PARIS : Médecins libéraux et Assurance maladie ont acté l'échec de leurs négociations qui s'achèvent officiellement mardi soir. Faute d'accord, une "arbitre" va fixer les nouveaux tarifs des praticiens mais le gouvernement ne renonce pas à leur demander des efforts.
Les six syndicats de médecins libéraux ont officiellement jusqu'à minuit pour se prononcer sur le texte de 305 pages soumis par la Caisse nationale d'assurance maladie (Cnam) en fin de semaine dernière, après plus de trois mois de tractations. Mais la majorité ont déjà rejeté les propositions de la Sécu, rendant impossible leur entrée en vigueur.
Qu'ont refusé les médecins ?
Un milliard et demi d'euros par an. C'est la somme que l'Assurance maladie était prête à mettre sur la table, à terme, pour revaloriser les consultations médicales.
Soit 600 millions d'euros pour une augmentation générale de 1,50 euro, qui aurait porté le tarif de base des généralistes à 26,50 euros dès cette année.
Et 900 millions supplémentaires pour d'autres hausses envisagées en 2024, mais sous conditions. Un prix de 30 euros était ainsi avancé pour les généralistes prêts à signer un "contrat d'engagement territorial" avec plusieurs contreparties à la carte: prendre plus de patients, faire des gardes de nuit, exercer dans un désert médical, travailler le samedi matin...
Que va-t-il se passer maintenant ?
Comme prévu dès le départ des négociations, une "arbitre" va prendre le relais, en l’occurrence Annick Morel, inspectrice générale des affaires sociales (Igas) à la retraite. Cette ex-haute fonctionnaire de 72 ans, passée notamment par la Direction générale de la santé (DGS), la Caisse nationale d'allocations familiales (Cnaf) et la Ville de Paris, aura trois mois pour rédiger un nouveau texte.
Un délai suffisant "pour entendre l'ensemble des parties prenantes" et proposer un "règlement arbitral" qui, s'il est approuvé par le ministre de la Santé, entrera en vigueur dans la foulée, donc avant l'été, indique l'entourage de François Braun.
En attendant, les règles actuelles continuent de s'appliquer - et la consultation de base des généralistes demeure à 25 euros. Mais dès que le "règlement" sera validé, "nous pourrons le cas échéant rouvrir les négociations", assure le directeur de la Cnam Thomas Fatôme.
Le cas n'est pas sans précédent: le dernier arbitrage chez les médecins, en mai 2010, avait été rapidement suivi d'une nouvelle convention en juillet 2011.
Que veut faire le gouvernement ?
Se montrer moins généreux, pour pousser les médecins à reprendre les discussions. "On a tous intérêt à ce que le fait de signer change quelque chose", explique le ministère qui n'a pour cette raison "pas complètement envie de donner la même chose dans un règlement arbitral".
Pas question donc de reculer sur le "donnant-donnant" promu par l'Assurance maladie. "La revalorisation sans condition n'est pas une option", maintient l'équipe du ministre qui défend encore "l'engagement territorial" des praticiens.
L'exécutif n'a d'ailleurs pas renoncé à graver ce principe dans le marbre, à travers la proposition de loi sur l'accès aux soins portée par la députée (Renaissance) Stéphanie Rist. Ajoutée par amendement à l'Assemblée, puis expurgée au Sénat, la mesure pourrait revenir en deuxième lecture.
Confronté au "défi majeur" des 6 millions de Français sans médecin traitant - dont plus de 600 000 malades chroniques - M. Fatôme affirme avoir "besoin de cet engagement des médecins pour répondre aux besoins de santé de la population" et estime qu'"on ne peut pas rester sur un statu quo".
Que peuvent faire les médecins ?
Maintenir eux aussi la pression, d'abord pour limiter la casse du "règlement arbitral", puis pour établir un rapport de force avant la prochaine négociation.
Les actions coup de poing se sont déjà multipliées ces derniers mois, avec notamment des fermetures de cabinets médicaux début décembre, puis pendant les Fêtes, suivies de deux manifestations à Paris, début janvier et mi-février, réunissant plusieurs milliers de praticiens.
Insuffisant toutefois pour obtenir gain de cause. Certains syndicats contestataires agitent désormais la menace du déconventionnement: des tarifs libres, mais pas remboursés par la Sécu, au risque d'une sélection par l'argent.
"Un peu moins de 1%" des 220 000 praticiens en activité seraient dans ce cas, selon le ministère qui juge que ce choix "prendrait en otage les Français" en créant "une médecine à deux vitesses".