La nomination par Biden d'une Palestinienne au sein de son équipe de direction soulève une vague de controverses

Reema Dodin  (Credit: buildbackbetter.gov)
Reema Dodin (Credit: buildbackbetter.gov)
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Publié le Jeudi 26 novembre 2020

La nomination par Biden d'une Palestinienne au sein de son équipe de direction soulève une vague de controverses

  • Une tempête de controverses politiques a suivi la décision du président élu Joe Biden de designer une Américaine d'origine palestinienne à un poste stratégique à la Maison Blanche
  • Des sympathisants se mobilisent pour défendre Reema Dodin qui est accusée par le lobby pro-israélien de justifier les attentats suicides

CHICAGO : Une tempête de controverses politiques a suivi la décision du président élu Joe Biden de designer une Américaine d'origine palestinienne à un poste stratégique à la Maison Blanche.

En effet, M Biden a annoncé lundi que Reema Dodin allait devenir l'une des deux directrices adjointes de l'équipe chargée des affaires législatives, qui aide à déterminer les politiques présidentielles. Shuwanza Goff, afro-américaine, occupera le second poste.

La nomination de Dodin, une vétérane de Washington, vient renforcer les promesses de campagne faites par M. Biden dans les six pages de son « Plan de partenariat » avec la communauté arabo-américaine. En effet, dans ce plan publié en août, il a promis de révoquer la décision de Donald Trump d’interdire l’entrée des musulmans aux Etats-Unis et de reconnaître les droits des Arabo-Américains.

« Les Américains attendent avec impatience que notre administration se mette au travail, et les personnes désignées aujourd'hui contribueront à faire progresser notre programme et à garantir à chaque Américain une chance équitable », a affirmé M. Biden. « Dans l’administration Biden, la porte sera ouverte au Congrès et cette équipe veillera à ce que les opinions des Américains soient toujours bien représentées à la Maison Blanche ».

Ron Klain, le chef de cabinet de Biden à la Maison Blanche, a déclaré que « le président élu Biden et la vice-présidente élue Harris partagent un programme audacieux qui nous permettra de reconstruire notre nation qui sera bien meilleure qu'auparavant. Notre équipe, de concert avec le président élu et la vice-présidente élue, œuvrera à réaliser ce programme et à fournir des résultats en faveur des familles américaines ».

Les groupes et les organisations pro-israéliens ont critiqué la nomination de Dodin, reprochant à celle-ci de chercher à justifier les « attentats suicides ». Ces allégations sont soutenues par une déformation des commentaires qu'elle avait formulés dans le passé. Il s'agit d'une critique habituelle contre les Palestiniens nommés à des fonctions publiques aux États-Unis, qui repose sur un prétendu soutien aux droits des Palestiniens.

Le Jerusalem Post, un journal israélien conservateur anglophone, a attiré l'attention sur un commentaire que Mme Dodin aurait fait en 2002, dans lequel elle a déclaré devant un public à Lodi, en Californie, que « les attentats-suicides constituaient le dernier recours d'un peuple désespéré ».

En outre, Mme Dodin a pris part à un rassemblement soutenant le mouvement Boycott, désinvestissement et sanctions (BDS), qui rejette la politique d'Israël consistant à voler les terres des Palestiniens, établir des colonies illégales et exploiter la terre à des fins lucratives.

Plus de 26 États américains, dont l'Illinois, ont fait passer une loi qui considère que le soutien au BDS est illégal et sanctionné de différentes manières.

En réponse à la nomination de Dodin, le site web de l'extrémiste anti-arabe Sarah Geller a publié un article où l'on peut lire : « Comme prévu, la gauche radicale anti-Israël jouera un rôle de premier plan dans l'éventuelle administration de Joe Biden. L'Américaine d'origine palestinienne Reema Dodin, qui a exprimé son soutien aux attentats suicides perpétrés contre les Israéliens, aidera à discuter des législations pour le compte de Joe Biden ».

La presse juive pro-israélienne a elle aussi sévèrement critiqué Dodin dans ses reportages : leurs sources prétendent qu'elle « agit comme un agent influent qui soutiendrait les opérations des Frères [musulmans] sur le territoire américain ».

Mme Dodin, qui a occupé pendant plusieurs années le poste de chef de cabinet adjointe du sénateur Dick Durbin, un démocrate modéré et populaire de l'Illinois, a immédiatement mis son compte Twitter en mode privé, apparemment pour éviter que les critiques ne fouillent dans ses anciens commentaires, dans le but de la présenter comme une extrémiste.

Le sénateur Durbin a publié une déclaration dans laquelle il a salué la nomination de Mme Dodin au sein de l'administration Biden. Il a également vanté les services qu'elle a prestés auprès de son cabinet. Dans un message sur Twitter, il a écrit : « Je suis ravi que ma directrice de plateau, Reema Dodin, rejoigne l'équipe des affaires (législatives) du président élu Biden. Elle est intelligente, digne de confiance, et respectée par les membres des deux camps. Reema est justement la personne dont notre nouveau président a besoin pour l'aider au Sénat ».

Par ailleurs, de nombreux Arabo-Américains et politiciens se sont mobilisés pour la défense de Dodin.

Selon Ziad Asali, fondateur de la Task Force américaine pour la Palestine, Mme Dodin a « fait son chemin depuis l'école de droit jusqu'au bureau du sénateur Durbin, en passant par les activités sociales pour arriver finalement à la Maison Blanche. Un message aux jeunes Américains d'origine palestinienne et arabe : Oui, c'est possible. Adhérez à la communauté et gagnez votre vie avec compétence et engagement. La méritocratie c'est le succès sans gaspillage ».

Warren David, le président de l'organisation de médias Arab America, a déclaré : « Nous sommes ravis de la nomination de Reema. Voir un haut fonctionnaire d'origine arabo-palestinienne à la Maison Blanche revêt une telle importance pour les Arabo-Américains, qui ont été marginalisés au fil des ans. Nous espérons que de telles nominations ne constituent pas l'« exception » mais la « règle » qui régit la participation des Américains d'origine arabe dans la fonction publique ».

Cette nomination a également été saluée par le sénateur du Connecticut Richard Blumenthal : « Au cours des dix années que j'ai passées au Sénat, Reema a apporté une contribution inestimable en termes de connaissances et de conseils. Elle est toujours consciencieuse et attentionnée, et l'administration Biden a de la chance de l'avoir. Elle me manquera au Sénat, mais je suis impatient de collaborer avec elle dans son nouveau rôle ».

Reema Dodin est née de parents palestiniens immigrés dont les origines remontent à la ville de Dura en Palestine, à proximité de la ville d'Hébron occupée par Israël.

Elle est active dans les milieux arabo-américains depuis de nombreuses années. En mai 2018, elle a pris part à la cérémonie annuelle de remise du prix Khalil Gibran organisée par l'Institut arabo-américain. Au cours de cette cérémonie, elle a remis un prix à Marcelle M. Wahba, présidente de l'Institut des États arabes du Golfe à Washington D.C. et ancienne ambassadrice des États-Unis aux EAU.

Mme Dodin dispose en effet d'un parcours solide, ayant occupé le poste de directrice de recherche auprès du sénateur Durbin et de collaboratrice de sa Sous-commission judiciaire sur les droits de l'homme et la loi. Elle a également été conseillère bénévole dans le cadre de la protection des électeurs lors de plusieurs campagnes politiques, notamment la campagne Obama.

Elle est membre du Truman National Security, du New Leaders Council, ancienne membre du programme Aspen Socrates, ancienne membre du Council on Foreign Relations, et membre de la Jenkins Hill Society, un consortium de femmes engagées dans la politique qui soutient les femmes politiques.

Originaire de Californie, Mme Dodin est diplômée de l'université de Californie à Berkeley et de l'université de l'Illinois à Urbana-Champaign.

Ni le bureau de Dodin ni le cabinet de Durbin n'ont répondu aux demandes formulées par Arab News pour obtenir des commentaires.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com.


Le Parlement libanais approuve un projet de loi sur le secret bancaire

Le Parlement a adopté des amendements à "la loi relative au secret bancaire" et à la législation monétaire, selon le bureau de son président, Nabih Berri. (AFP)
Le Parlement a adopté des amendements à "la loi relative au secret bancaire" et à la législation monétaire, selon le bureau de son président, Nabih Berri. (AFP)
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  • La communauté internationale exige depuis longtemps d'importantes réformes pour débloquer des milliards de dollars afin d'aider à la relance de l'économie libanaise, plongée depuis 2019 dans une profonde crise
  • Selon le groupe de défense des droits libanais Legal Agenda, les amendements autorisent "les organes de contrôle et de régulation bancaire (...) à demander l'accès à toutes les informations" sans fournir de raison particulière

BEYROUTH: Le Parlement libanais a approuvé jeudi un projet de loi sur la levée du secret bancaire, une réforme clé réclamée par le Fonds monétaire international (FMI), au moment où des responsables libanais rencontrent à Washington des représentants des institutions financières mondiales.

Le Parlement a adopté des amendements à "la loi relative au secret bancaire" et à la législation monétaire, selon le bureau de son président, Nabih Berri.

La communauté internationale exige depuis longtemps d'importantes réformes pour débloquer des milliards de dollars afin d'aider à la relance de l'économie libanaise, plongée depuis 2019 dans une profonde crise imputée à la mauvaise gestion et à la corruption.

La récente guerre entre Israël et le Hezbollah a aggravé la situation et le pays, à court d'argent, a désormais besoin de fonds pour la reconstruction.

Selon le groupe de défense des droits libanais Legal Agenda, les amendements autorisent "les organes de contrôle et de régulation bancaire (...) à demander l'accès à toutes les informations" sans fournir de raison particulière.

Ces organismes pourront avoir accès à des informations telles que les noms des clients et les détails de leurs dépôts, et enquêter sur d'éventuelles activités suspectes, selon Legal Agenda.

Le Liban applique depuis longtemps des règles strictes en matière de confidentialité des comptes bancaires, ce qui, selon les critiques, rend le pays vulnérable au blanchiment d'argent.

En adoptant ce texte, le gouvernement avait précisé qu'il s'appliquerait de manière rétroactive pendant 10 ans. Il couvrira donc le début de la crise économique, lorsque les banquiers ont été accusés d'aider certaines personnalités à transférer d'importantes sommes à l'étranger.

Le feu vert du Parlement coïncide avec une visite à Washington des ministres des Finances, Yassine Jaber, et de l'Economie, Amer Bisat, ainsi que du nouveau gouverneur de la Banque centrale, Karim Souaid, pour des réunions avec la Banque mondiale et le FMI.

M. Jaber a estimé cette semaine que l'adoption des amendements donnerait un "coup de pouce" à la délégation libanaise.

En avril 2022, le Liban et le FMI ont conclu un accord sous conditions pour un programme de prêt sur 46 mois de trois milliards de dollars, mais les réformes alors exigées n'ont pour la plupart pas été entreprises.

En février, le FMI s'est dit ouvert à un nouvel accord avec Beyrouth après des discussions avec M. Jaber. Le nouveau gouvernement libanais s'est engagé à mettre en oeuvre d'autres réformes et a également approuvé le 12 avril un projet de loi pour restructurer le secteur bancaire.


Syrie: Londres lève ses sanctions contre les ministères de la Défense et de l'Intérieur

Abdallah Al Dardari, chef régional pour les Etats arabes au Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), lors d'une interview avec l'AFP à Damas le 19 avril 2025. (AFP)
Abdallah Al Dardari, chef régional pour les Etats arabes au Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), lors d'une interview avec l'AFP à Damas le 19 avril 2025. (AFP)
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  • "Les entités suivantes ont été retirées de la liste et ne sont plus soumises à un gel des avoirs: ministère de l'Intérieur, ministère de la Défense", indique notamment le communiqué du département du Trésor
  • Des agences de renseignement sont également retirées de la liste. La totalité d'entre elles ont été dissoutes par les nouvelles autorités en janvier

LONDRES: Le Royaume-Uni a annoncé jeudi avoir levé ses sanctions contre les ministères syriens de l'Intérieur et de la Défense ainsi que contre des agences de renseignement, qui avaient été imposées sous le régime de Bachar al-Assad.

"Les entités suivantes ont été retirées de la liste et ne sont plus soumises à un gel des avoirs: ministère de l'Intérieur, ministère de la Défense", indique notamment le communiqué du département du Trésor.

Des agences de renseignement sont également retirées de la liste. La totalité d'entre elles ont été dissoutes par les nouvelles autorités en janvier.

Ces autorités, issues de groupes rebelles islamistes, ont pris le pouvoir le 8 décembre.

Le Royaume-Uni avait début mars déjà levé des sanctions à l'égard de 24 entités syriennes ou liées à la Syrie, dont la Banque centrale.

Plus de trois cents individus restent toutefois soumis à des gels d'avoirs dans ce cadre, ainsi qu'une quarantaine d'entités, selon le communiqué du Trésor.

Les nouvelles autorités syriennes appellent depuis la chute d'Assad en décembre dernier à une levée totale des sanctions pour relancer l'économie et reconstruire le pays, ravagé après 14 années de guerre civile.


1983 – L'attaque contre les Marines américains à Beyrouth

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  • Les dégâts sont énormes au quartier général des Marines
  • Quatre couches de ciment s'étaient effondrées pour former des tas de décombres, des incendies brûlaient et l'on entendait beaucoup de cris au milieu du sang

BEYROUTH: Le 23 octobre 1983, aux alentours de 6h25, une violente déflagration secoue Beyrouth et sa banlieue, jusque dans les hauteurs montagneuses. Le souffle, sourd et diffus, fait d’abord penser à un tremblement de terre.

Mais sept minutes plus tard, une seconde explosion, bien plus puissante, déchire la ville et ses environs, dissipant toute confusion: Beyrouth venait de vivre l’un des attentats les plus meurtriers de son histoire.

Je travaillais alors pour le journal libanais As-Safir en tant que correspondant de guerre. Beyrouth était assiégée, dans sa banlieue sud, dans les montagnes et dans la région du Kharoub, par des affrontements entre le Parti socialiste progressiste et ses alliés d'une part, et les Forces libanaises d'autre part, dans ce que l'on appelait la «guerre des montagnes».

Le sud du pays a également été le théâtre de la résistance armée des combattants libanais contre l'occupation israélienne. Ces combattants étaient liés à des partis de gauche et, auparavant, à des factions palestiniennes.

Des forces multinationales, notamment américaines, françaises et italiennes, avaient été stationnées à Beyrouth après le retrait des dirigeants et des forces de l'Organisation de libération de la Palestine, à la suite de l'agression israélienne contre le Liban et de l'occupation de Beyrouth en 1982.

Quelques minutes après les explosions, la réalité s’impose avec brutalité: le quartier général des Marines américains, situé sur la route de l’aéroport de Beyrouth, ainsi que la base du contingent français dans le quartier de Jnah, ont été ciblés par deux attaques-suicides coordonnées.

Les assaillants, non identifiés, ont lancé des camions piégés – chargés de plusieurs tonnes d’explosifs – contre les deux sites pourtant fortement sécurisés, provoquant un carnage sans précédent.

Comment nous l'avons écrit

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Au lendemain des attentats, Arab News faisait état de 120 morts parmi les Marines et de 20 morts parmi les Français, un chiffre nettement inférieur au décompte final.

L'attaque de la base américaine a tué 241 militaires américains – 220 Marines, 18 marins et trois soldats – et en a blessé des dizaines. Le bombardement du site militaire français a tué 58 parachutistes français et plus de 25 Libanais.

Ces attentats étaient les deuxièmes du genre à Beyrouth; un kamikaze avait pris pour cible l'ambassade des États-Unis à Aïn el-Mreisseh six mois plus tôt, le 18 avril, tuant 63 personnes, dont 17 Américains et 35 Libanais.

Les dégâts sont énormes au quartier général des Marines. Quatre couches de ciment s'étaient effondrées pour former des tas de décombres, des incendies brûlaient et l'on entendait beaucoup de cris au milieu du sang, des morceaux de corps et de la confusion. Voici ce que nous, journalistes, avons pu voir au milieu du chaos qui régnait immédiatement après la catastrophe, et ce qui reste gravé dans ma mémoire plus de 40 ans plus tard.

La nuit précédente, un samedi, les Marines avaient fait la fête, divertis par un groupe de musique qui avait fait le voyage depuis les États-Unis pour se produire devant eux. La plupart dormaient encore lorsque la bombe a explosé.

Aucun groupe n'a revendiqué les attentats ce jour-là, mais quelques jours plus tard, As-Safir a publié une déclaration qu'il avait reçue et dans laquelle le «Mouvement de la révolution islamique» déclare en être responsable.

Environ 48 heures après l’attentat, les autorités américaines pointent du doigt le mouvement Amal, ainsi qu’une faction dissidente dirigée par Hussein al-Moussawi, connue sous le nom d’Amal islamique, comme étant à l’origine de l’attaque.

Selon la presse locale de l’époque, la planification de l’attentat aurait eu lieu à Baalbeck, dans la région de la Békaa, tandis que le camion utilisé aurait été aperçu garé devant l’un des bureaux du mouvement Amal.

Le vice-président américain, George H.W. Bush, s'est rendu au Liban le lendemain de l'attentat et a déclaré: «Nous ne permettrons pas au terrorisme de dicter ou de modifier notre politique étrangère.»

La Syrie, l'Iran et le mouvement Amal ont nié toute implication dans les deux attentats.

En riposte à l’attaque visant leurs soldats, les autorités françaises ont lancé une opération militaire d’envergure: huit avions de chasse ont bombardé la caserne Cheikh Abdallah à Baalbeck, que Paris considérait comme un bastion de présences iraniennes.

À l’époque, les autorités françaises ont affirmé que les frappes avaient fait environ 200 morts.

Un responsable de l'Amal islamique a nié que l'Iran disposait d'un complexe dans la région de Baalbeck. Toutefois, il a reconnu le lien idéologique fort unissant son groupe à Téhéran, déclarant: «L’association de notre mouvement avec la révolution islamique en Iran est celle d’un peuple avec son guide. Et nous nous défendons.»

Le 23 novembre, le cabinet libanais a décidé de rompre les relations avec l'Iran et la Libye. Le ministre libanais des Affaires étrangères, Elie Salem, a déclaré que la décision «a été prise après que l'Iran et la Libye ont admis qu'ils avaient des forces dans la Békaa».

Un rapport d'As-Safir cite une source diplomatique: «Les relations avec l'Iran se sont détériorées en raison des interventions, pratiques et activités illégales qu'il a menées sur la scène libanaise, malgré de nombreux avertissements.»

Les attentats du 23 octobre étaient jusqu'alors le signe le plus évident de l'évolution de l'équilibre des forces régionales et internationales au Liban et de l'émergence d'un rôle iranien de plus en plus important dans la guerre civile.

Le chercheur Walid Noueihed m'a expliqué qu'avant 1982, Beyrouth avait accueilli toutes les formes d'opposition, y compris l'élite éduquée, appelée «opposition de velours», et l'opposition armée, dont les membres étaient formés dans des camps ou des centres d'entraînement palestiniens dans la vallée de la Békaa et au Liban-Sud.

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Vue aérienne de l'ambassade américaine à Beyrouth après l'explosion qui a fait 63 morts, dont 46 Libanais et 17 Américains. (AFP)

Il a indiqué que l'opposition iranienne au chah était présente parmi ces groupes et a décrit Beyrouth comme une oasis pour les mouvements d'opposition jusqu'en 1982. Toutefois, cette dynamique a changé lorsqu'Israël a envahi le Liban et assiégé Beyrouth, ce qui a entraîné le départ de l'OLP en vertu d'un accord international qui exigeait en échange qu'Israël s'abstienne de pénétrer dans Beyrouth.

Si les factions palestiniennes ont quitté le Liban, ce n'est pas le cas des combattants libanais associés à l'OLP, pour la plupart des chiites qui constituaient la base des partis de gauche libanais.

Les attaques contre les bases militaires américaines et françaises ont entraîné le retrait des forces internationales du Liban, explique M. Noueihed, laissant une fois de plus Beyrouth sans protection. Les opérations de résistance se sont multipliées, influencées par des idéologies distinctes de celles de la gauche traditionnelle, des groupes comme l'Amal islamique affichant ouvertement des slogans prônant la confrontation avec Israël.

En 1985, le Hezbollah est officiellement créé en tant qu'«organisation djihadiste menant une révolution pour une république islamique». Il s'est attiré le soutien des partis de gauche libanais et palestiniens, en particulier après l'effondrement de l'Union soviétique.

Selon M. Noueihed, l'émergence du Hezbollah a coïncidé avec le déclin des symboles existants de la résistance nationale, ce qui semble indiquer une intention d'exclure toutes les autres forces du pays du mouvement de résistance, laissant le Hezbollah comme parti dominant.

L'influence iranienne au Liban est devenue évidente lors des violents affrontements entre le Hezbollah et Amal, qui ont fait des dizaines de victimes et se sont terminés par la consolidation du contrôle du Hezbollah au milieu de la présence des forces militaires syriennes.

Beyrouth se vide peu à peu de son élite intellectuelle, a souligné M. Noueihed. Des centaines d’écrivains, d’intellectuels, de chercheurs et de professionnels des médias ont fui vers l’Europe, redoutant pour leur sécurité, laissant derrière eux une ville désertée par ceux qui faisaient autrefois vibrer sa vie culturelle et académique.

Najia Houssari est rédactrice pour Arab News, basée à Beyrouth. Elle était correspondante de guerre pour le journal libanais As-Safir au moment du bombardement de la caserne des Marines américains.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com