Paris et Rabat enterrent la crise des visas pour renouveler leur relation

Le ministre marocain des Affaires étrangères, Nasser Bourita ( à droite), reçoit son homologue française, Catherine Colonna, à Rabat, le 16 décembre 2022. (AFP).
Le ministre marocain des Affaires étrangères, Nasser Bourita ( à droite), reçoit son homologue française, Catherine Colonna, à Rabat, le 16 décembre 2022. (AFP).
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Publié le Vendredi 16 décembre 2022

Paris et Rabat enterrent la crise des visas pour renouveler leur relation

  • Signe d'une volonté de repartir sur de nouvelles bases, la ministre française des Affaires étrangères Catherine Colonna, en visite dans la capitale marocaine, a annoncé « le retour à la normale» en matière d'attribution des visas aux Marocains
  • Cette «pleine coopération est effective depuis lundi dernier», a-t-elle précisé, lors d'une conférence de presse avec son homologue, Nasser Bourita

RABAT: "Ecrire ensemble une nouvelle page" des liens entre la France et le Maroc: Paris et Rabat ont affiché vendredi leur volonté de renouveler leur relation, mettant de côté les récents sujets de crispations, avant une visite d'Etat d'Emmanuel Macron prévue début 2023.

Signe d'une volonté de repartir sur de nouvelles bases, la ministre française des Affaires étrangères Catherine Colonna, en visite dans la capitale marocaine, a annoncé "le retour à la normale" en matière d'attribution des visas aux Marocains.

Cette "pleine coopération est effective depuis lundi dernier", a-t-elle précisé, lors d'une conférence de presse avec son homologue, Nasser Bourita.

En d'autres termes, c'est la fin de la politique de restriction en matière de délivrance des visas.

En septembre 2021, Paris avait décidé de réduire de moitié les permis d'entrée accordés aux Marocains, arguant de la réticence du royaume à réadmettre ses ressortissants en situation irrégulière dans l'Hexagone.

Une mesure similaire avait été décidée à l'égard de l'Algérie voisine, où le ministre de l'Intérieur français Gérald Darmanin effectue à partir de vendredi une visite pour discuter, entre autres, des questions migratoires.

Cette mesure, qualifiée d'"injustifiée" par Rabat et décriée par les ONG humanitaires ainsi que les milieux francophones marocains, empoisonnait les relations bilatérales, même si Nasser Bourita s'est efforcé vendredi d'en minimiser la portée.

Les ministres ont insisté sur les liens historiques entre les deux pays, d'une "importance particulière... singulière... unique".

Pour autant, cette relation doit nécessairement évoluer au moment où le Maroc diversifie ses partenaires et prend une place majeure sur le continent africain, ont-ils fait valoir.

Les deux capitales s'y attellent dans la perspective d'une visite d'Etat du président français dont la date n'est pas encore arrêtée mais programmée pour le "premier trimestre 2023".

"Ma visite aujourd'hui acte la volonté commune de la France et du Maroc de nous projeter ensemble vers l'avenir, conformément à la volonté exprimée par Sa Majesté le Roi Mohammed VI et le président de la République Emmanuel Macron", a expliqué la ministre française.

Emmanuel Macron et Mohammed VI se sont à nouveau entretenus mercredi soir -- après la demi-finale France-Maroc au Qatar, après un premier échange le 1er novembre, a-t-elle précisé.

Vision commune

"Nous avons pour instruction de préparer ce rendez-vous très important, au plus haut niveau", a déclaré de son côté Nasser Bourita, ajoutant que Paris et Rabat avaient une "vision commune" sur la manière de faire évoluer leur relation.

La France souhaite "être dans une relation de partenariat exemplaire avec le Maroc, un partenariat d'exception, fraternel et moderne", a également assuré Catherine Colonna.

Il s'agit de proposer au Maroc "ce que la France, qui elle aussi a profondément changé, a de meilleur", a-t-elle poursuivi.

Elle a invité à "écrire, ensemble une nouvelle page, dans un contexte où la France et le Maroc, ont plus que jamais besoin l'un de l'autre pour assurer leur sécurité, soutenir leur développement économique (...) et répondre aux attentes de leurs jeunesses et leurs sociétés".

Interrogés sur le dossier épineux du Sahara occidental, les deux chefs de la diplomatie se sont efforcés de dissiper les crispations.

"Le Maroc n'a jamais considéré que la position de la France était négative", a assuré M. Bourita, après que Paris se fut vu reprocher d'être trop attentiste sur ce que Rabat considère comme une "cause nationale".

"Le Maroc sait qu'il peut compter sur l'appui de la France", a déclaré Mme Colonna, relevant "l'urgence" de parvenir à une solution politique "durable" au moment où "les tensions refont surface".

Le conflit du Sahara occidental oppose depuis des décennies le Maroc aux indépendantistes sahraouis du Front Polisario, soutenus par Alger. Le Polisario réclame un référendum d'autodétermination tandis que Rabat promeut une autonomie sous sa souveraineté.

La ministre française était arrivée à Rabat jeudi soir où elle a rencontré des conseillers du roi. Vendredi, avant son entretien avec M. Bourita, elle s'est rendue au mausolée Mohammed-V, abritant notamment la tombe du roi, grand-père du monarque actuel, qui dirigeait le pays lors de son indépendance de la France en 1956.

Vendredi après-midi, elle était attendue au Lycée français Descartes où elle défendra la langue française dans un pays où de plus en plus de jeunes se tournent vers l'anglais et l'espagnol.


Paris entend résoudre les tensions avec Alger « sans aucune faiblesse »

le chef de la diplomatie française, chef de la diplomatie française (Photo AFP)
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  • Le chef de la diplomatie française a assuré mardi que Paris entendait résoudre les tensions avec Alger « avec exigence et sans aucune faiblesse ».
  • « L'échange entre le président de la République (Emmanuel Macron, ndlr) et son homologue algérien (Abdelmadjid Tebboune) a ouvert un espace diplomatique qui peut nous permettre d'avancer vers une résolution de la crise », a-t-il ajouté.

PARIS : Le chef de la diplomatie française a assuré mardi que Paris entendait résoudre les tensions avec Alger « avec exigence et sans aucune faiblesse ». Il s'exprimait au lendemain d'un entretien entre les présidents français et algérien, qui visait à renouer le dialogue après huit mois de crise diplomatique sans précédent.

« Les tensions entre la France et l'Algérie, dont nous ne sommes pas à l'origine, ne sont dans l'intérêt de personne, ni de la France, ni de l'Algérie. Nous voulons les résoudre avec exigence et sans aucune faiblesse », a déclaré Jle chef de la diplomatie française devant l'Assemblée nationale, soulignant que « le dialogue et la fermeté ne sont en aucun cas contradictoires ».

« L'échange entre le président de la République (Emmanuel Macron, ndlr) et son homologue algérien (Abdelmadjid Tebboune) a ouvert un espace diplomatique qui peut nous permettre d'avancer vers une résolution de la crise », a-t-il ajouté.

Les Français « ont droit à des résultats, notamment en matière de coopération migratoire, de coopération en matière de renseignement, de lutte contre le terrorisme et au sujet bien évidemment de la détention sans fondement de notre compatriote Boualem Sansal », a affirmé le ministre en référence à l'écrivain franco-algérien condamné jeudi à cinq ans de prison ferme par un tribunal algérien. 


Algérie: Macron réunit ses ministres-clés au lendemain de la relance du dialogue

Emmanuel Macron, président français (Photo AFP)
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  • Emmanuel Macron  réunit mardi plusieurs ministres en première ligne dans les relations avec l'Algérie, dont Bruno Retailleau, Gérald Darmanin et Jean-Noël Barrot, au lendemain de l'appel avec son homologue algérien Abdelmadjid Tebboune
  • Le président français a décidé, à la suite de ce coup de fil, de dépêcher le 6 avril à Alger le chef de la diplomatie française Jean-Noël Barrot afin de « donner rapidement » un nouvel élan aux relations bilatérales.

PARIS : Emmanuel Macron  réunit mardi à 18H00 plusieurs ministres en première ligne dans les relations avec l'Algérie, dont Bruno Retailleau, Gérald Darmanin et Jean-Noël Barrot, au lendemain de l'appel avec son homologue algérien Abdelmadjid Tebboune pour relancer le dialogue, a appris l'AFP de sources au sein de l'exécutif.

Le président français a décidé, à la suite de ce coup de fil, de dépêcher le 6 avril à Alger le chef de la diplomatie française Jean-Noël Barrot afin de « donner rapidement » un nouvel élan aux relations bilatérales après des mois de crise, selon le communiqué conjoint publié lundi soir.

Le ministre français de la Justice, Gérald Darmanin, effectuera de même une visite prochainement pour relancer la coopération judiciaire.

Le communiqué ne mentionne pas en revanche le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau, figure du parti de droite Les Républicains, partisan d'une ligne dure à l'égard de l'Algérie ces derniers mois, notamment pour obtenir une nette augmentation des réadmissions par le pays de ressortissants algériens que la France souhaite expulser.

Bruno Retailleau sera présent à cette réunion à l'Élysée, avec ses deux collègues Barrot et Darmanin, ainsi que la ministre de la Culture, Rachida Dati, et celui de l'Économie, Éric Lombard, ont rapporté des sources au sein de l'exécutif.

 Dans l'entourage du ministre de l'Intérieur, on affirme à l'AFP que si la relance des relations décidée par les deux présidents devait bien aboutir à une reprise des réadmissions, ce serait à mettre au crédit de la « riposte graduée » et du « rapport de force » prônés par Bruno Retailleau. 


Algérie: la relance de la relation décriée par la droite

Cette photo prise le 25 août 2022 montre les drapeaux français et algérien avant l'arrivée du président français à Alger pour une visite officielle  afin d'aider à rétablir les liens avec l'ancienne colonie française, qui célèbre cette année le 60e anniversaire de son indépendance. (Photo Ludovic MARIN / AFP)
Cette photo prise le 25 août 2022 montre les drapeaux français et algérien avant l'arrivée du président français à Alger pour une visite officielle afin d'aider à rétablir les liens avec l'ancienne colonie française, qui célèbre cette année le 60e anniversaire de son indépendance. (Photo Ludovic MARIN / AFP)
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  • La droite a dénoncé mardi la relance de la relation bilatérale avec l'Algérie en minimisant son impact sur les obligations de quitter le territoire (OQTF).
  • Selon l'élu des Alpes-Maritimes, cette conversation entre les deux chefs d'État signifie « que les ministres n'ont aucun pouvoir, M. Retailleau en premier ».

PARIS : La droite a dénoncé mardi la relance de la relation bilatérale avec l'Algérie en minimisant son impact sur les obligations de quitter le territoire (OQTF), Laurent Wauquiez déplorant « une riposte très provisoire » et Éric Ciotti, allié du RN, dénonçant une relation « insupportable » entre les deux pays.

« La riposte était très graduée et en plus très provisoire », a réagi Laurent Wauquiez sur X au lendemain de la conversation entre les présidents français Emmanuel Macron et algérien Abdelmadjid Tebboune, qui ont acté une relance de la relation bilatérale, après des mois de crise.

Lors de la réunion du groupe des députés LR, l'élu de Haute-Loire, qui brigue la présidence du parti face au ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau, s'est dit convaincu que les autorités algériennes n'accepteront pas les OQTF.

« On va se retrouver dans 90 jours avec les OQTF dangereux qui seront dans la nature. Nous ne pouvons pas l'accepter », a déploré le député de Haute-Loire.

De son côté, Éric Ciotti, l'ancien président des LR alliés avec le RN, a directement ciblé le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau sur CNews, lui reprochant de n'avoir montré que « des petits muscles face à Alger ».

Selon l'élu des Alpes-Maritimes, cette conversation entre les deux chefs d'État signifie « que les ministres n'ont aucun pouvoir, M. Retailleau en premier ».

« La relation privilégiée Macron-Algérie depuis 2016 perdure. Et cette relation est insupportable, parce qu'elle traduit un recul de notre pays. »

Les deux présidents, qui se sont entretenus le jour de l'Aïd el-Fitr marquant la fin du ramadan, ont marqué « leur volonté de renouer le dialogue fructueux », selon un communiqué commun.

La reprise des relations reste toutefois subordonnée à la libération de l'écrivain Boualem Sansal et à des enjeux de politique intérieure dans les deux pays.