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L’attentat du Vol 103 de la Pan Am à Lockerbie

En novembre 1991, deux officiers libyens présumés, Abdelbasset Al-Megrahi et Lamin Khalifa Fhimah, furent inculpés pour l’attentat (Photo, Getty Images).
En novembre 1991, deux officiers libyens présumés, Abdelbasset Al-Megrahi et Lamin Khalifa Fhimah, furent inculpés pour l’attentat (Photo, Getty Images).
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Publié le Mardi 08 décembre 2020

L’attentat du Vol 103 de la Pan Am à Lockerbie

  • Le 21 décembre 1988, le vol 103 de la compagnie Pan Am s’écrase sur la petite ville écossaise de Lockerbie, tuant les 259 passagers et membres d’équipage
  • Les enquêteurs trouvent rapidement des traces d’explosifs, déclenchant une enquête judiciaire qui dévoilera qu’une bombe avait été dissimulée

La vérité sur l’attentat terroriste le plus meurtrier de l’histoire du Royaume-Uni ne sera peut-être jamais connue.  

Résumé

Le 21 décembre 1988, le vol 103 de la compagnie Pan Am pour New York en provenance de Francfort via Londres, s’écrase sur la petite ville écossaise de Lockerbie, tuant les 259 passagers et membres d’équipage. 11 habitants d’une seule rue de Lockerbie meurent également, frappés par des fragments de l’appareil.

Les enquêteurs trouvent rapidement des traces d’explosifs, déclenchant une enquête judiciaire qui dévoilera qu’une bombe avait été dissimulée dans un lecteur de cassettes au milieu d'une valise de vêtements embarquée sur le vol.

En novembre 1991, deux officiers libyens présumés, Abdelbasset Al-Megrahi et Lamin Khalifa Fhimah, furent inculpés pour l’attentat. Durant neuf ans, le dirigeant libyen, le colonel Mouammar Kadhafi, refusera leur extradition. Mais sous la pression de sanctions internationales, il acceptera finalement qu’ils soient jugés pour meurtre, en application de la loi écossaise, à la Cour internationale de Justice aux Pays-Bas.  

Fhimah est jugé non-coupable mais Al-Megrahi est condamné à la prison à vie. Diagnostiqué d’un cancer de la prostate, il est relâché pour des raisons humanitaires après avoir servi un peu plus de huit ans de sa sentence. Il rentre en Libye accueilli en héros où il meurt près de trois ans plus tard.

DJEDDAH - Le Roi conduit la délégation saoudienne lors d’un sommet du CCG à Manama. Un nouveau gouvernement voit le jour en Israël. Le Soudan est en crise. Cette une de Arab News aurait pu être publiée pratiquement chaque jour cette année.

Mais il faut alors préciser que le Roi saoudien était le Roi Fahd, le Premier ministre israélien était Yitzhak Shamir, et un autre article sur la page nous rappelle que nous ne sommes pas en 2020 mais bien le 23 Décembre 1988. Deux nuits plus tôt, le vol 103 de la Pan Am en provenance de Francfort pour Détroit via Londres et New York explosait en plein ciel, victime d’une bombe terroriste alors qu’il franchissait la frontière entre l’Angleterre et l’Ecosse.

Avec un bilan de 270 morts - les 243 passagers et 16 membres de l’équipage ainsi que 11 victimes dans les rues de Lockerbie où l’avion s’est écrasé à 800 kilomètres par heure – cet attentat demeure jusqu’à ce jour l’attaque terroriste la plus meurtrière sur le sol du Royaume-Uni.

Peu d’événements ont une telle portée, allant d’une petite ville à la frontière de l’Ecosse jusqu’à la Maison Blanche. Ce fut l’un de ces évènements-là. Lockerbie, avec ses 4 000 habitants, rejoint la liste de villes aux Royaume-Uni et ailleurs – Aberfan, Munich, Sebrenica, My Lai – pour toujours associées, dans la conscience collective, à de cruelles et absurdes pertes de vies. 

L’Ecosse, mon pays, et Glasgow, ma ville, ont une image d’endroits où vivent des gens coriaces. Et les journalistes de ce pays et de cette ville ne sont pas connus pour faire preuve d’incontinence émotionnelle. Mais ce jour-là, je vis des journalistes à la réputation de durs à cuire, voire cyniques, rentrer de Lockerbie, le regard dans le vide, comme anesthésiés par l’ampleur du drame auquel ils venaient d’assister. Ces mêmes journalistes étaient pleins d’admiration devant la dignité, le calme et la force mentale dont ont fait preuve les habitants de Lockerbie, touchés par la perte de leurs proches.

La plupart des passagers étaient américains, et leurs familles avaient fait le voyage des Etats-Unis pour identifier les corps et les affaires des victimes. Les habitants de Lockerbie mirent leur chagrin entre parenthèses afin d’offrir logement, nourriture et réconfort aux personnes endeuillées. Des liens forts, qui demeurent à ce jour, furent tissés.

Extrait des archives d’Arab News du 23 décembre 1988

 Lorsqu’une attaque terroriste était confirmée, il était inévitable que son auteur soit identifié par Washington. Les Etats-Unis et le régime de Mouammar Kadhafi en Libye étaient, durant des années, dans un état de guerre non déclarée. Les frappes américaines en avril 1986, loin d’effrayer Kadhafi, semblaient l’avoir rendu furieux.

Les enquêteurs américains et britanniques ont conclu que des agents libyens à Malte avaient caché dans un radiocassette un explosif fabriqué à partir de Semtex, et l’avaient expédié dans une valise à destination de Francfort, où il fut chargé à bord du vol 103 de la Pan Am. Le sort de 270 personnes était scellé.

Les dates clés :

  1. Le 5 décembre 1988

L'Autorité fédérale de l'aviation civile américaine diffuse un bulletin d’alerte suite à un appel anonyme, avertissant qu’un vol en provenance de Francfort de la Pan Am sera l’objet d’un attentat à la bombe d’ici à deux semaines.   

  1. Le 21 décembre 1988

Une bombe explose à bord du vol 103 de la Pan Am au-dessus de Lockerbie.

  1. En Novembre 1991

Les officiers libyens supposés, Abdelbasset Al-Megrahi et Lamin Khalifa Fhimah, sont inculpés de meurtre par les autorités américaines et écossaises. Le dirigeant libyen Mouammar Kadhafi refuse leur extradition pour être jugés.

  1. Le 3 mai 2000

Après un blocage de neuf ans, Kadhafi accepte enfin de permettre aux juges écossais de juger Al-Megrahi et Fhimah aux Pays-Bas.

  1. Le 31 janvier 2001

Al-Megrahi est condamné à la prison à vie. Fhimah est jugé non coupable.

  1. Le 14 mars 2002

Al-Megrahi perd son procès en appel.

  1. Le 29 avril 2003

Kadhafi reconnaît la responsabilité de la Libye dans l’attentat et accepte de payer des compensations aux familles des victimes. 

  1. Le 20 août 2009

Diagnostiqué d’un cancer de la prostate, Al-Megrahi est relâché pour des raisons humanitaires et rentre en Libye.

  1. Le 17 février 2011

La guerre civile éclate en Libye.

  1. Le 23 février 2011

L’ancien ministre libyen de la Justice Mustafa Abdul Jalil affirme que le régime de Kadhafi était impliqué dans l’attentat.

  1. Le 20 octobre 2011

Kadhafi est tué par des milices rebelles en tentant de fuir après la chute de Tripoli. 

  1. Le 20 mai 2012

Al-Megrahi meurt, âgé de 60 ans.

Dans certaines histoires, curieusement, il est nécessaire de revenir en arrière pour mieux comprendre le présent. Notre point de départ est la mort de Abdelbasset Al-Megrahi, un officier des renseignements libyens et ancien chef de la sécurité de la compagnie d’aviation libyenne arabe, décédé chez lui à Tripoli le 20 mai 2012, à l’âge de 60 ans. Revenons donc en arrière, plus de 11 années plus tôt, lorsque trois juges écossais, siégeant dans une cour spéciale aux Pays-Bas, dans une ancienne base américaine, condamnent Al-Megrahi à la prison à vie pour 270 chefs d’accusation de meurtre dans l’attentat de Lockerbie. Il purgea sa peine dans deux prisons écossaises durant plus de huit ans jusqu’à ce que le gouvernement écossais le libère pour des raisons humanitaires, les médecins lui ayant diagnostiqué un cancer en phase terminale. Il rentra en Libye en août 2009. Les médecins ne lui avaient donné que trois mois à vivre. Il survécut près de trois années.

Al-Megrahi était et demeure la seule personne condamnée dans l’attentat du vol 103 de la Pan Am. Avec sa mort, l’affaire est-elle classée ? Certainement pas.

Les répercussions ont débuté très vite après la catastrophe, et demeurent à ce jour. Les failles dans le système de sécurité de la Pan Am ayant été exposées au grand jour, la compagnie déposa le bilan un an plus tard et ne survécut que deux ans à l’attentat. Les sanctions des Nations Unies contre Kadhafi et la Libye confirmèrent leur statut de parias. Le pays demeura en état en faillite, enlisé dans une guerre civile. Pour nous autres, les dispositifs de sécurité dans les aéroports et les avions ont connu depuis lors des renforcements incessants, mais nous pouvons, tout au moins, être reconnaissants du fait qu’une valise abandonnée contenant une bombe ne pourra plus jamais faire le voyage de Malte jusqu’en Ecosse en passant par deux autres aéroports.  

« La Mairie, décorée pour les fêtes de fin d’année et maintenant hâtivement convertie en morgue, fut envahie par des familles désemparées ».

Extrait d’un article Reuters paru dans Arab News, le 23 décembre 1988.

 De manière plus significative, Lockerbie a peut-être marqué le début de l’érosion de la confiance des citoyens dans la parole gouvernementale. Les autorités américaines et britanniques insistent sur le fait que Al-Megrahi était coupable, et qu’il avait agi seul ou avec un seul complice. Peu de gens peuvent le croire.

Des évènements majeurs à travers le monde – l’assassinat de John F. Kennedy, les premiers pas sur la Lune, les attaques du 11 septembre 2011 contre les Etats-Unis – attirent les théoriciens de la conspiration comme des aimants. Lockerbie n’est pas une exception : ‘C’était l’Iran, les Palestiniens, le Mossad. C’était la Stasi, l’Afrique du Sud sous l’apartheid’. La seule différence de taille avec Lockerbie, est que l’une de ces ‘théories’ est probablement vraie. Laquelle ? Bien malin qui saurait y répondre. La personne qui semble la plus à même d’apporter des réponses est Jim Swire, le médecin de famille anglais à la voix douce mais à la grande détermination, dont la fille, Flora, 23 ans, périt à bord de l’avion. Swire, qui a aujourd’hui plus de 80 ans, à dévoué sa vie à la recherche de la vérité sur l’attentat de Lockerbie. Il a rencontré et questionné Al-Megrahi. Il a rencontré et questionné Kadhafi. Il a été une épine dans le pied des autorités britanniques et américaines durant plus de 30 ans et il est toujours convaincu que le procès d’Al-Megrahi était une parodie de justice et un tissu de mensonges destinés à couvrir la terrible vérité qui ne sera peut-être jamais connue.

Le président américain George H.W. Bush a mis en place une commission sur la sécurité de l’aviation en 1989 afin d’étudier le sabotage de l’avion. Des familles britanniques de victimes rencontrèrent, en février de l’année suivante, des membres de cette commission à l’ambassade américaine à Londres. Un membre du personnel de Bush dit à l’un des parents de victimes : ‘Votre gouvernement et le nôtre savent exactement ce qui s’est passé, mais ils ne le révèleront jamais’.

Et ceci représente, très certainement, pour les victimes du vol 103 de la Pan Am, pour leurs familles qui portent encore le deuil, et pour les habitants de Lockerbie, l’ultime insulte.

 

Ross Anderson, rédacteur en chef adjoint à Arab News, était de service en tant que rédacteur en chef au journal ‘Today’ à Londres, la nuit de la catastrophe de Lockerbie.


Liban: quatre morts dans un raid israélien, riposte du Hezbollah et des factions alliées

Cette photo prise depuis le kibboutz de Malkia, au nord d'Israël, le long de la frontière avec le sud du Liban, montre de la fumée s'échappant du village libanais de Mays al-Jabal lors des bombardements israéliens le 5 mai 2024 (Photo, AFP).
Cette photo prise depuis le kibboutz de Malkia, au nord d'Israël, le long de la frontière avec le sud du Liban, montre de la fumée s'échappant du village libanais de Mays al-Jabal lors des bombardements israéliens le 5 mai 2024 (Photo, AFP).
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  • Les blessés ont été transportés vers des hôpitaux de la région
  • En près de sept mois de violences transfrontalières, au moins 389 personnes parmi lesquelles 255 combattants du Hezbollah et plus de 70 civils ont été tuées au Liban

BEYROUTH: «Quatre personnes d'une même famille» ont été tuées dans un «raid de l'armée israélienne» sur le village de Mays al-Jabal, a déclaré l'agence officielle d'information libanaise (ANI), actualisant un précédent bilan faisant état de trois victimes.

Il s'agit d'un homme, d'une femme et de leurs enfants âgés de 12 et 21 ans, d'après l'ANI, qui a précisé que deux autres personnes ont été blessées.

Depuis le début de la guerre à Gaza, le Hezbollah libanais, un allié du Hamas palestinien, échange quasi-quotidiennement avec l'armée israélienne des tirs à la frontière libano-israélienne. Des factions palestiniennes et autres groupes alliés ont aussi revendiqué des attaques depuis le Liban contre Israël.

Blessés transportés 

Selon ANI, des habitants du village inspectaient leurs maisons et magasins endommagés dans de précédents bombardements au moment du raid.

Les blessés ont été transportés vers des hôpitaux de la région.

Samedi soir, le Hezbollah a revendiqué des tirs sur des positions militaires dans le nord d'Israël.

Le Hezbollah a déclaré dans un communiqué avoir tiré « des dizaines de roquettes de types Katioucha et Falaq » sur Kiryat Shmona, dans le nord d'Israël, «en réponse au crime horrible que l'ennemi israélien a commis à Mays al-Jabal », qui, selon lui, a tué et blessé des civils.

En près de sept mois de violences transfrontalières, au moins 389 personnes parmi lesquelles 255 combattants du Hezbollah et plus de 70 civils ont été tuées au Liban, selon un décompte de l'AFP. Au moins 11 combattants du Hamas ont été tués selon ce même décompte.

Côté israélien, 11 soldats et neuf civils ont été tués, selon un bilan officiel.


Le forum de Riyad examine le rôle de la traduction dans la promotion de l'identité saoudienne

L'Université Princesse Noura bent Abdelrahman accueillera le 15 mai une conférence intitulée « Traduire l'identité saoudienne à travers d'autres langues et cultures ». (SPA)
L'Université Princesse Noura bent Abdelrahman accueillera le 15 mai une conférence intitulée « Traduire l'identité saoudienne à travers d'autres langues et cultures ». (SPA)
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  • La conférence vise à contribuer à un objectif clé de la Vision 2030 du Royaume, à savoir la promotion des valeurs islamiques et de l'identité nationale, en encourageant les Saoudiens à traduire ces concepts dans d'autres langues et cultures
  • Le rôle de la traduction dans la promotion d'une image positive du Royaume sera également discuté, ainsi que la promotion de la reconnaissance internationale et la mise en évidence de l'impact culturel du Royaume

RIYAD : Le Collège des langues de l'Université Princesse Noura bent Abdelrahman de Riyad accueillera le 15 mai une conférence intitulée « Traduire l'identité saoudienne à travers d'autres langues et cultures ».

L'événement, dont le slogan est « Nous traduisons notre identité », aura lieu au département des conférences et des séminaires et est parrainé par le ministre saoudien de l'Éducation, Yousef Al-Benyan.

Il se concentrera sur le partage du patrimoine culturel, historique, littéraire et intellectuel du Royaume avec un public mondial, a rapporté l'agence de presse saoudienne.


L'interminable attente des proches de jeunes migrants tunisiens perdus en mer

El Hencha fait actuellement face à un exode de jeunes en quête de mieux comme en Europe. (X : @ClimateActionG1)
El Hencha fait actuellement face à un exode de jeunes en quête de mieux comme en Europe. (X : @ClimateActionG1)
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  • Les occupants du bateau étaient surtout des jeunes de 17 à 30 ans, originaires d'El Hencha, bourgade agricole de 6.000 habitants
  • Inès Lafi n'avait aucune idée des intentions de son frère Mohamed, presque 30 ans

EL HENCHA: La plupart avaient gardé le secret: une quarantaine de migrants tunisiens, très jeunes, ont embarqué clandestinement en janvier en quête du "paradis européen" et depuis plus de quatre mois, leurs proches désespèrent de recevoir des nouvelles des disparus.

Ils sont partis vraisemblablement de Sfax (centre), épicentre en Tunisie de l'émigration irrégulière vers l'Italie, la nuit du 10 au 11 janvier sur une mer démontée, selon les familles.

Les occupants du bateau étaient surtout des jeunes de 17 à 30 ans, originaires d'El Hencha, bourgade agricole de 6.000 habitants à 40 kilomètres au nord de Sfax. Une mère et son bébé de quatre mois étaient aussi du voyage.

Inès Lafi n'avait aucune idée des intentions de son frère Mohamed, presque 30 ans, qui gagnait sa vie en conduisant la camionnette familiale de "louage" (taxi collectif).

"Il est sorti vers 22H00 avec son téléphone, sans rien dire à mes parents, sans vêtements de rechange ni sac, comme s'il allait retrouver ses amis", raconte à l'AFP cette ouvrière de 42 ans, qui souffre d'insomnies depuis.

Yousri, 22 ans, est aussi parti en cachette. "La majorité des jeunes n'ont pas informé leur famille, ils se sont débrouillés pour avoir un peu d'argent", confirme M. Henchi, son oncle instituteur.

Meftah Jalloul, poissonnier de 62 ans, savait lui "depuis un certain temps" que son fils Mohamed, 17 ans, "voulait migrer en Europe" et le lui avait déconseillé "mais c'est devenu une idée fixe".

La nuit fatidique, il a tenté d'empêcher son unique garçon de sortir, l'implorant d'attendre une meilleure météo, mais "il m'a embrassé sur la tête et il est parti", relate M. Jalloul.

«Désespérance»

Le commerçant culpabilise: "chaque jour, il créait des problèmes à la maison, il voulait de l'argent pour migrer. C'est moi qui lui ai donné l'argent, donc je suis responsable".

Les Tunisiens ont représenté la deuxième nationalité des migrants illégaux arrivés en Italie (17.304) en 2023, après les Guinéens, selon des statistiques officielles.

"Cette immigration irrégulière ne s'explique pas seulement par des motifs économiques et sociaux", analyse Romdhane Ben Amor, porte-parole de l'ONG FTDES. Il y a aussi "le facteur politique (le coup de force du président Kais Saied à l'été 2021, NDLR) et le sentiment de désespérance des Tunisiens qui ne croient pas dans l'avenir du pays".

Les disparus d'El Hencha, issus de la classe moyenne, pas particulièrement pauvres, partageaient cette "sensation d'horizon bouché".

Le frère d'Inès avait un travail mais "avec 20 dinars par jour (trois euros environ), une fois payé ses cigarettes, il disait qu'il ne pouvait pas faire de projets, ni construire une maison, ni se marier".

Mohamed l'instituteur pointe du doigt "les jeunes déjà en Italie qui publient sur les réseaux sociaux (...) leur quotidien". Les autres "voient ça et veulent changer leur avenir. Ils imaginent l'Europe comme un paradis", souligne-t-il. C'était, pense-t-il, le cas de Yousri qui travaillait dans un café internet pour 10/15 dinars par jour après avoir quitté le lycée avant le bac.

Meftah Jalloul était lui d'accord pour que son fils, également décrocheur scolaire, émigre, mais légalement et seulement après avoir fait une formation. "Il pouvait apprendre un métier: plombier, menuisier, mécanicien", souligne le père de famille.

Aujourd'hui, M. Jalloul lutte pour garder espoir.

«Temps très mauvais»

"Quatre mois se sont écoulés et je pleure mon fils. Ma famille et moi, nous sommes épuisés", dit-il en fondant en larmes.

Lui et d'autres familles se raccrochent à l'idée que l'embarcation aurait pu dériver vers la Libye voisine. Des contacts ont été pris, des recherches menées, en vain.

Inès Lafi et Mohamed Henchi redoutent le pire. Plus de 1.300 migrants sont morts ou ont disparu dans des naufrages l'an passé près des côtes tunisiennes, selon le FTDES.

"Le temps était très mauvais. Même les pêcheurs qui connaissent la mer sont rentrés, lui est sorti", explique Inès, furieuse contre le passeur, connu de tous pour son activité clandestine, qui n'est pas non plus revenu de cette dernière traversée.

Aux autorités, les familles demandent la poursuite des recherches et davantage d'opportunités à El Hencha.

"Il faut enrichir la zone industrielle avec d'autres unités de production, fournir des emplois aux jeunes", estime M. Henchi.

Il faudrait aussi, dit l'instituteur, "construire un état d'esprit différent" avec des programmes éducatifs pour donner envie de bâtir son avenir en Tunisie. Sinon les jeunes "se contentent d'un tour au café, d'un peu de ping-pong ou volley-ball".