LISBURN: Le Premier ministre britannique Rishi Sunak s'est rendu mardi en Irlande du Nord pour convaincre des bienfaits de l'accord "historique" conclu avec l'Union européenne concernant les dispositions post-Brexit, espérant mettre fin à plus d'un an de blocage politique dans la province.
Après des mois de tensions, Rishi Sunak et la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen ont présenté lundi un nouvel accord modifiant le protocole nord-irlandais, censé proposer des solutions pratiques aux difficultés d'approvisionnement et inquiétudes politiques créées par l'ancien compromis.
La guerre de la saucisse un temps redoutée n'aura pas lieu: la viande réfrigérée britannique pourra être vendue dans les rayons nord-irlandais tandis que les Anglais pourront envoyer des colis à leurs proches à Belfast sans déclaration de douanes ou se rendre dans la province avec leur chien sans certificat vétérinaire.
Rishi Sunak doit maintenant convaincre le principal parti unioniste, l'ultraconservateur Democratic Unionist Party (DUP), d'adhérer au nouveau compromis et lever son boycott de l'exécutif local, paralysé depuis un an. Le mouvement réserve sa réponse.
Il s'agit "d'un fantastique accord qui répond à tout ce qui compte pour les gens", a assuré Rishi Sunak en visitant une usine Coca Cola, boisson dont il est friand, près de Belfast. "J'espère qu'ils vont voir que c'est le cas et qu'ils vont trouver un moyen de se retrouver ensemble", a-t-il dit.
Marchés uniques
Après un appel avec Rishi Sunak, la cheffe du Sinn Fein nord-irlandais (majoritaire au Parlement local) Michelle O'Neill a exhorté sur Twitter à conserver l'élan, estimant que la priorité est à présent que les institutions locales soient "sans délai" en ordre de marche.
Mais en vantant la position unique de l'Irlande du Nord, à la fois dans le marché unique britannique et européen, "la zone économique la plus enthousiasmante au monde" selon Rishi Sunak, le chef du gouvernement s'est attiré les railleries des anti-Brexit, alors que la réalisation des promesses de la sortie de l'UE se font toujours attendre.
Baptisé "cadre de Windsor", le nouvel accord entend notamment permettre des échanges commerciaux plus fluides entre la Grande-Bretagne et l'Irlande du Nord, rendus complexes avec l'ancien protocole négocié en 2020 par Boris Johnson.
Ce protocole voulait éviter une frontière entre l'Irlande et l'Irlande du Nord qui risquerait de fragiliser la paix après des décennies de conflit, tout en protégeant le marché unique européen.
Il créait de facto une frontière en mer d'Irlande, inacceptable pour les unionistes qui défendent l'appartenance de la province au Royaume-Uni. Il posait aussi des problèmes pratiques en imposant notamment des contrôles douaniers sur les produits arrivant en Irlande du Nord depuis la Grande-Bretagne.
Avec le nouveau compromis, seules les marchandises vouées à être exportées en République d'Irlande, donc sur le marché unique européen, seront soumises à des contrôles.
«En retenant son souffle»
A l'approche du 25e anniversaire en avril de l'accord de paix ayant mis fin aux sanglants troubles (3.500 morts en trois décennies), l'accord a été salué lundi comme une "étape essentielle" pour la paix par le président américain Joe Biden et accueilli avec enthousiasme par Paris, Berlin, Dublin et les milieux d'affaires britanniques.
Alors que le texte doit être soumis au vote des députés, le Premier ministre a poursuivi le service après-vente de son accord mardi en fin de journée devant des élus de sa majorité, dans l'espoir de tuer dans l'oeuf d'éventuelles velléités de fronde interne.
L'eurosceptique Steve Baker, secrétaire d'Etat chargé de l'Irlande du Nord, a souligné qu'il ne voyait pas "comment on pourrait avoir un meilleur accord". "A présent on attend de voir si le DUP est d'accord, en retenant son souffle", a-t-il déclaré.
Le Premier ministre irlandais Leo Varadkar a quant à lui jugé "raisonnable" de laisser au DUP le temps nécessaire pour examiner l'accord.
Pour répondre aux attentes des unionistes, le Parlement local disposera d'un mécanisme permettant de bloquer l'application de nouvelles règles européennes en Irlande du Nord.
Le chef du DUP Jeffrey Donaldson a estimé mardi que l'accord répondait "en partie aux préoccupations": "Il reste des questions sur lesquelles nous continuons à discuter avec le gouvernement et nous prendrons notre temps" pour l'étudier.