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La chute du Mur de Berlin

Le mur fut construit en 1961 par le gouvernement fantoche mis en place par l’URSS dans l’Allemagne de l’Est occupée, après la Seconde Guerre mondiale (Photo, Getty Images).
Le mur fut construit en 1961 par le gouvernement fantoche mis en place par l’URSS dans l’Allemagne de l’Est occupée, après la Seconde Guerre mondiale (Photo, Getty Images).
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Publié le Mardi 08 décembre 2020

La chute du Mur de Berlin

  • Le 9 novembre 1989, des foules en jubilation des deux côtés de la frontière Est-Ouest se mettent à démanteler le Mur de Berlin
  • Le mur avait été construit en 1961 par le gouvernement fantoche mis en place par l’URSS dans l’Allemagne de l’Est occupée

Le démantèlement du symbole du bloc soviétique était un signe que les jours de la Guerre froide étaient comptés.

Résumé

Le 9 novembre 1989, des foules en jubilation des deux côtés de la frontière Est-Ouest se mettent à démanteler le Mur de Berlin, le symbole honni de la Guerre froide qui a divisé Berlin et les Berlinois durant près de trois décennies.

Le mur avait été construit en 1961 par le gouvernement fantoche mis en place par l’URSS dans l’Allemagne de l’Est occupée, après la Seconde Guerre mondiale. Durant 28 ans, il se dressa comme une matérialisation de l’image employée par le dirigeant britannique Winston Churchill en 1946, lorsqu’il déclara que les Soviétiques avaient l’intention de lever « un rideau de fer » à travers l’Europe.

Au fil des ans, des milliers de Berlinois de l’Est auront risqué leur vie, et des centaines l’auront perdue, en tentant de s’enfuir à l’Ouest. En fin de compte, la chute du mur, « renversé » par la pression populaire, alors que les Etats communistes de l’Europe de l’Est avaient soudain commencé à s’effondrer, symbolise l’écroulement du communisme. En 1991, tout juste un an après la réunification de l’Allemagne, l’URSS implosa.

DUBAI: Je possède un morceau du Mur de Berlin. Qui n’en possède pas ? Si chaque ‘morceau du Mur de Berlin’ était authentique, l’édifice aurait été assez large pour couvrir la planète trois fois, avec assez de restes pour construire un autre mur entre les Etats-Unis et le Mexique. Mais personne ne pourra me persuader que mon morceau de béton effrité, dénaturé par le graffiti décoloré d’un artiste depuis longtemps oublié, n’est pas à 100% authentique.

Mon couvre-chef de garde-frontière Est-Allemand et mon insigne de boutonnière, achetés sur un marché improvisé par des Berlinois à fort esprit entrepreneurial près de la Porte de Brandebourg, sont certainement d’origine moins douteuse. Ces objets-là ont une histoire.

Lorsqu’il devint clair que le mur allait tomber, un bon nombre de gardes-frontière communistes (qui n’étaient pas les individus les plus populaires, étant responsables de la mort de près de 200 de leurs compatriotes allemands durant les 30 années précédentes) s’enfuirent en empruntant la large avenue Unter den Linden, non sans avoir précipitamment ôté leurs uniformes de peur d’être repérés. Paradoxalement, beaucoup d’entre eux furent arrêtés, trahis par le fait que, dans le froid glacial allemand de novembre, ils n’étaient vêtus que de leurs sous-vêtements.

En septembre 1938, le Premier ministre britannique Neville Chamberlain décrit l’annexion des Sudètes par Adolf Hitler comme « une querelle dans un pays lointain, entre des gens dont nous ne savons rien ». Un an plus tard, La Grande-Bretagne était en guerre contre l’Allemagne nazie.

En juin 1961, le dirigeant Est-Allemand Walter Ulbricht déclara : « Personne n’a l’intention de construire un mur ». C’était le premier indice que telle était exactement l’intention.

Ross Anderson

Le 11 novembre 1989, Arab News n’était pas frappé d’une telle myopie institutionnelle, dédiant une grande partie de sa Une aux événements en Allemagne, un pays certes « lointain », mais dont la capitale était le théâtre des jeux de pouvoir de la Guerre froide. Ces derniers avaient des répercussions certaines sur le Moyen-Orient et le monde entier.

Si la chute du mur était inévitable, il en fut de même de sa construction, qui débuta en août 1961, au milieu de la période de division de l’Europe, en conséquence de la Seconde Guerre mondiale. L’Union soviétique avait installé des gouvernements fantoches à travers l’Europe de l’Est, notamment celui de la nouvelle République démocratique allemande, communément appelée l’Allemagne de l’Est.

Les alliés occidentaux mirent en place une administration parallèle dans les territoires qu’ils contrôlaient, qui devint la République fédérale d’Allemagne : l’Allemagne de l’Ouest. En première ligne de cette Guerre froide, Berlin-Ouest était une enclave entourée par l’Est communiste.

Il était clair que cette configuration était vouée à l’échec. Alors que l’Ouest prospérait, grâce à l’influx de fonds provenant du Plan Marshall américain, l’Est stagnait, étouffé par une piètre gestion économique et une bureaucratie rigide et excessive.

Des tensions couvèrent durant 12 années, exacerbées par la fuite des cerveaux des jeunes, des plus qualifiés et des plus ambitieux au moment de la séparation de la ville. En juin 1961, le dirigeant Est-Allemand Walter Ulbricht déclara : « Personne n’a l’intention de construire un mur ». C’était le premier indice que telle était exactement l’intention.

Les troupes Est-Allemandes et la police fermèrent la frontière le 12 août à minuit, et le jour suivant - encore connu en Allemagne sous le nom du Dimanche des Barbelés – le processus d’isolation de Berlin-Ouest du reste de la République démocratique allemande débuta avec la construction du mur. Une fois complété - il fut progressivement renforcé en plusieurs phases en 1961, 1962, 1965 et 1975 – il faisait plus de 150 kilomètres de long, 4 mètres de hauteur, avec 186 miradors, plus de 250 postes à chiens et 20 bunkers.

Les dates clés :

  1. Le 12 août 1961

Walter Ulbricht, le dirigeant du Parti communiste est-allemand, ordonne la construction d’un mur pour séparer Berlin-Est de Berlin-Ouest.

  1. Le 13 août 1961

Début de la construction du Mur de Berlin.

  1. Le 26 juin 1963

Lors d’un discours à Berlin-Ouest, le président américain John F. Kennedy déclare : « Aujourd’hui, dans le monde libre, la plus forte expression de fierté est ‘Ich bin ein Berliner’ (Je suis un Berlinois). » 

  1. Le 12 juin 1987

Le président américain Ronald Reagan, en visite à Berlin-Ouest, lance un appel à Mikhaïl Gorbatchev, dirigeant de l’URSS, l’exhortant à « abattre ce mur ».

  1. Le 9 novembre 1989

Le gouvernement Est-Allemand lève l’interdiction de voyager et les foules commencent à détruire le Mur.

  1. Le 3 octobre 1990

L’Allemagne de l’Ouest et l’Allemagne de l’Est sont réunifiées pour former la République fédérale d’Allemagne.

  1. Le 25 décembre 1991

Gorbatchev démissionne de son poste de président de l’Union soviétique, remplacé par Boris Eltsine, qui devient le président du nouvel Etat de Russie. 

Le bloc soviétique assura durant 40 ans que le rôle du mur n’était pas de maintenir ses habitants à l’intérieur mais bien de garder « l’Ouest fasciste » dehors – un argument quelque peu dilué par les faits. Entre 1961 et 1989, plus de 5000 Est-Allemands ont triomphé du mur, que ce soit en creusant un tunnel, en passant au-dessus ou tout simplement en passant directement à travers. Le nombre de personnes ayant fait le chemin inverse est probablement anecdotique.

Le mur, et tout ce qu’il représentait, était une provocation pour les présidents américains successifs. Moins de deux ans après sa construction, John F. Kennedy déclara devant une foule de 450 000 personnes à Berlin-Ouest : « Tous les hommes libres, où qu'ils vivent, sont des citoyens de Berlin. Par conséquent, en tant qu'homme libre, je suis fier de prononcer ces mots : Ich bin ein Berliner ! ». Certains pinailleurs (et des boulangers) indiquèrent qu’il avait déclaré être une pâtisserie allemande sans confiture. Il n’en reste pas moins que le message était passé.

24 ans plus tard, dans un discours prononcé devant la Porte de Brandebourg, Ronald Reagan lança un défi au dirigeant soviétique Gorbatchev : « Si vous cherchez la paix, si vous cherchez la prospérité pour l'Union soviétique et l'Europe de l'est… M.Gorbatchev, abattez ce mur ! ».

Reagan n’eut pas à attendre longtemps. Au moment où il s’exprimait devant la foule allemande, le domino soviétique était déjà en phase d’écroulement. Les Polonais déclenchèrent un changement de régime et mirent fin au communisme. Les Hongrois découpèrent à la cisaille les barbelés le long de leur frontière avec l’Autriche et 13 000 Allemands de l’Est empruntèrent ce chemin pour rejoindre l’Ouest. L’instabilité régnait en Tchécoslovaquie. Le dirigeant du gouvernement fantoche d’Allemagne de l’Est, Eric Honeker, démissionna en octobre 1989, non sans avoir préalablement prédit que le mur tiendrait pour 100 ans supplémentaires. Il avait eu tort, et il s’était trompé pratiquement tout au long de sa vie.

Finalement, il fallut moins de temps pour faire tomber le mur qu’il n’en avait été nécessaire pour son édification. A la suite d’une conférence de presse maladroitement menée par un responsable du Parti communiste de Berlin-Est le 9 novembre, annonçant un assouplissement des règles de déplacement vers l’Ouest, des milliers d’Allemands de l’Est se massèrent devant le mur exigeant l’ouverture des barrières. Les plus entreprenants grimpèrent au-dessus du mur, où ils furent rejoints par leurs compatriotes de l’autre côté de la frontière. En infériorité numérique flagrante et sans ordres clairs (leurs chefs étaient également dans la confusion la plus totale), les gardes se tinrent à l’écart. Le mur était tombé.

« 28 ans après avoir enfermé ses citoyens dans l’une des prisons les plus larges jamais construite, derrière le Mur de Berlin, le régime Est-Allemand a cédé devant l’irrésistible poussée du désir de liberté ».


Extrait des Archives de Arab News du 11 novembre 1989

 Le jeune homme au sourire radieux et aux cheveux blonds, au comptoir de l’immigration à l’aéroport de Berlin était amical mais ferme. « Pas besoin ! » dit-il. « Pas besoin de tamponner le passeport ! Aujourd’hui nous sommes de nouveau un seul pays ! Un jour historique ! » Nous répondîmes en chœur : « Vous ne comprenez pas, c’est précisément pour cette raison que nous voulons que le tampon soit apposé sur notre passeport ».

Le pfennig fut rapidement abandonné. Avec une efficacité teutonique, des comptoirs furent installés dans un coin de la salle des arrivées, devant lesquels quiconque avec le sens de l’histoire se rangea dans la fille d’attente pour obtenir le sésame marqué de cette date historique, le 3 octobre 1990, jour de la réunification de l’Allemagne.

Au centre de Berlin, même s’il ne s’était écoulé qu’une année à peine depuis la chute du Mur, le seul signe prouvant son existence passée était une sorte de cicatrice étroite au sol, au cœur de la ville. Si elle représentait le seul reliquat physique de la précédente frontière, il suffisait néanmoins de faire quelques pas dans ce qui avait été Berlin-Est, en venant de Berlin-Ouest, pour réaliser la différence flagrante entre ces deux mondes.

Extrait des Archives d’Arab News du 11 novembre 1989.

 Ce qui fut Berlin-Ouest était plein de vie, une profusion de couleurs, et les fêtes y semblaient ininterrompues depuis novembre passé. L’Est était gris – les rues étaient grises, les immeubles étaient gris, même les gens étaient gris, leurs visages couverts d’une pâleur terne, trahissant des décennies de mauvaise alimentation.

Depuis lors, l’Allemagne de l’Est joue au rattrapage, avec un coût de réunification exorbitant de deux trillions d’euros ($2,14 trillions) mais aussi avec un véritable succès - personnifié au mieux par Angela Merkel. Elevée en Allemagne de l’Est dans la ville de Leipzig dès l’âge de trois mois, inscrite à la jeunesse communiste à 14 ans, elle est aujourd’hui la Chancelière allemande, membre du principal parti de droite. Reagan serait fier. 

 

Ross Anderson, rédacteur en chef adjoint à Arab News, était de service en tant que rédacteur en chef au journal « Today » à Londres la nuit de la chute du Mur de Berlin. Il se rendit en Allemagne l’année suivante et était présent à Berlin le jour de la réunification, le 3 octobre 1990.


Liban: quatre morts dans un raid israélien, riposte du Hezbollah et des factions alliées

Cette photo prise depuis le kibboutz de Malkia, au nord d'Israël, le long de la frontière avec le sud du Liban, montre de la fumée s'échappant du village libanais de Mays al-Jabal lors des bombardements israéliens le 5 mai 2024 (Photo, AFP).
Cette photo prise depuis le kibboutz de Malkia, au nord d'Israël, le long de la frontière avec le sud du Liban, montre de la fumée s'échappant du village libanais de Mays al-Jabal lors des bombardements israéliens le 5 mai 2024 (Photo, AFP).
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  • Les blessés ont été transportés vers des hôpitaux de la région
  • En près de sept mois de violences transfrontalières, au moins 389 personnes parmi lesquelles 255 combattants du Hezbollah et plus de 70 civils ont été tuées au Liban

BEYROUTH: «Quatre personnes d'une même famille» ont été tuées dans un «raid de l'armée israélienne» sur le village de Mays al-Jabal, a déclaré l'agence officielle d'information libanaise (ANI), actualisant un précédent bilan faisant état de trois victimes.

Il s'agit d'un homme, d'une femme et de leurs enfants âgés de 12 et 21 ans, d'après l'ANI, qui a précisé que deux autres personnes ont été blessées.

Depuis le début de la guerre à Gaza, le Hezbollah libanais, un allié du Hamas palestinien, échange quasi-quotidiennement avec l'armée israélienne des tirs à la frontière libano-israélienne. Des factions palestiniennes et autres groupes alliés ont aussi revendiqué des attaques depuis le Liban contre Israël.

Blessés transportés 

Selon ANI, des habitants du village inspectaient leurs maisons et magasins endommagés dans de précédents bombardements au moment du raid.

Les blessés ont été transportés vers des hôpitaux de la région.

Samedi soir, le Hezbollah a revendiqué des tirs sur des positions militaires dans le nord d'Israël.

Le Hezbollah a déclaré dans un communiqué avoir tiré « des dizaines de roquettes de types Katioucha et Falaq » sur Kiryat Shmona, dans le nord d'Israël, «en réponse au crime horrible que l'ennemi israélien a commis à Mays al-Jabal », qui, selon lui, a tué et blessé des civils.

En près de sept mois de violences transfrontalières, au moins 389 personnes parmi lesquelles 255 combattants du Hezbollah et plus de 70 civils ont été tuées au Liban, selon un décompte de l'AFP. Au moins 11 combattants du Hamas ont été tués selon ce même décompte.

Côté israélien, 11 soldats et neuf civils ont été tués, selon un bilan officiel.


Le forum de Riyad examine le rôle de la traduction dans la promotion de l'identité saoudienne

L'Université Princesse Noura bent Abdelrahman accueillera le 15 mai une conférence intitulée « Traduire l'identité saoudienne à travers d'autres langues et cultures ». (SPA)
L'Université Princesse Noura bent Abdelrahman accueillera le 15 mai une conférence intitulée « Traduire l'identité saoudienne à travers d'autres langues et cultures ». (SPA)
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  • La conférence vise à contribuer à un objectif clé de la Vision 2030 du Royaume, à savoir la promotion des valeurs islamiques et de l'identité nationale, en encourageant les Saoudiens à traduire ces concepts dans d'autres langues et cultures
  • Le rôle de la traduction dans la promotion d'une image positive du Royaume sera également discuté, ainsi que la promotion de la reconnaissance internationale et la mise en évidence de l'impact culturel du Royaume

RIYAD : Le Collège des langues de l'Université Princesse Noura bent Abdelrahman de Riyad accueillera le 15 mai une conférence intitulée « Traduire l'identité saoudienne à travers d'autres langues et cultures ».

L'événement, dont le slogan est « Nous traduisons notre identité », aura lieu au département des conférences et des séminaires et est parrainé par le ministre saoudien de l'Éducation, Yousef Al-Benyan.

Il se concentrera sur le partage du patrimoine culturel, historique, littéraire et intellectuel du Royaume avec un public mondial, a rapporté l'agence de presse saoudienne.


L'interminable attente des proches de jeunes migrants tunisiens perdus en mer

El Hencha fait actuellement face à un exode de jeunes en quête de mieux comme en Europe. (X : @ClimateActionG1)
El Hencha fait actuellement face à un exode de jeunes en quête de mieux comme en Europe. (X : @ClimateActionG1)
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  • Les occupants du bateau étaient surtout des jeunes de 17 à 30 ans, originaires d'El Hencha, bourgade agricole de 6.000 habitants
  • Inès Lafi n'avait aucune idée des intentions de son frère Mohamed, presque 30 ans

EL HENCHA: La plupart avaient gardé le secret: une quarantaine de migrants tunisiens, très jeunes, ont embarqué clandestinement en janvier en quête du "paradis européen" et depuis plus de quatre mois, leurs proches désespèrent de recevoir des nouvelles des disparus.

Ils sont partis vraisemblablement de Sfax (centre), épicentre en Tunisie de l'émigration irrégulière vers l'Italie, la nuit du 10 au 11 janvier sur une mer démontée, selon les familles.

Les occupants du bateau étaient surtout des jeunes de 17 à 30 ans, originaires d'El Hencha, bourgade agricole de 6.000 habitants à 40 kilomètres au nord de Sfax. Une mère et son bébé de quatre mois étaient aussi du voyage.

Inès Lafi n'avait aucune idée des intentions de son frère Mohamed, presque 30 ans, qui gagnait sa vie en conduisant la camionnette familiale de "louage" (taxi collectif).

"Il est sorti vers 22H00 avec son téléphone, sans rien dire à mes parents, sans vêtements de rechange ni sac, comme s'il allait retrouver ses amis", raconte à l'AFP cette ouvrière de 42 ans, qui souffre d'insomnies depuis.

Yousri, 22 ans, est aussi parti en cachette. "La majorité des jeunes n'ont pas informé leur famille, ils se sont débrouillés pour avoir un peu d'argent", confirme M. Henchi, son oncle instituteur.

Meftah Jalloul, poissonnier de 62 ans, savait lui "depuis un certain temps" que son fils Mohamed, 17 ans, "voulait migrer en Europe" et le lui avait déconseillé "mais c'est devenu une idée fixe".

La nuit fatidique, il a tenté d'empêcher son unique garçon de sortir, l'implorant d'attendre une meilleure météo, mais "il m'a embrassé sur la tête et il est parti", relate M. Jalloul.

«Désespérance»

Le commerçant culpabilise: "chaque jour, il créait des problèmes à la maison, il voulait de l'argent pour migrer. C'est moi qui lui ai donné l'argent, donc je suis responsable".

Les Tunisiens ont représenté la deuxième nationalité des migrants illégaux arrivés en Italie (17.304) en 2023, après les Guinéens, selon des statistiques officielles.

"Cette immigration irrégulière ne s'explique pas seulement par des motifs économiques et sociaux", analyse Romdhane Ben Amor, porte-parole de l'ONG FTDES. Il y a aussi "le facteur politique (le coup de force du président Kais Saied à l'été 2021, NDLR) et le sentiment de désespérance des Tunisiens qui ne croient pas dans l'avenir du pays".

Les disparus d'El Hencha, issus de la classe moyenne, pas particulièrement pauvres, partageaient cette "sensation d'horizon bouché".

Le frère d'Inès avait un travail mais "avec 20 dinars par jour (trois euros environ), une fois payé ses cigarettes, il disait qu'il ne pouvait pas faire de projets, ni construire une maison, ni se marier".

Mohamed l'instituteur pointe du doigt "les jeunes déjà en Italie qui publient sur les réseaux sociaux (...) leur quotidien". Les autres "voient ça et veulent changer leur avenir. Ils imaginent l'Europe comme un paradis", souligne-t-il. C'était, pense-t-il, le cas de Yousri qui travaillait dans un café internet pour 10/15 dinars par jour après avoir quitté le lycée avant le bac.

Meftah Jalloul était lui d'accord pour que son fils, également décrocheur scolaire, émigre, mais légalement et seulement après avoir fait une formation. "Il pouvait apprendre un métier: plombier, menuisier, mécanicien", souligne le père de famille.

Aujourd'hui, M. Jalloul lutte pour garder espoir.

«Temps très mauvais»

"Quatre mois se sont écoulés et je pleure mon fils. Ma famille et moi, nous sommes épuisés", dit-il en fondant en larmes.

Lui et d'autres familles se raccrochent à l'idée que l'embarcation aurait pu dériver vers la Libye voisine. Des contacts ont été pris, des recherches menées, en vain.

Inès Lafi et Mohamed Henchi redoutent le pire. Plus de 1.300 migrants sont morts ou ont disparu dans des naufrages l'an passé près des côtes tunisiennes, selon le FTDES.

"Le temps était très mauvais. Même les pêcheurs qui connaissent la mer sont rentrés, lui est sorti", explique Inès, furieuse contre le passeur, connu de tous pour son activité clandestine, qui n'est pas non plus revenu de cette dernière traversée.

Aux autorités, les familles demandent la poursuite des recherches et davantage d'opportunités à El Hencha.

"Il faut enrichir la zone industrielle avec d'autres unités de production, fournir des emplois aux jeunes", estime M. Henchi.

Il faudrait aussi, dit l'instituteur, "construire un état d'esprit différent" avec des programmes éducatifs pour donner envie de bâtir son avenir en Tunisie. Sinon les jeunes "se contentent d'un tour au café, d'un peu de ping-pong ou volley-ball".