Retraites: des syndicats revigorés mais toujours fragiles

Le ministre français du Travail Olivier Dussopt prononce son dernier discours à l'issue du débat sur les retraites, à l'Assemblée nationale, la chambre basse du Parlement français, à Paris, le 18 février 2023. (AFP).
Le ministre français du Travail Olivier Dussopt prononce son dernier discours à l'issue du débat sur les retraites, à l'Assemblée nationale, la chambre basse du Parlement français, à Paris, le 18 février 2023. (AFP).
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Publié le Dimanche 19 février 2023

Retraites: des syndicats revigorés mais toujours fragiles

  • Pour M. Pernot, spécialiste du syndicalisme, les syndicats ne pourront «reconstruire une certaine puissance» que «s'ils maintiennent le cadre unitaire entre eux»
  • «C'est un des enjeux de la fin du conflit, que ça ne parte pas en quenouille avec des bagarres», expose-t-il

PARIS : "Le mouvement syndical est de retour", se réjouissait cette semaine le patron de la CFDT Laurent Berger. Mais si la réforme des retraites a donné un regain de vitalité aux organisations syndicales, les "défis" auxquels elles sont confrontées demeurent.

Depuis le début de la contestation, les leaders des huit principaux syndicats français sont partout, à la Une des journaux, dans les matinales des radios et sur les plateaux des chaînes d'information, vantant "le plus grand mouvement social de ces trente dernières années" et se félicitant d'avoir gagné la "bataille d'opinion" contre le projet de l'exécutif.

Jeudi, pour la cinquième journée de mobilisation, Laurent Berger et son homologue de la CGT Philippe Martinez affichaient leur entente sur BFMTV, sous le soleil d'Albi. "On montre que quand les syndicats sont présents, quand on fait bien notre boulot (...) la population répond", a dit M. Martinez, à qui la lutte offre un moment de respiration, à quelques semaines d'un congrès de la CGT qui s'annonce houleux.

Donnés "moribonds", incapables d'anticiper le mouvement des contrôleurs SNCF en décembre, ou de canaliser la colère des Gilets jaunes en 2018-2019, les syndicats apparaissent comme les maîtres de l'agenda social - même le chef de file des Insoumis, Jean-Luc Mélenchon, qui a pu contester aux syndicats leur capacité à conduire le mouvement social, a été obligé d'en rabattre, mettant ses pas dans les leurs pour appeler à "arrêter tout, partout" le 7 mars.

La CGT affirme avoir enregistré 10 200 adhésions en janvier, la CFDT 10 000 entre le 1er janvier et le 3 février, deux fois plus que d'habitude.

Retraites: Hollande déplore un «formidable gâchis»

L'ancien président François Hollande a déploré dimanche le "formidable gâchis" du débat sur la réforme des retraites à l'Assemblée nationale, appelant le gouvernement à dialoguer avec les syndicats plutôt qu'avec le patron de LR Eric Ciotti.

"C'est un formidable gâchis puisqu'aucun des acteurs n'en sort victorieux, ni le gouvernement, ni l'opposition et surtout pas les Français", a regretté M. Hollande, invité du Grand Jury LCI-RTL-Le Figaro, qui considère la réforme comme "inopportune" et "injuste".

"Nous avons vécu une quinzaine de dupes puisque chacun des acteurs a été à contre-emploi", a estimé l'ancien président PS, qui a critiqué l'ensemble des forces politiques, s'en prenant d'abord au gouvernement qui "a pris une procédure exceptionnelle pour faire passer une réforme (...)" et "ouvert la critique du temps court et du passage en force".

A gauche, M. Hollande a taclé les députés Insoumis qui "n'ont même pas entendu ce que demandaient les organisations syndicales". L'intersyndicale exigeait le retrait des amendements pour que soit débattu l'article 7 qui prévoit le relèvement de l'âge de départ de 62 à 64 ans.

A droite, il a ironisé sur "la position absurde" et "contradictoire" des députés LR qui "apparaissaient comme étant ceux qui demandaient un assouplissement". Enfin, ses piques n'ont pas épargné le RN, accusé de "s'être caché tout au long de la discussion" pour déposer à la fin une motion de censure "dont ils savaient qu'elle ne pouvait pas passer".

Avant la prochaine journée de mobilisation prévue le 7 mars, M. Hollande a plaidé pour un "dialogue" entre le gouvernement et les syndicats, en particulier Laurent Berger, le patron de la CFDT.

"Plutôt que de négocier avec Eric Ciotti ou Aurélien Pradié, c'est essentiellement vis-à-vis de Laurent Berger et d'autres syndicats qu'il fallait se tourner", a-t-il déclaré.

"Penser que c'est M. Ciotti qui aujourd'hui représente le mouvement social, c'est quand même un peu étrange", a-t-il ajouté.

Vocations

"Ils ont réussi quelque chose. On les avait donnés morts, ils ne sont pas tout à fait morts, ils sont en 'pas très bon état'. Il y a un potentiel de reconstruction (...) Ce n'est pas joué", dit à l'AFP le politologue Jean-Marie Pernot, spécialiste du syndicalisme.

Une des clés de la réussite des leaders syndicaux est d'être parvenus à mettre de côté leurs différences pour s'accorder sur un mot d'ordre clair - le refus du recul de l'âge de la retraite à 64 ans.

Pour M. Pernot, les syndicats ne pourront "reconstruire une certaine puissance" que "s'ils maintiennent le cadre unitaire entre eux". "C'est un des enjeux de la fin du conflit, que ça ne parte pas en quenouille avec des bagarres", expose-t-il.

Le mérite des syndicats est aussi selon Laurent Berger d'avoir "largement anticipé ce qui est en train de se passer sur les évolutions du travail", qui est pour lui le ressort profond de la très forte contestation de la réforme des retraites.

Mais "les défis qui étaient ceux du mouvement syndical début décembre sont toujours les mêmes", dit-il à l'AFP.

Confrontés à un repli de la syndicalisation, passée de 11,2% à 10,3% entre 2013 et 2019 selon le ministère du Travail, et à une baisse de la participation aux élections professionnelles --comme l'ont encore montré celles dans la fonction publique en décembre--, les syndicats doivent plus que jamais réfléchir à la manière d'être "plus en phase avec les enjeux du monde du travail", dit M. Berger.

"Ce qui est en train de se passer, c'est un mouvement de dignité du monde du travail (...) On aura à (le) faire fructifier", a-t-il affirmé lundi, à l'occasion d'un débat organisé par le cabinet de conseil Syndex.

La capacité des syndicats à capitaliser sur le mouvement dépendra en partie de son issue, a expliqué à son côté le sondeur Jérôme Fourquet (Ifop): "dans tout mouvement social d'une telle ampleur il y a des vocations qui vont naître", dit-il. Mais "si au terme d'une bataille comme celle-ci la réforme passe, ça va doucher un certain nombre d'ardeurs", met-il en garde.

Un sondage Ifop pour le JDD montre en tout cas qu'aux yeux des Français, ce sont les syndicats qui "incarnent le mieux" l'opposition à la réforme des retraites: 43% le pensent, 25% accordant ce statut de premier opposant au RN, et 23% à la Nupes.

Dimanche, le secrétaire national du PCF, Fabien Roussel, a appelé la coalition de gauche, minée par les divisions après deux semaines de débat chaotique à l'Assemblée, à "s'inspirer" de l'unité intersyndicale.


L'écrivain Boualem Sansal a entamé une grève de la faim, a déclaré son avocat

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  • « Je suis inquiet pour sa santé, comme pour la possibilité même d'un procès équitable », a affirmé Me François Zimeray, avocat français de l'écrivain, confirmant une information du JDD.
  • Selon Me Zimeray, qui a expliqué ne pas avoir obtenu de visa pour se rendre en Algérie afin de voir son client, Boualem Sansal aurait pris cette décision « en raison des pressions exercées contre lui pour changer d'avocat ».

PARIS : L'écrivain franco-algérien Boualem Sansal, incarcéré en Algérie depuis mi-novembre, a entamé lundi une grève de la faim, a indiqué son avocat dimanche à l'AFP, précisant tenir cette information d'une source judiciaire.

« Je suis inquiet pour sa santé, comme pour la possibilité même d'un procès équitable », a affirmé Me François Zimeray, avocat français de l'écrivain, confirmant une information du JDD.

Selon Me Zimeray, qui a expliqué ne pas avoir obtenu de visa pour se rendre en Algérie afin de voir son client, Boualem Sansal aurait pris cette décision « en raison des pressions exercées contre lui pour changer d'avocat ».

« Ni la pondération dans l'expression de sa défense, ni la retenue face à la campagne abjecte que j'ai subie dans certains médias algériens, ni le respect du cadre judiciaire de ce pays ne semblent avoir été appréciés par un régime qui persiste à me refuser le visa sans raison valable, privant Boualem Sansal de la défense de son choix », a martelé l'avocat.

Ce dernier a également affirmé que le protocole de soin suivi par Boualem Sansal avait été interrompu, alors que l'écrivain souffrirait d'un cancer, d'après des informations de presse.

Boualem Sansal est poursuivi en vertu de l'article 87 bis du Code pénal algérien, qui sanctionne comme acte terroriste ou subversif tout acte visant la sûreté de l'État, l'intégrité du territoire, la stabilité et le fonctionnement normal des institutions.

Selon le quotidien français Le Monde, le pouvoir algérien aurait mal pris les déclarations de Boualem Sansal au média français Frontières, réputé d'extrême droite, reprenant la position du Maroc selon laquelle le territoire de ce dernier pays aurait été amputé sous la colonisation française au profit de l'Algérie.

Son incarcération a provoqué les protestations de nombreux intellectuels et écrivains, qui estiment les poursuites sans aucun fondement.

Boualem Sansal a longtemps affirmé être né en 1949, ce qui lui donnerait aujourd'hui 75 ans. En décembre, son éditeur Antoine Gallimard avait pour sa part indiqué qu'il était en vérité né en 1944 et avait donc 80 ans.


Immigration : un conseil interministériel se réunit mercredi

Le ministre français de l'Intérieur Bruno Retailleau (C) serre la main d'un agent de la police nationale française dans une caserne de pompiers après une attaque au couteau à Mulhouse, dans l'est de la France, où un homme est soupçonné d'avoir tué une personne et grièvement blessé deux agents de police, le 22 février 2025 (Photo par SEBASTIEN BOZON / AFP)
Le ministre français de l'Intérieur Bruno Retailleau (C) serre la main d'un agent de la police nationale française dans une caserne de pompiers après une attaque au couteau à Mulhouse, dans l'est de la France, où un homme est soupçonné d'avoir tué une personne et grièvement blessé deux agents de police, le 22 février 2025 (Photo par SEBASTIEN BOZON / AFP)
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  • Ce conseil, qui était prévu avant l'attaque de Mulhouse, « se réunira ce mercredi », a déclaré Jean-Noël Barrot lors d'un entretien avec Europe 1 et CNews, où il était interrogé sur l'attaque de samedi.
  • Interrogé sur TF1, le ministre de l'Intérieur, Bruno Retailleau, a indiqué que le suspect faisait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français (OQTF) et a accusé l'Algérie de l'avoir refoulé à 10 reprises.

PARIS : Le gouvernement français réunira un conseil interministériel de contrôle de l'immigration mercredi, alors qu'une attaque au couteau, perpétrée par un Algérien en situation irrégulière, a fait un mort samedi à Mulhouse, a assuré dimanche le ministre des Affaires étrangères.

Ce conseil, qui était prévu avant l'attaque de Mulhouse, « se réunira ce mercredi », a déclaré Jean-Noël Barrot lors d'un entretien avec Europe 1 et CNews, où il était interrogé sur l'attaque de samedi.

Au cours de l'entretien, le ministre a été interrogé sur les discussions avec ses homologues algériens concernant les obligations de quitter le territoire français (OQTF).

« Cette attaque terroriste nous appelle à amplifier encore la mobilisation qui est la nôtre pour mieux contenir et prévenir les conséquences de la présence de ce terroriste islamiste sur le territoire national », a estimé le ministre avant d'évoquer le conseil interministériel.

Interrogé sur TF1, le ministre de l'Intérieur, Bruno Retailleau, a indiqué que le suspect faisait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français (OQTF) et a accusé l'Algérie de l'avoir refoulé à 10 reprises.

Le Premier ministre, François Bayrou, a d'ailleurs convoqué un conseil interministériel de contrôle de l'immigration ce mercredi. « Nous devons faire plus et nous devons faire mieux », a-t-il déclaré.

M. Barrot a également affirmé avoir demandé « aux 19 ambassadeurs, dans les pays où nous rencontrons le plus de difficultés pour renvoyer les étrangers en situation irrégulière, à me faire un rapport circonstanciel dont je présenterai les résultats ce mercredi au Premier ministre pour que nous puissions prendre des mesures fortes ».

« Il y a des pays vis-à-vis desquels il nous faut effectivement prendre des mesures fortes. Il y en a d'autres où, au contraire, il nous faut des mesures d'accompagnement », a-t-il ajouté. 


« La France doit produire plus pour manger mieux », affirme la ministre de l'Agriculture

Le président français Emmanuel Macron (G) s'adresse à la presse en compagnie de la ministre française de l'Agriculture et de la Souveraineté alimentaire Annie Genevard  L'édition 2025 du SIA (Salon International de l'Agriculture) Agriculture se tient à Paris du 22 février au 2 mars 2025. (Photo par Thomas Padilla / POOL / AFP)
Le président français Emmanuel Macron (G) s'adresse à la presse en compagnie de la ministre française de l'Agriculture et de la Souveraineté alimentaire Annie Genevard L'édition 2025 du SIA (Salon International de l'Agriculture) Agriculture se tient à Paris du 22 février au 2 mars 2025. (Photo par Thomas Padilla / POOL / AFP)
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  • la France doit affirmer sa souveraineté agricole comme un enjeu régalien et réarmer sa puissance alimentaire », a-t-elle déclaré, appelant à « sonner la mobilisation générale ».
  • « La France doit produire plus pour manger mieux. Produire plus pour reconquérir l’assiette des Français, produire plus pour importer moins et garantir les standards de production que nous exigeons de nos paysans », a-t-elle ajouté.

PARIS : « La France doit produire plus pour manger mieux », a affirmé dimanche, lors de l'inauguration du stand du ministère au Salon de l'agriculture, la ministre de l'Agriculture Annie Genevard, livrant sa vision de la souveraineté alimentaire.

« Dans ce moment de grand bouleversement de l'ordre international (...), la France doit affirmer sa souveraineté agricole comme un enjeu régalien et réarmer sa puissance alimentaire », a-t-elle déclaré, appelant à « sonner la mobilisation générale ».

« La France doit produire plus pour manger mieux. Produire plus pour reconquérir l’assiette des Français, produire plus pour importer moins et garantir les standards de production que nous exigeons de nos paysans », a-t-elle ajouté, suscitant des applaudissements dans le public, largement composé de représentants du monde agricole (producteurs, interprofessions, syndicats, chambres d'agriculture, etc.).

« Produire plus pour pouvoir investir et ainsi produire mieux. Produire plus pour rester une puissance exportatrice et jouer dans la cour des grands alors que de nouveaux équilibres de la géopolitique agricole se dessinent », a-t-elle poursuivi, au côté de son homologue marocain, Ahmed El Bouari, dont le pays est l'invité d'honneur du Salon.

« Produire plus et tourner le dos aux partisans de la décroissance et du repli sur soi », a ajouté Mme Genevard.

Tout en estimant qu'il est « un non-sens » d'opposer agriculture et environnement alors que les agriculteurs travaillent « avec la nature », elle a déclaré se battre « chaque jour pour qu'on ne bride pas l'alimentation au nom de la planète, alors qu'il n’y a aucun bénéfice objectif à ces entraves administratives ou réglementaires ».

La ministre s'en est ensuite vigoureusement pris aux « idéologues », « les procureurs qui mangent du paysan à tous les repas sans en avoir jamais vu, pour entretenir le fantasme d'une France agricole productiviste ».

« On invoque souvent la dette environnementale que nous pourrions laisser à nos enfants. Mais je ne veux pas non plus leur laisser une dette alimentaire », a-t-elle encore affirmé.