire de faire un choix entre les deux pays. «C’est une version qui est assez éloignée de la réalité», précise-t-il. «La France a des raisons historiques, mais aussi humaines de préserver et de faire évoluer sa relation avec le Maroc, mais il est aussi assez naturel qu'elle puisse parler à l'Algérie», poursuit M. Lecourtier, qui rappelle que les enjeux sont différents dans ces pays.

Les visas: un vrai retour à la «normale»?

Autre sujet de discorde et qui a fait couler beaucoup d’encre, la politique française de restrictions des visas pour le Maghreb. En septembre 2021, Emmanuel Macron avait décidé de réduire de moitié les permis d’entrée accordés aux Marocains. Un moyen pour Paris de sanctionner la réticence du Maroc à réadmettre ses ressortissants en situation irrégulière en France.

Une mesure qui a suscité de vives réactions au Maroc, mais aussi dans l’Hexagone. Certains y ont vu une mesure «inhumaine», «discriminatoire», voire «humiliante». Lors de son déplacement au Maroc, la ministre française des Affaires étrangères avait annoncé un «retour à la normale» pour l’octroi de visas aux Marocains. Le chef de la diplomatie marocaine, Nasser Bourita, a quant à lui salué «une décision unilatérale» française qui «va dans le bon sens». Un collectif d’associations au Maroc dénonce toutefois un «retour à la normale» qui tarde à se concrétiser, avec un nombre «trop important de refus sans raisons» et une procédure jugée trop complexe, avec notamment le recours à des opérateurs privés.

 

L’ambassadeur de France au Maroc assure cependant à Arab News en français que la délivrance des visas a repris son cours normal. Il affirme que le taux de refus est revenu à peu près au niveau de 2019 et qu’il a été divisé par deux par rapport à l'année 2022. Il y a d’innombrables rendez-vous, environ 8 000 par semaine, dit-il.

Les demandes de visa sont traitées rapidement, avec bienveillance, confie-t-il, même s’il admet qu’il y a «des sujets qui parasitent un peu cette reprise». M. Lecourtier fait ainsi allusion à l’action d’officines, d’intermédiaires qui ne rendent parfois pas suffisamment lisible l’évolution de la politique française des visas. «Nous allons trouver des solutions à cette situation», rassure-t-il.

Il ajoute qu’en 2022, le Maroc a été, juste après l'Inde, le premier bénéficiaire des visas  Schengen accordés par la France, et cela même pendant une année où les conditions n'étaient pas optimales. L’ambassadeur se dit optimiste. «Nous allons faire une très bonne année 2023 et tourner la page d'une année difficile et qui a effectivement pu être mal perçue par toute une série de personnes habituées à se rendre en France et qui se sont émues d'un traitement moins favorable que par le passé.»

L’éducation et la langue française en recul au Maroc?

Les liens entre les Marocains et la France ont toujours été très forts, que ce soit en ce qui concerne le tourisme, les échanges commerciaux ou l’éducation.

Le français a une place privilégiée dans le paysage linguistique marocain. Selon l’Organisation internationale de la francophonie (OIF), 13,5 millions de Marocains sont francophones, soit  36% de la population. Les Marocains occupent également la première place des étudiants étrangers en France, et sont plus de 45 000, représentant 12% des étudiants étrangers. Cependant, nombre d’observateurs et d’experts en linguistique observent un «déclin progressif» de la langue de Molière au Maroc. Cette tendance à s’éloigner de la langue française, mais aussi du système d’éducation français, s’expliquerait par une sorte de «désamour» de la France, lié à une crise qui ne dit pas son nom entre les deux pays.

 

Pour l’ambassadeur de France au Maroc, les faits parlent d’eux-mêmes. Il assure qu’il n’y a jamais eu autant d’élèves dans les écoles françaises. Il y a d’ailleurs, selon lui, des projets d’écoles qui sont à l’étude pour accroître davantage l’offre en matière d’établissements scolaires en français.

«Dans la réforme de l’Éducation nationale, au Maroc, il y a aussi la volonté de réintroduire le français de la primaire à la fin des études secondaires», soutient-t-il. «À charge pour nous d’offrir le meilleur et de demeurer attractifs. Nous devons nous réinventer et ne pas donner le sentiment que l’on fait partie des meubles. C’est un challenge, mais je suis très optimiste!». L’ambassadeur estime qu’il est tout à fait naturel et souhaitable que les Marocains puissent apprendre d'autres langues, mais «qu’au vu de la proximité géographique, des liens qui nous unissent, le français doit forcément être considéré comme un atout. Dans les années à venir, le français sera l’une des langues les plus parlées au monde, de plus en plus de personnes vont parler la langue en Afrique subsaharienne. Pour le Maroc qui rayonne dans cette partie du monde, parler le français est un véritable atout», fait-il remarquer.

Le Maroc: un partenaire pivot en Afrique

Le Maroc est bien présent en Afrique et joue un rôle majeur sur le continent. Le pays est le premier investisseur en Afrique de l’Ouest et figure parmi les cinq premiers en Afrique subsaharienne. Sur la période 2009-2019, ses investissements directs sur l’ensemble du continent ont enregistré une croissance moyenne de 8,3% par an. C’est un fait, le Maroc constitue une porte d’entrée privilégiée vers l’Afrique. Récemment, le président français a émis le souhait de nouer de nouvelles relations avec les États du continent et a affirmé que «l’Afrique n’est pas un pré carré», refusant de voir dans le continent un terrain de compétition.

«La dynamique du Maroc vers l’Afrique nous intéresse beaucoup. Le Maroc a une relation séculaire avec l’Afrique subsaharienne. La France a noué des relations beaucoup plus tard. Je pense qu'au XXIᵉ siècle, il y a énormément de choses qu'on doit pouvoir faire avec le Maroc et pas simplement dans le business, par exemple concernant les défis autour de la sécurité alimentaire – dans un contexte de changement climatique qui pose de grands défis à beaucoup de pays du Sahel –, mais aussi de la transition énergétique. Le Maroc est très en pointe sur ces sujets-là, la France aussi», assure Christophe Lecourtier. Travailler avec le Maroc permettrait d’être «encore plus efficace avec les pays concernés», ajoute-t-il.

Qu’il s’agisse d’une crise ou juste de «petites turbulences», la France et le Maroc vivent une période charnière. L’ambassadeur de France fraîchement nommé a la lourde tâche d’œuvrer à la réconciliation, il se dit enthousiasmé par son nouveau poste. «Il y a énormément de choses à faire pour construire l'avenir de la présence française au Maroc, l'avenir de la relation bilatérale et avec modestie l'avenir du Maroc. Il y a tellement de perspectives d'évolution dans ce pays. C’est une mission très exaltante!»

Sur un plan plus personnel, le diplomate ne cache pas son attachement pour le Maroc: «C’est un pays que j'aime depuis longtemps, mais que je réapprends à voir à la fois avec les yeux d’ambassadeur mais aussi avec le cœur!»

 


Gaza : Israël dit soutenir « pleinement » le plan américain pour l'aide humanitaire

Le ministre allemand des Affaires étrangères Johann Wadephul (G), accompagné de son homologue israélien Gideon Saar, donne une conférence de presse au musée commémoratif de l'Holocauste Yad Vashem à Jérusalem, le 11 mai 2025, lors de sa visite en Israël. (Photo GIL COHEN-MAGEN / AFP)
Le ministre allemand des Affaires étrangères Johann Wadephul (G), accompagné de son homologue israélien Gideon Saar, donne une conférence de presse au musée commémoratif de l'Holocauste Yad Vashem à Jérusalem, le 11 mai 2025, lors de sa visite en Israël. (Photo GIL COHEN-MAGEN / AFP)
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  • « Israël soutient pleinement le plan de l'administration Trump présenté vendredi par l'ambassadeur des États-Unis en Israël, M. Mike Huckabee », a déclaré M. Saar lors d'une conférence de presse avec son homologue allemand, Johann Wadephul.
  • Depuis des semaines, des responsables de l'ONU et d'ONG multiplient les avertissements sur la pénurie de nourriture, de médicaments et de carburant dans le territoire palestinien assiégé.

JERUSALEM : Gideon Saar, le ministre israélien des Affaires étrangères, a affirmé dimanche que son pays soutenait « pleinement » l'initiative américaine de distribution d'aide humanitaire dans la bande de Gaza, qui ne prévoit pas de participation israélienne directe.

« Israël soutient pleinement le plan de l'administration Trump présenté vendredi par l'ambassadeur des États-Unis en Israël, M. Mike Huckabee », a déclaré M. Saar lors d'une conférence de presse avec son homologue allemand, Johann Wadephul.

En guerre contre le Hamas depuis l'attaque sans précédent perpétrée par le mouvement islamiste palestinien le 7 octobre 2023, Israël bloque l'entrée de toute aide humanitaire dans la bande de Gaza depuis le 2 mars, où celle-ci est vitale pour les 2,4 millions d'habitants.

Depuis des semaines, des responsables de l'ONU et d'ONG multiplient les avertissements sur la pénurie de nourriture, de médicaments et de carburant dans le territoire palestinien assiégé.

« Le Hamas a volé cette aide au peuple et en a tiré profit. Il l'a utilisée pour alimenter sa machine de guerre. Il s'en est servi pour préserver sa position de force, au détriment de la population civile », a-t-il souligné.

« Si l'aide continue d'aller au Hamas plutôt qu'au peuple de Gaza, la guerre ne prendra jamais fin », a-t-il affirmé. 

Vendredi, M. Huckabee a levé un coin du voile sur une nouvelle initiative que les États-Unis comptent mettre en place prochainement pour venir en aide aux Palestiniens.

« Les Israéliens seront impliqués dans la fourniture de la sécurité militaire nécessaire, car c'est une zone de guerre, mais ils ne participeront ni à la distribution de la nourriture, ni même à son acheminement vers Gaza », a affirmé l'ambassadeur américain.

La sécurité aux points de distribution sera assurée par des prestataires privés, tandis que l'armée israélienne se chargera de la sécurité « à distance » pour les protéger des combats en cours, a-t-il ajouté.

Israël n'avait pas encore commenté ces annonces.

L'initiative américaine « permettra à l'aide d'aller directement au peuple », a déclaré M. Saar dimanche. « Le Hamas ne doit en aucun cas pouvoir y mettre la main ».

« Les soldats de l'armée israélienne ne distribueront pas l'aide, ils sécuriseront le périmètre », a-t-il confirmé.

Le chef de la diplomatie israélienne a aussi dit souhaiter coopérer avec « autant de pays et d'ONG que possible » pour la mise en œuvre du plan américain.

Un rapport basé sur un index de définition des stades de la faim à Gaza est attendu lundi.


Un documentaire affirme avoir identifié le meurtrier de Shireen Abu Akleh

Cette photo obtenue par un ancien collègue de Shireen Abu Akleh, journaliste chevronnée d'Al-Jazira, montre son reportage à Jérusalem le 12 juin 2021. (Photo HANDOUT / AFP)
Cette photo obtenue par un ancien collègue de Shireen Abu Akleh, journaliste chevronnée d'Al-Jazira, montre son reportage à Jérusalem le 12 juin 2021. (Photo HANDOUT / AFP)
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  • Qui a tiré ? S'agissait-il vraiment d'un « accident » ? Le documentaire « Who killed Shireen ? » (« Qui a tué Shireen ? »), diffusé par le site indépendant Zeteo, pointe pour la première fois un suspect : le soldat d'élite Alon Scaggio.
  • Alon Scaggio, alors âgé de 20 ans, avait terminé une formation dans les Duvdevan, unité d'élite de l'armée israélienne, trois mois plus tôt, selon le documentaire.

NEW-YORK : Qui a tué Shireen Abu Akleh ? Un nouveau documentaire affirme enfin révéler l'identité du soldat israélien soupçonné d'avoir tué la reporter vedette de la chaîne Al-Jazeera, trois ans après cet événement qui avait endeuillé le Moyen-Orient.

Retour en arrière. Le 11 mai 2022, une « alerte » retentit sur les chaînes d'information du monde entier. La journaliste américano-palestinienne, connue pour sa couverture du conflit israélo-palestinien, vient d'être abattue à l'entrée du camp de Jénine, dans le nord de la Cisjordanie occupée. Elle portait pourtant un casque et un gilet pare-balles siglé du mot « Press ».

Al-Jazeera et des témoins blâment aussitôt l'armée israélienne. Le Premier ministre israélien de l'époque, Naftali Bennett, estime quant à lui que les tirs proviennent de combattants palestiniens. Dans les semaines qui suivent, les enquêtes journalistiques s'accumulent et révèlent toutes la même origine des tirs : Israël. 

Quelques mois plus tard, l'armée publie les « conclusions » de son enquête interne : « Il y a une forte probabilité que madame Abu Akleh ait été touchée accidentellement par un tir de l'armée israélienne visant des suspects identifiés comme des hommes armés palestiniens ».

Qui a tiré ? S'agissait-il vraiment d'un « accident » ? Le documentaire « Who killed Shireen ? » (« Qui a tué Shireen ? »), diffusé par le site indépendant Zeteo, pointe pour la première fois un suspect : le soldat d'élite Alon Scaggio.

« Israël a tout fait pour cacher l'identité du soldat. Ils ne voulaient pas transmettre cette information aux États-Unis, ne voulaient pas laisser les Américains l'interroger, ne voulaient pas leur transmettre son témoignage, ils ne voulaient pas leur donner son nom », explique à l'AFP Dion Nissenbaum, journaliste à l'origine du film. 

- Israël vs États-Unis -

Aidé notamment par la reporter Fatima AbdulKarim, qui travaille pour le New York Times en Cisjordanie occupée, et par le producteur Conor Powell, cet ex-correspondant du Wall Street Journal au Moyen-Orient a pu recueillir les témoignages de deux soldats israéliens présents à Jénine le 11 mai 2022 ainsi que ceux de hauts responsables américains.

Alon Scaggio, alors âgé de 20 ans, avait terminé une formation dans les Duvdevan, unité d'élite de l'armée israélienne, trois mois plus tôt, selon le documentaire.

« Il l'a tuée intentionnellement. Il n'y a pas de doute à ce sujet. La question est de savoir s'il savait qu'elle était journaliste et plus précisément qu'il s'agissait de Shireen Abu Akleh. Les ordres venaient-ils d'en haut ? Personnellement, je ne pense pas qu'il y ait eu d'ordre. Je ne pense pas qu'il savait qu'il s'agissait de Shireen, mais elle portait un gilet pare-balles tagué +Press+ », explique M. Nissenbaum. 

« Les preuves indiquent un meurtre intentionnel de Shireen Abu Akleh. Savaient-ils qui c'était ? Cela peut faire l'objet d'un débat, mais ils devaient absolument savoir qu'il s'agissait d'une personne des médias ou, au minimum, qu'il ne s'agissait pas d'un combattant », témoigne dans le documentaire un haut responsable de l'administration Biden d'avant Joe Biden sous couvert d'anonymat.

Le documentaire soutient également que les États-Unis n'ont pas fait pression outre mesure pour creuser cette affaire afin de ne pas entacher leur relation avec leur allié.

« Ce n'était pas un sujet dans les échanges entre le président (Joe Biden) et le Premier ministre », déclare le conseiller à la sécurité nationale de M. Bennett, Eyal Hulata.

Le sénateur américain Chris Van Hollen (démocrate) témoigne avoir demandé à Joe Biden, avec des collègues, qu'un rapport détaillé sur cette affaire soit « déclassifié ». En vain. 

- Impunité -

Selon le Comité pour la protection des journalistes (CPJ), dont les données remontent à 1992, « il s'agit de la première fois qu'un suspect potentiel est nommé en lien avec le meurtre d'un journaliste par un Israélien ».

L'impunité de ce « meurtre » a, selon cette organisation basée à New York, « donné concrètement à Israël la permission d'en taire des centaines d'autres ». Selon Reporters sans frontières, environ 200 journalistes ont été tués en 18 mois de frappes israéliennes à Gaza. 

Un porte-parole de l'armée israélienne a dénoncé la divulgation « par la famille » du nom d'un soldat « alors qu'il n'y a pas de conclusion définitive » quant à l'identité du tireur.

Mais Alon Scaggio ne pourra jamais répondre aux questions : l'armée souligne qu'il est « tombé lors d'une opération ».

Au début de son enquête, l'équipe de Dion Nissenbaum pensait que le soldat avait été tué à Gaza, avant d'en arriver à la conclusion que sa mort est survenue à Jénine. Le 27 juin 2024, soit près de deux ans après la mort de Shireen Abu Akleh. 


Le ministre saoudien des Affaires étrangères reçoit son homologue iranien à Djeddah

Le ministre iranien des Affaires étrangères, Abbas Araghchi, s'adresse à l'AFP lors d'une interview au consulat iranien de Jeddah, le 7 mars 2025. (AFP)
Le ministre iranien des Affaires étrangères, Abbas Araghchi, s'adresse à l'AFP lors d'une interview au consulat iranien de Jeddah, le 7 mars 2025. (AFP)
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  • M. Araqchi s'est rendu à Djeddah pour rencontrer de hauts responsables saoudiens
  • Cette visite précède d'éventuelles discussions indirectes entre les États-Unis et l'Iran, qui se tiendront dimanche à Oman.

RIYAD : Le ministre saoudien des Affaires étrangères Faisal ben Farhane a reçu samedi son homologue iranien Abbas Araqchi à Djeddah, a rapporté la chaîne d'information Al Arabiya.

M. Araqchi s'est rendu à Djeddah pour rencontrer de hauts responsables saoudiens et discuter des questions bilatérales et des développements régionaux et internationaux.

Il devrait ensuite se rendre au Qatar pour participer au sommet du dialogue Iran-Monde arabe à Doha, a déclaré vendredi un porte-parole du ministère iranien.

Cette visite précède également d'éventuelles discussions indirectes entre les États-Unis et l'Iran, qui auront lieu dimanche à Oman.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com