PARIS : Une botte de poireaux plutôt que de la viande, une marque plutôt qu'une autre: les prix de l'alimentation atteignent des sommets en France où le gouvernement cherche à atténuer les répercussions sur le ticket de caisse des Français, dans un contexte social déjà tendu.
«Je ne travaille pas, je suis handicapé et (...) sur la nourriture, tout ce qui est viande, ça devient compliqué», dit Rachid Malek, «souvent à découvert» bancaire.
Dans son quartier de l'Est parisien, il voit de plus en plus de clients délaisser l'enseigne Monoprix, réputée plus haut de gamme de l'autre côté de la rue, au profit du Lidl, où les clients s'attendent à des prix plus bas.
«Ici, c'est toujours +blindé+» de monde, raconte-t-il.
Une tendance lourde alors que plus d'un tiers des personnes accueillies dans les banques alimentaires sont, depuis l'automne, des nouvelles venues, selon une étude de l'institut de sondage CSA.
«C'est un choc très difficile à absorber, parce qu'on n'a pas l'habitude de l'inflation», qui était très limitée depuis plusieurs décennies, remarque Philippe Waechter, directeur de la recherche économique à Ostrum Asset Management.
Dans un pays jusque-là relativement protégé de l'inflation, la hausse des prix renoue avec des niveaux inédits depuis les années 1980: 6,2% en février, avec une hausse des prix alimentaires de 14,5% sur un an.
Pour la première fois depuis le début de la guerre en Ukraine, l'inflation alimentaire a dépassé celle de l'énergie. Or les Français consacrent à l'alimentation une part de leur budget deux fois plus importante qu'aux dépenses énergétiques, selon l'Insee.
Dans la zone euro, l'inflation sur un an a baissé pour le quatrième mois consécutif en février, à 8,5%. Mais là aussi, pour la première fois depuis deux ans, les prix de l'alimentation sont devenus le premier moteur de l'inflation.
«Sur l'alimentaire, sur le prix des biens, sur le prix des services, il y a des augmentations et pas du tout de bouclier tarifaire» en France, le plafonnement mis en place par le gouvernement pour limiter la hausse des prix de l'énergie pour les consommateurs, détaille M. Waechter. Désormais, de plus en plus, «il faut faire des arbitrages» sur sa consommation.
- Panier anti-inflation -
Dans son chariot, «une botte de poireaux et une salade» achetées sur le marché plutôt qu'en grande surface, «parce que c'est cher», et pas de viande, sauf «quand mes filles viennent me voir», décrit Christine Retsch, 68 ans, travailleuse sociale à la retraite vivant dans le Cher (centre de la France).
«Je réduis au maximum les dépenses, même s'il y a des moments de blues où je vais m'acheter du chocolat ou des chips, en sachant que ce n'est pas bien...», admet-elle, interrogée par l'AFP.
L'inflation est aussi un dossier explosif de plus pour le gouvernement, s'ajoutant à la contestation du projet de réforme des retraites, qui prévoit le recul de l'âge de départ à 64 ans, avec une vaste journée de mobilisation prévue le 7 mars.
Pour apaiser les tensions, le gouvernement espère finaliser d'ici à la mi-mars un dispositif de soutien au budget des ménages.
Parmi les mesures envisagées, un panier-inflation proposé par la ministre déléguée au Commerce, Olivia Grégoire, qui a assuré mercredi que cette proposition, objet de nombreuses critiques, n'avait pas été définitivement écartée.
Agir sur les prix alimentaires «est plus compliqué» que de plafonner le prix de l'électricité «car il y a beaucoup plus de fournisseurs», rappelle M. Waechter, qui évoque également «une problématique de qualité» des produits retenus pour un tel panier et donc «une question de santé publique».
En attendant, le prix du panier de courses va encore grimper: c'est la seule certitude à l'issue des négociations commerciales entre supermarchés et industrie agroalimentaire qui ont pris fin mercredi soir, chacun s'accordant pour prédire une hausse de l'ordre de 10% qui se répercutera tôt ou tard sur les consommateurs.