BAMAKO : Un groupe de jeunes a brutalement interrompu lundi à Bamako la conférence de personnalités publiques qui annonçaient le lancement d'un nouveau mouvement critique à l'encontre des colonels au pouvoir au Mali, ont rapporté les réseaux sociaux et des témoins.
Des vidéos publiées sur les réseaux sociaux montrent le groupe de quelques dizaines de jeunes entrer dans la Maison de la presse et couvrir les prises de parole par un vacarme assourdissant de slogans et de cornes. Peu après, des chaises volent de part et d'autre dans une grande bousculade et les vitres de la Maison de la presse sont brisées au moment de la sortie du groupe.
Les jeunes brandissent une banderole proclamant "le peuple malien ne suit plus un manipulateur" et visant apparemment l'un des initiateurs de la conférence, Issa Kaou N'Djim. Les instigateurs de cette intrusion n'ont pas été identifiés.
M. N'Djim a indirectement mis en cause les militaires au pouvoir. "Qui (est) derrière ? Je pense que cette question doit être posée aux autorités", a-t-il déclaré à l'AFP. "Rien ne se fait sans la surveillance discrète des autorités", a-t-il ajouté.
Plusieurs personnalités, dont Issa Kaou N'Djim, lançaient une tentative de rassemblement de partis et d'organisations de la société civile aux contours encore flous, baptisée "appel du 20 février pour sauver le Mali".
Cette initiative intervient dans un contexte où les militaires qui ont pris le pouvoir par la force en août 2020 en tiennent tous les leviers et où toute contestation organisée est quasiment réduite au silence ou à l'impuissance.
La "volonté d'imposer le silence à tout le monde, cela n'a pas suffi, maintenant c'est des attaques physiques", a dit M. N'Djim à l'AFP.
Parmi les mots d'ordre de cette initiative figurent le respect du calendrier électoral prévu en vue d'un retour des civils au pouvoir et l'abandon du projet de nouvelle Constitution, a-t-il dit.
Cette demande d'abandon va directement à l'encontre des plans de la junte, qui a fait d'une nouvelle Constitution un élément essentiel de son programme et un argument pour continuer à diriger le pays jusqu'à des élections programmées en 2024. Un référendum est prévu en mars sur cette nouvelle Constitution, mais le doute va grandissant quant au respect du calendrier.
Parmi les groupes qui soutiennent l'appel de lundi se trouve la Coordination des mouvements, associations et sympathisants de l'imam Mahmoud Dicko (CMAS). Les fidèles de cet influent religieux avaient essuyé des jets de lacrymogènes des forces de sécurité en janvier, à son retour d'Arabie saoudite.
L'imam avait été la figure tutélaire en 2020 de la mobilisation contre le président Ibrahim Boubacar Keïta, réélu deux ans auparavant et finalement renversé par les militaires.
M. N'Djim, autre animateur de cette mobilisation, d'abord supporteur du colonel Assimi Goïta, le chef de la junte, a pris ses distances avec les militaires.
Il avait été arrêté en octobre 2021 pour "propos subversifs", "troubles à l'ordre public et atteinte au crédit de l'Etat", et condamné en décembre suivant à six mois de prison avec sursis.
M. N'Djim a commencé récemment à sortir de son silence. "La seule chose sur laquelle je suis d'accord pour aider la transition (le processus politique actuel) et éviter que l'on rentre dans une autre crise, c'est d'aider Assimi à faire les élections et qu'il retourne dans les casernes", disait-il dernièrement à une télévision privée.