PARIS: Souhaitant faire de l’industrie pharmaceutique un levier de croissance, le gouvernement algérien réoriente sa vision en matière de coopération avec les firmes internationales. Il appelle ses partenaires étrangers à s’investir davantage dans la création de la valeur ajoutée en assurant une intégration minimale de 30% dans leurs programmes d’investissements sur le marché.
En janvier 2023, en marge d’une visite de travail à l’usine Aldaph Algérie, une société née d’un partenariat avec le groupe danois Novo Nordisk et située à Boufarik (wilaya de Blida), le ministre algérien de l’Industrie pharmaceutique, Ali Aoun, a demandé aux firmes étrangères de cette filière qui sont implantées sur le marché algérien d’augmenter leurs investissements. «Le groupe Novo Nordisk est présent en Algérie depuis quatre-vingt-cinq ans. Il fallait attendre toutes ces années pour voir un investissement de plus de 65 millions d’euros», déclare-t-il, invitant le partenaire danois à s’investir «plus sérieusement, au plus tard cette année». Le ministre de tutelle a cité l’exemple du groupe jordanien Hikma, qui détient 30% du marché du médicament en Algérie.
«Il faut que Saidal soit la locomotive du secteur de production des médicaments en Algérie», martèle-t-il, rappelant la levée de la majorité des obstacles qui entravaient la concrétisation des projets. «Les investisseurs doivent défendre leurs droits et dénoncer chaque anomalie au ministère de l’Industrie pharmaceutique pour y mettre un terme et demander des comptes à ses auteurs.»
Nouvelles unités de production
Selon les informations que nous avons recueillies auprès du ministre de tutelle, plusieurs nouvelles usines spécialisées dans la production des anticancéreux et d’autres médicaments contre les maladies chroniques sont en cours de réalisation dans le pays, où deux cents unités de production couvriront 70% des besoins en génériques.
«L'Algérie a pour objectif d’être autosuffisante en matière de satisfaction de besoins nationaux en produits pharmaceutiques. Elle a déjà atteint l'objectif de 70% de médicaments produits localement. Aujourd'hui, il est encore possible de faire mieux, car la politique publique du médicament vise toujours à stimuler la production locale», explique à Arab News en français Idir Boutmeur, directeur recherche-développement de la société Biopharm SPA.
«L'Algérie a déjà atteint l'objectif de 70% de médicaments produits localement. Aujourd'hui, il est encore possible de faire mieux, car la politique publique du médicament vise toujours à stimuler la production locale. » Idir Boutmeur
«Certes, ce ne sera pas facile, car la liste des produits qui ne sont pas encore fabriqués localement contient des spécialités issues de technologies innovantes. Certaines d’entre elles sont toujours protégées par des brevets. Il faudra donc investir plus que jamais dans la recherche et le développement, publics et privés, pour maîtriser la fabrication des thérapies innovantes et complexes comme les biomédicaments, les anticancéreux, les produits radiopharmaceutiques ou encore les médicaments dérivés du sang, qui pèsent lourdement dans la facture d'importation du pays.»
Couverture des besoins nationaux
Interrogé sur la stratégie mise en place pour atteindre cet objectif, Idir Boutmeur affirme que «l'Algérie peut compter sur les nombreux chercheurs universitaires et sur les plates-formes techniques d'analyse modernes installées dans toutes les régions d'Algérie. Les laboratoires pharmaceutiques devront aussi consacrer une part plus importante de leurs budgets à la recherche-développement, à la formation des chercheurs ainsi qu’à la mise en place d'une collaboration gagnant-gagnant avec le monde de la recherche universitaire».
Idir Boutmeur nous explique que Biopharm, qui dispose de deux laboratoires de recherche-développement, participe à deux projets de recherche avec l'université de Blida. «Biopharm compte bien prouver qu'une collaboration entre l’université et les partenaires socio-économiques privés peut aboutir à des résultats de recherche remarquables.» Il précise que, une fois développées, les nouvelles thérapies nécessiteront des lignes de fabrication industrielle spécifiques, voire des unités de fabrication dédiées, comme celles des anticancéreux, des hormones, des immunosuppresseurs, entre autres.
Pour accroître la production locale des médicaments, le directeur recherche-développement de Biopharm nous confie: «Les autorités devraient proposer des mécanismes d'encouragement de leur fabrication qui permettraient aux industriels d'équilibrer les dépenses de recherche-développement liées aux lourds investissements d'une fabrication industrielle, d’autant plus que le ministère de tutelle veut consacrer une partie de la production à l’exportation, dont le potentiel est important.»