PARIS: Le président Emmanuel Macron a esquissé samedi des solutions aux maux qui inquiètent les Français, comme l'inflation, la concurrence internationale, les retraites ou la sécheresse, lors d'une visite, entre sifflets et applaudissements, au Salon de l'agriculture à Paris, un rendez-vous traditionnel pour les dirigeants français.
Selfies, bains de foules mais aussi parfois des huées ont accompagné, le président dans sa longue déambulation (13 heures), son deuxième contact direct en une semaine avec les Français après sa visite mardi au marché de gros alimentaire de Rungis (sud de Paris).
M. Macron tourne ainsi la page de plusieurs semaines de diète médiatique sur fond de bataille sur la réforme des retraites, qui prévoit notamment de repousser l'âge de départ de 62 à 64 ans.
Alors qu'elle a déjà fait descendre dans les rues des millions de Français et donné lieu à des débats houleux à l'Assemblée nationale, les huit principaux syndicats français et cinq organisations de jeunesse ont dit vouloir mettre "la France à l'arrêt" le 7 mars si le président n'y renonçait pas.
Si quelques visiteurs munis de pancartes appelant à un retour à la retraite à 60 ans ont été tenus à distance de la déambulation du chef de l'Etat, celui-ci a défendu sa réforme qui maintient le système par répartition - "un trésor" -, en faisant observer qu'il n'y avait "qu'une solution: travailler davantage".
"Je n'ai pas trouvé de colère chez nos compatriotes", a-t-il assuré, reconnaissant toutefois percevoir "de l'inquiétude".
Trois jours avant l'examen du texte par le Sénat, il a dit souhaiter que ce dernier "l'enrichisse", notamment sur les droits des femmes.
Alors que la France connaît un épisode de sécheresse historique cet hiver, après un été déjà très sec, M. Macron a par ailleurs plaidé pour un "plan de sobriété pour l'eau" sur le modèle du "plan de sobriété énergétique" lancé pour contenir les effets de la guerre en Ukraine.
La formule avait fait mouche et la consommation d'électricité a sensiblement diminué en France.
«A quoi tu sers ?»
"On sait qu'on sera confronté comme on était l'été dernier à des problèmes de raréfaction (d'eau): plutôt que de s'organiser sous la contrainte au dernier moment (...) on doit planifier tout ça", a-t-il expliqué, ajoutant qu'il fallait se résoudre à la "fin de l'abondance".
Cela implique de "mieux récolter l'eau de pluie", "avoir moins de fuites dans les réseaux d'eau" et améliorer le recyclage des eaux usées, un domaine dans lequel la France accuse un gros retard par rapport à ses voisins.
Au milieu d'échanges bon enfant, c'est sur cette question du climat que le chef de l'Etat a été vivement interpellé par un militant écologique.
"Je suis là pour vous dire qu'on n'arrêtera pas, parce qu'on n'en peut plus de demander gentiment", lui a lancé le jeune homme qui arborait un T-shirt barré d'un "A quoi tu sers?". "Vous êtes la démonstration d'une forme de violence civique", a répliqué le président.
Quelques instants plus tard, le service d'ordre a expulsé sans ménagement un autre militant qui tentait de l'interpeller, notamment en lui tirant les cheveux et en le plaquant au sol, une scène massivement partagée sur les réseaux sociaux.
"Je n'ai pas vu ce jeune homme", a déclaré ensuite M. Macron, en disant "réprouver tous les gestes de violence quels qu'ils soient, quand il s'agit d'interpeller quelqu'un, qu'elle soit d'ailleurs physique ou verbale".
A l'intention des agriculteurs, éleveurs et pêcheurs, le président a multiplié les gestes. Il a ainsi exclu de soutenir en l'état un accord commercial avec les quatre pays du Mercosur (Argentine, Brésil, Paraguay, Uruguay), conclu en 2019 avec l'UE mais pas encore ratifié.
Ce ne sera "pas possible s'ils ne respectent pas comme nous les accords de Paris (sur le climat) et s'ils ne respectent pas les mêmes contraintes environnementales et sanitaires qu'on impose à nos producteurs", a-t-il dit.
Et concernant la forte inflation, il a demandé aux distributeurs de "faire un effort sur leurs marges".
Echange musclé avec un activiste écolo, Macron entre applaudissements et sifflets au Salon de l'agriculture
"Vous êtes la démonstration d'une forme de violence civique": Emmanuel Macron s'est écharpé samedi avec un membre du collectif "Dernière rénovation" lors de sa déambulation au Salon de l'agriculture, où se sont disputés bruyants sifflets et applaudissements nourris.
Le jeune homme, qui arborait un t-shirt barré de la mention "A quoi tu sers?", a interpellé le chef de l'Etat en l'appelant à "écouter les rapports scientifiques" sur le changement climatique.
"Je suis là pour vous dire qu'on n'arrêtera pas, parce qu'on n'en peut plus de demander gentiment. Entendez-ça, sinon ça va être terrible. J'ai fini ce que j'avais à dire", a-t-il lancé en pointant son index sur le chef de l'Etat, mais en refusant d'écouter sa réponse. "On vous a déjà entendu!", s'est-il justifié.
"Vous êtes la démonstration d'une forme de violence civique", lui a alors rétorqué Emmanuel Macron, en l'interrogeant: "Je suis élu par le peuple français, vous êtes élus par qui?".
"C'est pas un débat!", a insisté le militant. "Et ben alors, partez, si c'est pas un débat!", lui a répondu le président de la République.
Alors que le jeune homme a promis de "ne pas se laisser faire", en faisant valoir que "c'est la vie de (sa) petite sœur qui (était) en jeu", Emmanuel Macron l'a repris en évoquant "la vie des agriculteurs, c'est la vie de nos compatriotes".
Encore interpellé sur "la rénovation thermique des bâtiments", Emmanuel Macron a répondu: "C'est ce qu'on fait!"
"Je veux bien vous répondre, mais vous n'avez pas le courage et la cohérence d'écouter une réponse. Ça vous ressemble, et ça, ça ne sert à rien!", a conclu le chef de l'Etat.
Adepte de la stratégie du coup d'éclat, le collectif Dernière rénovation, fondé début 2022, a déjà perturbé le Tour de France, Roland-Garros ou un match PSG-OM. Vendredi soir, l'une de ses militantes s'est brièvement introduite sur scène lors de la cérémonie des César.
Dans un communiqué, le collectif a revendiqué l'action de son militant en déplorant qu'"aucune mesure d'ampleur pour contrer le dérèglement climatique n'(ait) été prise par le gouvernement".
Emmanuel Macron est revenu à plusieurs reprises sur l'épisode dans les travées du salon: "Moi, j'accepte de me faire engueuler, de me faire bousculer, mais j'aime pas tellement l'interpellation sans le débat", a-t-il fait valoir auprès de visiteurs, souvent sous des applaudissements nourris.
Mais de nombreux sifflets ont également jalonné le parcours du chef de l'Etat au cours de l'après-midi, alors que certains manifestants ont été écartés par les agents de sécurité.
"L'ambiance est très conviviale et sympathique: c'est un salon qui se passe bien", a toutefois voulu convaincre le chef de l'Etat, en estimant que "ces petits événements" étaient "normaux".
"Et on ne me parle pas tant que ça des retraites !", a-t-il glissé à plusieurs journalistes, quelques minutes après avoir défendu auprès d'une visiteuse une réforme de "progrès social (pour) ne pas laisser les agriculteurs sans retraite".