PARIS: Qui a ressenti le plus durement la hausse des prix en 2022? Dans deux études publiées mercredi, l'OFCE et France Stratégie soulignent que l'ampleur du choc varie fortement en fonction du profil des ménages, les personnes âgées et éloignées des centres-villes étant particulièrement exposées.
"Il y a deux choses à retenir du contexte actuel: c’est l’inflation", qui a renoué en 2022 avec des niveaux inédits depuis les années 1980, "et l’hétérogénéité" de ses effets sur les Français, insiste Raul Sampognaro, économiste à l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE).
Si l'Insee a chiffré l'inflation moyenne à 5,2% sur un an en 2022, la hausse des prix a atteint 8,5% pour les ménages les plus exposés et s'est limitée à 3,4% pour les foyers les moins touchés, selon les calculs de l'OFCE.
"Pour un ménage, l’impact de l’inflation dépend fondamentalement du poids des différents biens et services dans son budget", explique France Stratégie.
Cet organisme rattaché à Matignon note que les ménages vivant en centre-ville ont vu leur dépenses de logement, d'alimentation et de transport augmenter de 13,6% entre 2017 et 2022.
Une hausse nettement inférieure à celle (+17,4%) qu'ont connu les Français résidant à plus de 30 kilomètres du cœur d'une agglomération, qui tendent à dépenser plus de carburant pour se déplacer et à vivre dans des logements plus spacieux, donc plus chers à chauffer.
L'OFCE note lui aussi que "l’inflation moyenne subie par un ménage en zone rurale serait supérieure de 1 point à la moyenne tandis qu’elle est inférieure de 0,8 point en agglomération parisienne".
L'âge semble être une autre variable prépondérante, puisque, selon l'OFCE, "un ménage dont la personne de référence est âgée de plus de 65 ans connaît un taux d’inflation supérieur de 0,6 point par rapport à l’inflation moyenne", les Français âgés de 30 à 40 ans étant à l'inverse avantagés de 0,5 point.
Les grands perdants sont les plus pauvres
En plus des ménages ruraux et des personnes âgées, France Stratégie estime que "les classes moyennes et les propriétaires" ont été les plus touchés par la hausse des prix entre 2017 et 2022.
Mais, une fois prise en compte l'évolution des revenus sur la même période, ce sont les ménages les plus pauvres qui deviennent les grands perdants du récent regain d'inflation, affirme France Stratégie.
Alors que le gouvernement tente depuis 2022 de mettre fin au "quoi qu'il en coûte" décrété par Emmanuel Macron pendant la crise sanitaire, les deux études publiées mercredi montrent toute la difficulté de l'exercice.
Face aux conséquences très inégales de l'inflation d'un ménage à l'autre, l'exécutif a jusqu'ici privilégié des dispositifs de soutien accessibles au plus grand nombre, y compris aux ménages "non contraints financièrement", relève l'OFCE.
Ces aides non ciblées, comme la remise à la pompe ou le bouclier tarifaire qui plafonne la hausse des prix de l'électricité et du gaz, ont limité à 560 euros "la perte de pouvoir d'achat moyenne par ménage liée directement au renchérissement des produits énergétiques", reconnaît l'Observatoire, qui chiffre à 1.310 euros la perte subie par ménage en l'absence de tels dispositifs.
Mais le coût de ces aides pour les finances publiques - 45 milliards d'euros en 2023 pour le seul bouclier tarifaire - "pose la question de la pérennité d’un tel dispositif", avertit l'OFCE.
Le gouvernement a commencé à réduire la voilure en janvier, en remplaçant la remise générale sur les carburants par une indemnité de 100 euros à destination des actifs les plus modestes qui ont besoin de leur voiture pour aller travailler.
Pour cibler efficacement les aides, Raul Sampognaro suggère de les flécher non pas vers ceux qui ont subi le plus gros choc d'inflation, mais en direction des ménages le moins à même de l'encaisser, du fait de moindres réserves financières.
"Tous les ménages ne sont pas égaux devant leur capacité à encaisser un choc ponctuel", rappelle-t-il.